P-au-P, 14 sept. 2010 [AlterPresse] --- 4 hommes armés, dont 2 en uniforme (gris uni et gris “de camouflage”) militaire et policier (l’un d’entre eux portait un écusson “policia nacional”) ont agressé, tôt dans la matinée du mardi 7 septembre 2010, un couple de ressortissants haïtiens qui faisaient route de Santiago de Los Caballeros (2e ville de la République Dominicaine) en direction de la capitale voisine Santo Domingo.
“Il était environ 6:15 am locales (5:15 am sur le territoire d’Haïti = 10:15 gmt) quand des hommes, se trouvant dans un véhicule tout terrain et montrant manifestement leurs armes dont 1 fusil et leurs uniformes, se sont mis en parrallèle à notre voiture (ayant la plaque minéralogique d’Haïti), pour nous ordonner de nous arrêter. Cela s’est produit sur l’autoroute Duarte, non loin du poste de péage en construction”, rapporte à AlterPresse l’épouse du conducteur, tous deux se ressentant encore du traumatisme enregistré à l’occasion.
Après avoir mis leur véhicule sur l’accotement de l’autoroute à grande et rapide circulation, le couple a entendu leurs interlocuteurs armés déclarer qu’ils leur avaient “ordonné de s’arrêter parce qu’il s’agissait d’un véhicule d’Haïti…que le véhicule en question correspondrait au signalement d’une voiture transportant de la drogue”…
Une vive discussion s’en est suivie, au cours de laquelle le couple, manifestant de bonnes dispositions à laisser perquisitionner leur véhicule, a demandé est-ce que le fait de circuler, en territoire dominicain, avec un véhicule d’Haïti constitue un délit.
Devant le refus du couple à les accompagner vers un poste de police ou une caserne militaire (‘un destacamento o una fortaleza militar”), les agresseurs armés ont menacé de cribler de balles les deux compatriotes, les ont embarqués de force dans le véhicule dominicain, tandis que l’un d’entre eux conduisait le véhicule avec la plaque minéralogique d’Haïti.
Les ayant mis en joue pour les obliger à baisser la tête, pendant qu’ils faisaient de nombreux détours (de longues minutes s’étant écoulées dans ce qui s’apparente à un acte de séquestration), ils les ont emmenés dans un buisson, où ils ont pris le temps de transborder tout le contenu du véhicule du couple vers leur propre véhicule.
Là, ils se sont emparés de valises, d’argent, de bijoux, de multiples documents (1 passeport, diplômes et diverses attestations d’études, divers papiers importants) ainsi que d’autres matériels qui se trouvaient en possession du couple qui venait de visiter leur fils à Santiago.
Avant de les abandonner (sous la menace de leurs armes) à l’endroit retiré où ils les avaient conduits, les 4 agresseurs armés ont jeté la clef de contact du véhicule du couple dans un marécage, près duquel se trouvaient des barbelés, puis ont fait démarrer en trombe le véhicule dominicain..
Entre-temps, il faisait davantage jour. Le couple s’est peu à peu ressaisi et a marché afin de retrouver une route susceptible de les ramener sur l’autoroute Duarte.
“Los hornos” : c’est ce que leur a fait savoir un paysan de la zone, à qui ils ont demandé où ils se trouvaient.
“Los hornos” est une section de la localité dénommée Burende, non loin de La Vega, à plus de 35 kilomètres au sud de Santiago de Los Caballeros.
Revenus sur l’autoroute Duarte, le couple a appelé leur fils, qui réside à Santiago, puis a téléphoné à un membre de comité de droits humains en République Dominicaine. Ce dernier a pu alerter les plus hautes autorités militaires à Santo Domingo, qui ont informé celles de La Vega, où le couple a pu rendre compte des faits, de l’agression qu’il venait de subir.
Le lendemain, le mercredi 8 septembre, ils ont déposé une plainte formelle contre X auprès de la justice à La Vega.
Les autorités judiciaires et militaires dominicaines promettent de donner suite à l’affaire.
A signaler que, le dimanche 5 septembre 2010, un ressortissant cubain a été agressé dans des conditions similaires à celles de l’agression qu’allait subir, 2 jours plus tard, le couple de ressortissants d’Haïti.
D’autres cas, de gangs opérant à proximité de l’autoroute Duarte (Santo Domingo / Santiago de Los Caballeros) sont rapportés par des voyageurs.
Dans l’intervalle, le couple, qui a rebroussé chemin vers Santiago, s’est rendu au consulat d’Haïti de cette ville, où ils ont été bien accueillis (avec beaucoup de respect, signale le couple agressé) par le personnel du consulat, lequel leur a remis une feuille de route pour pouvoir traverser, le jeudi 09 septembre 2010, la frontière commune entre les 2 pays qui partagent l’île d’Haïti.
Les leçons à tirer
Il existe une fausse impression de climat totalement sécuritaire en République Dominicaine, où de nombreux cas de vandalisme, d’agressions armées, harcèlements, rançonnements et autres types d’exactions sont enregistrés régulièrement, mais sont tus pour éviter des incidences sur l’industrie touristique en territoire voisin d’Haïti.
A la fin de l’année 2008, un jeune compatriote haïtien a été laissé pour mort non loin de l’aéroport international de las Americas à Santo Domingo, par des agresseurs armés qui se trouvaient à bord d’un véhicule public à l’intérieur duquel il a été attaqué (l’ensemble de ses effets, y compris argent, emportés).
L’autoroute Duarte, où n’est implanté aucun poste de contrôle militaire (chequeo), est une voie à circulation rapide, sur laquelle il conviendrait de ne pas circuler seul, surtout à bord de véhicules portant une plaque minéralogique d’Haïti.
Souvent, beaucoup de ressortissants haïtiens, victimes d’actes d’agression, semblables à celui du mardi 7 septembre 2010 sur l’autoroute Duarte, ne se constituent pas comme plaignants. Ce qui ralentit tout processus de suivi auprès des autorités judiciaires dominicaines.
De l’autre côté de la frontière, des officiels, incluant des militaires dominicains, participent quelquefois dans plusieurs actes répréhensibles perpétrés à l’endroit de compatriotes.
Par exemple, depuis quelques années, les autorités frontalières dominicaines exigent à tous les ressortissants (munis de visas nord-américains, canadiens et européens / Schengen) de payer 5 dollars américains (sans aucun reçu de contrepartie, mentionnant la taxe versée, ni quelle institution la réclame) en quittant le territoire dominicain par voie terrestre.
Sur la frontière haïtiano-dominicaine, le paiement de diverses autres taxes irrégulières est exigé, en maintes circonstances, de compatriotes qui voyagent en direction du territoire voisin. Il se trouve que les taxes réclamées des voyageurs, par voie terrestre, diffèrent beaucoup, voire sont largement supérieures à celles payées en empruntant la voie aérienne.
Par ailleurs, des ressortissants dominicains développent une mentalité de rapines et de rackets : dès lors qu’il s’agit de ressortissants haïtiens, il y aurait une proie facile à pousser dans ses retranchements afin de récupérer de l’argent (ce qu’ils appellent généralement “un regalo”).
Aussi, convient-il de porter plainte en justice sitôt qu’une personne est victime d’abus et/ou d’autres cas de violation de droits humains sur le territoire dominicain.
Parallèlement, il importe d’éviter de se laisser corrompre en versant de l’argent à tout bout de champ aux officiels dominicains qui sollicitent des “regalos”. [rc apr 14/09/2010 12:00]