Par Karole Gizolme
Publié par Gens de la Caraibe le 1er septembre 2010 [1]
Repris par AlterPresse le 2 septembre 2010
Qui fait quoi en Haïti dans le cadre de la reconstruction ? Comment les aides extérieures peuvent-elles être déployées sans affaiblir les fragiles organisations locales ? Comment éviter que l’aide ne devienne plus un fardeau qu’un soutien ? - une expression haitienne dit : « Kabrit ki gen trôp mèt mouri nan kòd » (Lorsqu’un cabrit a trop de maitres, il meurt attaché). Comment ne pas se sentir étranger dans son propre pays, lorsque les sites Internet et les réunions concernant l’urgence se tiennent dans une langue étrangère ? Comment les Haitiens, Caribéens ou autres peuvent apporter leurs contributions ? Comment garder la mémoire de la solidarité exprimée dans la Caraïbe qui a été exemplaire et déterminante mais souvent ignorée par la presse internationale ? Comment faire comprendre que l’on ne reconstruit pas de la même manière dans la Caraïbe que dans le Morbihan ou au Tennessee ? Comment accéder à l’aide internationale lorsque l’on réside en province ? Enfin l’humour haïtien pourrait résumer la situation actuelle par cette dernière question : Les médecins au chevet d’Haïti savent-ils que le coeur est encore à gauche et le foie toujours du côté droit ?
Toutes ces questions et la cacophonie qui règnent dans la République plus de 6 mois après le séisme qui a coûté la vie à plus de 300.000 personnes et a provoqué des centaines de millions de dollars de dégâts ont poussé l’Union latine, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et ses partenaires à organiser une forme de koumbit (entraide) au nom de la solidarité caribéenne. Une trentaine de personnes choisies parmi les ONG de la nation (comprendre : Haïtiens de l’intérieur et de l’extérieur du pays) mais aussi du reste de la Caraïbe, des institutionnels, des individus engagés pour la reconstruction du pays se sont concertés durant quatre jours, du 20 au 26 juin 2010 pour penser des projets en accord avec les besoins de la population et utilisant les technologies de la communication (Internet, radio, télé) Pour rappel, quelques minutes à peine après la catastrophe, ces technologies prouvaient à nouveau leur efficacité à toucher un large public et faire passer des informations vitales. Ces outils pourraient donc être développés et pensés pour non seulement permettre plus de concertations, plus de transparence dans ce pays en devenir.
Energie stimulante, fâcheries, incompréhensions, tensions, détente, consensus... toutes formes d’émotions et d’états d’esprit ont parcouru le groupe, se prêtant là à un exercice de démocratie délicat où les participants exprimaient leurs besoins pour éviter de rester sur un sentiment de frustration. Finalement le défi posé par l’Union latine, l’Organisation de la Francophonie (OIF), le GHRAP [2] consistait à créer les conditions d’un dialogue entre des points de vue et systèmes de valeur différents exprimés dans plusieurs langues (français, espagnol, anglais, créole). Le fait que les participants à cette réunion soient issus de la société civile a motivé notamment Marcel Clodion, consultant pour des projets de développement dans la Caraïbe, à y participer, convaincu que les acteurs présents n’avaient aucun autre intérêt que l’expression d’une solidarité sincère et désintéressée pour accompagner le pays dans sa reconstruction.
Pendant ces quatre jours, la pluie et les vents d’une tempête tropicale rappelaient sans cesse le sort de milliers de personnes au même instant sous des tentes dressées après le séisme à quelques 300 kilomètres à l’Ouest. Quatre jours pour « laver les esprits », « changer de paradigme » au sujet d’Haïti, trouver des solutions innovantes qui tiennent compte par exemple des nouvelles situations, comme celles notamment, des personnes amputées suite au séisme.
Cependant, comment éviter les écueils que rencontrent bon nombre de projets venus de l’extérieur qui le plus souvent sont considérés d’avance comme voués à l’échec par les acteurs locaux ? Peut-être en considérant que les acteurs locaux impliqués dans Cardicis garantissent la consultation d’experts et structures locaux. De plus, l’implication des partenaires de Cardicis comme l’UIT (Union internationale des télécommunications), le GHRAP (qui mène depuis trente ans des études et actions sociales en Haïti), l’ISOC [3] mais également le suivi assuré par les membres de cette réunion Cardicis devraient permettre à des porteurs de projets de d’être informés et de s’emparer de ces propositions « libres de droit ».
Les propositions
Une des solutions à la cacophonie actuelle consisterait dans un premier temps à développer un portail interactif informant non seulement sur les actions, mais permettant aux organisations de base (grass roots organisations / organisaciones de base) de faire connaître leurs besoins. Cardicis prendra en considération les sites Internet déjà existants. De plus, pour que cet outil basé sur la technologie atteigne le public ciblé, la communauté Cardicis a réfléchi aux actions à mener pour leur permettre cet accès indispensable. Ainsi, un projet de caravane d’ordinateurs portables dont le concept a été détaillé et validé par Cardicis pourrait être une solution à condition d’intégrer tous les facteurs indispensables à son efficacité. Facteurs que l’assemblée a tenté d’identifier.
Ces propositions appartiennent désormais au domaine public et peuvent être précisées, développées par la communauté Cardicis articulée par les membres de Funredes.
[1] Source : http://www.gensdelacaraibe.org/
[2] GHRAP : Groupe haitien de recherches et d’actions pédagogiques qui a notamment en amont de la réunion Cardicis, organisé une consultation auprès des acteurs de la société civile haitienne de divers profils puis mené une analyse des préoccupations des acteurs de la société civile haitienne et des enjeux de la reconstruction après le séisme du 12 janvier 2010. Le GHRAP a été fondé par Margareth Mathurin dans les années 80.
[3] ONG internationale qui apporte son leadership dans le monde entier en matière de normes, éducation et politique relatives à l’Internet