P-au-P, 21 juil 2010 [AlterPresse] --- La Plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) dénonce la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (Cirh) et appelle à une mobilisation citoyenne en vue de la mise en place d’un projet national.
La seconde réunion de la Cirh, co-présidée par le premier ministre Jean Max Bellerive et l’ancien président américain et envoyé spécial de l’ONU, William Clinton, a été annoncée pour ce 22 juillet.
Lors d’une conférence de presse, l’économiste Camille Chalmers directeur exécutif de la Papda, relève « la rupture entre les besoins de la population, l’urgence qui existe… et la dynamique de la Cirh qui est une dynamique tout à fait bureaucratique et qui n’a rien à voir avec ce que la population est en train de vivre ».
Jusqu’ici la Commission peine à définir sa structure et à entamer sa lourde tâche, une situation qui, selon Chalmers, est en lien avec des rivalités interimpérialistes pour le contrôle du processus de reconstruction.
Suivant l’analyse de la Papda, les puissances internationales sont en train de se disputer tout bonnement pour savoir qui aura le gros du magot, ce qui paralyse la Cirh et le déblocage des fonds dont le processus pourrait s’éterniser encore davantage.
En conséquence, les différents pays donateurs vont continuer à financer des projets à travers leurs ambassades et les organisations non gouvernementales « dans la mesure où ils n’ont aucun contrôle direct sur celui qui bénéficiera principalement des fonds de la Cirh », soutient l’économiste.
A date, moins de 2% des promesses faites pour la reconstruction ont été confirmées.
Néanmoins, « ce n’est pas le volume des fonds promis qui est le plus important, ce qui est fondamental ce sont les relations institutionnelles et les nouveaux rapports qui peuvent être tissés entre l’Etat et la population », souligne t-il, rappelant qu’en général seuls 30 à 40% des promesses faites à Haïti sont généralement décaissées.
Déjà vu
Camillle Chalmers s’est montré très critique vis-à-vis de la structure constituée à parité de représentants des donateurs et d’Haïtiens, qu’il qualifie d’« instrument de recolonisation ». Il n’hésite pas à rapprocher la Cirh des commissions civiles dépêchées par la France dans l’ancienne St Domingue vers la fin du 18e siècle.
Chalmers dit également s’inquiéter de la présence de certaines institutions internationales au sein de la commission intérimaire « dans la mesure où la Banque mondiale, le Fonds monétaire internationale (Fmi) et le département d’Etat [américain] étaient déjà aux commandes des politiques économiques, sectorielles en Haïti depuis longtemps et on a bien vu le résultat », rappelle t-il.
Pour lui, les critères d’éligibilité à la Cirh s’inscrivent dans une« logique de société par action » et excluent certains pays ayant « des coopérations extrêmement intéressantes avec Haïti ».
« Le processus de destruction de l’économie du pays est associé justement à des formules d’occupation, de recolonisation qui ressemblent de manière frappante à la Cirh », ajoute t-il.
Par ailleurs « les concepts utilisés dans le mandat de la Cirh : transparence, efficacité, responsabilisation, en font pratiquement un acte d’accusation du gouvernement haïtien. En signant ce document il reconnait qu’il est inefficace, corrompu et irresponsable », en déduit-il.
Pourtant, les responsables haïtiens avaient d’autres alternatives que de créer la Cirh, selon la Papda. Le gouvernement aurait pu par exemple mobiliser la solidarité inter haïtienne en créant des impôts spéciaux, avance Camille Chalmers. [kft gp apr 21/07/2010 14:00]