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Aristide, entre la communauté internationale et le peuple haïtien

Papier de conjoncture

Par Gotson Pierre

P-au-P., 19 déc. 03 [AlterPresse] --- Le président haïtien Jean Bertrand Aristide s’est résolu à baisser le ton en appelant dans la soirée du 18 décembre au compromis et au dialogue pour sortir de la crise, qui parait avoir pris une tournure décisive au cours de ces 3 derniers mois.

Dans une entrevue à la radio et la télévision d’état, Aristide a invité les secteurs politiques d’opposition, les secteurs civiques, le secteur privé et son propre parti à se mettre d’accord sur un compromis. « Nous devons nous mettre d’accord », a déclaré Aristide.

Le chef de l’Etat haïtien, qui fait face a une contestation sans précédent au cours de ces 10 dernières années, s’est référé à une proposition de l’Eglise Catholique en novembre écoulé, en suggérant des réformes au sein du gouvernement et de la police ainsi que la création d’une « commission de sages » de 9 membres pour l’assister, à partir de la fin du mandat du Parlement en janvier prochain.

« Des élections seront nécessaires durant l’année 2004 afin de combler le vide (parlementaire). Les évêques parlent d’une commission de sages. Certains sont d’accord (avec cette proposition), d’autres non. Avec le dialogue, l’un peut compléter l’autreÂ… », a affirmé Aristide.

L’opposition a immédiatement rejeté l’appel d’Aristide. Micha Gaillard, porte-parole de la coalition d’opposition Convergence Démocratique, l’a qualifié d’ « appel désespéré » et de « dernière chance ». Il a estimé que la position exprimée par le président résulte d’une situation de « panique ».

Micha Gaillard s’est montré méfiant en relevant que « Aristide ne respecte jamais ses promesses ». Il a invité la Communauté internationale à ne pas se faire « complice » dans la démarche entreprise par le président haïtien.

L’appel au dialogue du chef de l’Etat haïtien intervient à un moment où il semble de plus en plus isolé. Plusieurs membres du gouvernement ont démissionné. Le dernier cas en date est celui du ministre de l’environnement Webster Pierre, qui a démissionné ce 18 décembre.

Auparavant, le ministre du tourisme, Martine Deverson, celui de l’éducation, Marie Carmel Austin, le directeur général du ministère de la santé, Emile Herard Charles, et l’ambassadeur haïtien en République Dominicaine et Belize, Guy Alexandre, s’étaient retirés.

Ces derniers jours, des voix se sont élevées au sein de divers secteurs de la société, partis politiques, secteurs privés, associations citoyennes, organisations féministes, pour condamner la violence aveugle du pouvoir en place et exiger son départ. Une plate-forme d’organisations du mouvement social a même appelé à solidarité internationale pour venir à bout du régime.

Des Communautés haïtiennes de l’étranger se sont mobilisées et des manifestations anti-Aristide ont été enregistrées aux Etats-Unis et en France. Dans une déclaration émise par la presse locale cette semaine, plus de cinquante intellectuels et cadres haïtiens résidant dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis, le Canada et la France, ont dit « non à l’arbitraire ».

La communauté internationale n’a jusqu’à présent montré que de la préoccupation sur la situation en Haïti et condamné les violences policières et de bandes armées contre des manifestants.

Suite à la pression de plusieurs organismes canadiens de solidarité, l’ambassade canadienne à Port-au-Prince a « déploré les morts et les blessés » lors des récentes manifestations.

L’Ambassade a fait part de sa préoccupation face aux « allégations sérieuses de participation de civils en armes, dont de très jeunes adolescents, aux côtés de policiers, dans la répression brutale, et sanglante ». Elle a toutefois exprimé l’ « espoir que le dialogue entre les parties remplace les affrontements violents ».

Pour leur part, les Etats-Unis n’ont fait que déplorer le 15 décembre dernier, à travers le porte-parole du département d’Etat Richard Boucher, la répression violente des manifestations politiques en Haïti.

La France également n’a fait qu’exprimer sa vive préoccupation au sujet de la « répression qui s’exerce contre l’opposition et les représentants de la société civile ».

Quant à l’Organisation des Etats Américains (OEA), mettant tous les acteurs de la vie nationale sur un même plan, elle a réaffirmé le 17 décembre sa position connue à savoir « tous les Haïtiens ont la responsabilité de chercher la paix et la démocratie pour sortir de cette crise ».

Aristide avait, sur un ton des plus fermes, donné « l’ordre » à ses partisans de se « mobiliser pour défendre la dignité de Haïti ». Dans les jours qui ont suivi, au moins une personne a été tuée, de nombreuses autres blessées par balles, lors de la dispersion violente de manifestations anti-gouvernementales par la police et des bandes lavalas.

Une rare détermination a été observée du coté des manifestants, dont de nombreux étudiants, qui ont usé de maintes astuces pour dérouter la police et les civils armés et réaliser des manifestations en plusieurs points à la fois. [gp apr 19/12/2003 15:30]