" Â…il est peu probable qu’avec Aristide au pouvoir, puissent se tenir des élections libres et honnêtes. C’est pourquoi nous croyons que le gouvernement canadien doit donner son appui aux mouvements citoyens qui réclament son départ ".
Lettre d’Entraide Missionnaire au prochain premier ministre, Paul Martin, et au ministre des Affaires étrangères Bill Graham
Montréal, le 10 décembre 2003
Monsieur Paul Martin, futur premier ministre
Bureau 458
Edifice de la Confédération
Chambre des communes
Ottawa ON
K1A 0A6
ET
Monsieur Bill Graham, Ministre des Affaires étrangères
Bureau 418-N
Edifice du centre
Chambre des communes
Ottawa ON
K1A 0A6
OBJET : Situation préoccupante en Haïti et position du gouvernement canadien
Messieurs les Ministres,
L’Entraide missionnaire, un organisme d’éducation à la mission et à la solidarité internationale dont plusieurs membres œuvrent en Haïti, est extrêmement préoccupé par la récente aggravation de la situation dans ce pays.
Au cours des mois d’octobre et de novembre, les bandes armées qui sévissent impunément dans le pays ont assassiné près de 50 personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants. La liberté d’expression est sans cesse menacée, en particulier celle des journalistes, des activistes de droits humains, de mouvements citoyens opposés au régime Lavalas. Même le sit-in silencieux des mouvements de femmes, pour protester contre ces violations des droits, à la fin d’octobre, a subi l’agression physique et verbale violente des « chimères », sous les yeux des policiers, lesquels ne sont pas intervenus pour prêter assistance aux femmes.
Les nombreux témoignages concernant cette violence effrénée contre la population civile montrent clairement la complicité des forces policières, quand ces dernières ne sont pas elles-mêmes impliquées dans les crimes commis. La situation est telle que le doute n’est plus permis quant à la responsabilité des plus hautes instances du gouvernement haïtien et du Président Aristide lui-même dans ce déchaînement de violences.
Cependant, tant l’OEA que le gouvernement canadien continuent d’accorder au Président Aristide et à son gouvernement une légitimité qui doit être remise en question. Bien que l’élection d’Aristide à la présidence en 1990 ait obtenu l’appui d’une forte majorité d’Haïtiennes et d’Haïtiens, il n’en va pas de même pour l’élection de décembre 2000 qui le portait au pouvoir, dans un contexte de controverse.
La communauté internationale, dont le Canada, réclamait alors que des négociations entre le gouvernement élu et les partis d’opposition règlent les problèmes soulevés par les irrégularités dénoncées lors des élections parlementaires de mai 2000. Des dizaines de rondes de négociations entre l’OEA et le gouvernement haïtien à ce sujet ont échoué. Force nous est de constater que ce problème n’a jamais été réglé et que la légitimité du gouvernement actuel est toujours remise en question.
Puis, le 17 décembre 2001, survient la curieuse « tentative de coup d’Etat » qui a surtout donné prétexte à de nombreuses agressions envers des partisans de l’opposition. Suite à l’enquête réalisée sur ces événements, l’OEA a adopté des résolutions enjoignant le gouvernement Lavalas, entre autres, à indemniser les victimes de la violence de même qu’à désarmer les bandes qui ont commis ces agressions et qui se déclarent ouvertement comme partisans d’Aristide. Ces recommandations n’ont jamais eu de suite. Au contraire, les « chimères », se réclamant d’Aristide, sont plus agressifs que jamais envers toute expression d’opposition au régime. Les dernières manifestations violentes, survenues le 5 décembre dernier à Port-au-Prince, en sont un exemple fort éloquent. Ce jour, des milices lavalassiennes (« chimères ») ont envahi les locaux de la Faculté des Sciences humaines (FASCH) et de l’Institut national de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI) blessant étudiantEs, professeurEs, recteur et vice-recteur, saccageant des infrastructures et ce, avec la complicité des forces de l’ordre.
Il est temps de se rendre compte que ce gouvernement n’a aucune volonté politique de démocratiser les institutions du pays. Le gouvernement Lavalas a perdu toute légitimité, parce qu’il a foulé aux pieds le respect des droits humains et la démocratie, parce qu’il n’a pas répondu aux exigences de la communauté internationale et qu’il s’est sans cesse moqué des principes qui régissent tout gouvernement démocratique.
Devant cette situation, le gouvernement canadien doit prendre une position plus ferme vis-à -vis le gouvernement haïtien, dénoncer publiquement la responsabilité du Président Aristide dans la situation qui prévaut actuellement, de même qu’exiger la tenue immédiate d’élections.
Pour que des élections libres et honnêtes se tiennent, il faut également considérer comme une priorité, le désarmement des bandes de « chimères ». Le Canada doit user de son influence au sein de l’OEA et de l’ONU et auprès de certains pays comme la France et l’Allemagne, pour qu’une force internationale de police soit constituée, procède à ce désarmement et assure la sécurité nécessaire à la tenue des élections.
Cependant, il est peu probable qu’avec Aristide au pouvoir, puissent se tenir des élections libres et honnêtes. C’est pourquoi nous croyons que le gouvernement canadien doit donner son appui aux mouvements citoyens qui réclament son départ.
Nous croyons également que le Canada doit apporter une aide financière et technique importante à la réalisation d’élections. Une aide à la réalisation de programmes d’éducation civique et de missions d’observation électorale aiderait à rendre crédible un nouveau processus électoral en Haïti.
L’application de ces mesures pourrait devenir un apport effectif à la résolution de la crise haïtienne.
Nous avons espoir que le gouvernement canadien ne laissera pas la situation actuelle d’Haïti se dégrader davantage.
Avec l’expression de nos sentiments distingués,
Suzanne Loiselle, directrice
SL/mm
c.c.
Membres du Conseil d’administration de L’Entraide missionnaire
Membres du Service-Haïti de L’Entraide missionnaire
Monsieur l’ambassadeur Kenneth Murray Cook