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Haïti-Reconstruction : Interrogations et propositions au forum de l’université d’État

Ne pas adopter de modèle unique, plaident des intervenants

Par Karenine Francesca Théosmy

P-au-P, 10 juin 2010 [AlterPresse] --- P-au-P, 10 juin 2010 [AlterPresse] --- La souveraineté nationale et une reconstruction qui tient compte des leçons du passé ont été au centre des réflexions engagées le 9 juin à l’Hôtel Karibe à l’occasion de la seconde journée du forum de l’université sur la reconstruction, a constaté AlterPresse..

« La reconstruction est une nouvelle orientation, un nouveau chemin pour construire, reconstruire. Cela signifie qu’on va jeter des bases de ce qu’on souhaite construire », a indiqué l’historien Michel Hector.

« Pour que cette nouvelle orientation ait un sens à l’échelle d’un pays il faut qu’elle soit basée sur un consensus, un accord » a-t-il poursuivi, soulignant qu’il s’agit d’une « pratique qui va dans le long terme ».

Selon lui, il n’y a pas de reconstruction « sans interaction positive avec les secteurs les plus intéressés » et « la refondation pose nécessairement la question de la reconquête de la souveraineté du pays »

« Si on ne nous a pas consulté et que la reconstruction nous concerne tous, c’est à nous de nous mobiliser pour dire ce que nous ne voulons pas » a suggéré Michel Hector.

Se méfier d’un modèle unique

Les différents intervenants ont insisté sur les leçons à tirer d’expériences de reconstruction, conduites dans d’autres pays et exposées au cours de la seconde journée du forum de l’Ueh sur la reconstruction nationale (Forena) en Haïti.

Présentant les cas du Timor et du Kosovo, deux pays frappés par des désastres importants comme Haïti, le professeur français Nicolas Lemay-Hébert met en garde contre toute comparaison, invitant à la méfiance face à tout « modèle unique ».

Après le 12 janvier 2010, comme après les drames au Timor et au Kosovo, « la communauté internationale » a utilisé des prétextes pour assurer elle-même la reconstruction suivant sa vision occidentale du monde.

« Le premier prétexte a été de dire que la société locale est corrompue », révèle Lemay-Hébert.

Selon lui, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a eu à déclarer que « la société haïtienne est anéantie », les mêmes propos utilisés dans le cas du Timor et du Kosovo et ayant ouvert la voie à l’occupation internationale, rappelle Lemay-Hébert.

Comme résultats : « des chiffres effarants », témoignant de la régression de ces pays en termes de développement après la perte de leur souveraineté.

Le taux de développement humain a diminué dans les deux pays sous occupation, signale Lemay-Hebert.

Dans le même esprit, le professeur canadien Gonzalo Lizarralde relève des erreurs, commises dans certaines expériences de reconstruction.

Étalement urbain, centralisation des projets et des décisions, exclusion du secteur informel et des compétences locales sont, entre autres, des leçons qu’Haïti pourrait tirer, préconise Lizarralde.

Sur le déplacement des personnes sinistrées et leur installation sur de nouveaux sites, Lizarralde prévient contre le risque de détruire les communautés et de perpétuer la dépendance des populations.

« Ce réflexe d’aller chercher des terrains, qui se trouvent en périphérie de la ville, cause des problèmes aux tissus sociaux, qui sont énormes », note Lizarralde.

« Le problème n’est pas de fournir des maisons, mais de fournir des infrastructures », soutient Lizarralde qui recommande d’optimiser les infrastructures existantes, de former et d’intégrer les acteurs informels et de répondre à la complexité des relations. [kft rc apr 10/06/2010 09:45]