Depuis les évènements violents du 5 décembre dernier à Port-au-Prince, où des étudiants ont été agressés au sien même de l’université, par des partisans du pouvoir, 4 hauts responsables du gouvernement se sont retirés. Ce sont : la ministre de l’éducation nationale, Marie Carmel Austin, la ministre du tourisme Martine Deverson, le Directeur Général du ministère de la santé, Emile Herard Charles, et l’ambassadeur haïtien en République Dominicaine, Guy Alexandre. Suit la lettre adressée ce 11 novembre au président Aristide par l’ambassadeur Alexandre, qui constate que " les choses ont lamentablement évolué tous ces derniers mois dans le sens d’une fragmentation et d’une polarisation chaque jour plus accusée de la classe politique et des acteurs socio-politiques, nous conduisant aujourd’hui à ce qui semble être une véritable impasse, marquée par d’évidentes tendances à une confrontation suicidaire " .
Santo Domingo, 11 decembre 2003.
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur, par la présente, de vous remettre ma démission, comme Chef de la Mission haïtienne à Santo Domingo, en qualité d’Ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine.
Vous vous souvenez sans doute que j’ai accepté de retourner en janvier 2002 à la tête de notre Ambassade à Santo Domingo, pour une part au vu de ce qu’étaient complètement bloquées les négociations pour une sortie de crise engagées entre la Convergence Démocratique et l’Organisation Fanmi Lavalas, à la facilitation desquelles j’avais contribué de janvier à novembre 2001, du sein de l’Initiative de la Société Civile (ISC) et, pour une autre part sur la base d’un mandat que je m’étais donné, formulé pour l’essentiel dans l’aide-mémoire au Président de la République que je vous avais adressé dans le courant de l’été 2001, et dont une bonne partie au demeurant correspondra aux orientations de travail définies dans la Déclaration Conjointe des Présidents haïtien et dominicain du 16 janvier 2002.
En ce qui a trait audit mandat, le fait est qu’après un démarrage en apparence prometteur - mise en route du travail de terrain des Commissions Nationales pour la Relocalisation des Bornes Frontalières, conduite des premières sessions des Commissions Nationales pour le Fond Hispaniola, ouverture de la campagne pour l’Octroi de Documents d’Identité aux Haïtiens Vivant en République Dominicaine, incitation à la relance de la cinquième session de la Commission Mixte, entre autres - les éléments de notre plan-programme de travail dans le domaine des relations bilatérales se sont progressivement ralenti, jusqu’à se voir aujourd’hui à peu près complètement arrêtés.
Pour ce qui concerne la situation socio-politique de notre pays, les choses ont lamentablement évolué tous ces derniers mois dans le sens d’une fragmentation et d’une polarisation chaque jour plus accusée de la classe politique et des acteurs socio-politiques, nous conduisant aujourd’hui à ce qui semble être une véritable impasse, marquée par d’évidentes tendances à une confrontation suicidaire, dont l’incroyable agression d’O.P. contre les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) et de l’Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI), le 5 décembre dernier, constitue la plus récente expression. Vous comprendrez que ce dernier développement soit simplement intolérable à l’universitaire et à l’éducateur que je demeure.
Je ne ferai par ailleurs que mentionner, en ce qui touche à mon statut même de Chef de Mission, un certain nombre de signaux négatifs, disons franchement de défiance, qui me sont venus de vous-même ces derniers mois, comme la non-confirmation d’audiences initialement convenues pour traiter de questions de sécurité ou d’échanges intellectuels avec des chercheurs dominicains ; ou, plus récemment, la tendance devenue systématique à gérer divers dossiers de la relation bilatérale par dessus la tête ou dans le dos de l’Ambassadeur.
En fin de compte, il m’apparaît ainsi que rester a la tête de l’Ambassade d’Haïti en République Dominicaine, serait, de ma part, aujourd’hui, une option simplement incompatible avec les orientations et principes qui me guident, tant dans mes choix d’Haïtien intéressé à la promotion résolue d’une politique de normalisation et d’amélioration des rapports avec la République Dominicaine voisine, que dans mes démarches de citoyen concerné par les problèmes et l’évolution de notre pays.
Je vous prie donc de recevoir ma démission de mes fonctions d’Ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine. Cette démission vaut aussi, cela va de soi, pour mon poste d’Ambassadeur non-résident accrédité auprès de l’Etat et du Gouvernement de Belize.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
Guy ALEXANDRE
Ambassadeur
Son Excellence
Monsieur Jean-Bertrand ARISTIDE
Président de la République
En ses bureaux.
CSH