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Développement et Paix demande au gouvernement canadien de réclamer la démission d’Aristide

"Force est de constater que le gouvernement du président Aristide n’a ni la légitimité, ni la volonté de diriger démocratiquement les destinées d’Haïti. En encourageant en sous main l’action des milices du parti Lavalas, il s’est lui-même rendu coupable de nombreux crimes."

Lettre de l’organisme canadien Développement et Paix au ministre des Affaires Etrangères du Canada, Bill Graham

Montréal, 16 décembre 2003

L’honorable Bill Graham
Ministre des Affaires étrangères du Canada
125, Promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2

Objet : Position du gouvernement du Canada à l’égard de la situation à Haïti

Monsieur le Ministre,

C’est avec un grand sentiment d’urgence que je vous écris relativement à la situation de violence, de violation des droits de la personne et d’impunité qui prévaut présentement à Haïti.

Au cours des mois d’octobre et de novembre, les bandes armées qui sévissent impunément en Haïti ont assassiné plus d’une cinquantaine de personnes, notamment des femmes et des enfants. La liberté d’expression est sans cesse menacée, en particulier celle des journalistes, des activistes de droits humains, ou celle de mouvements de citoyens opposés au régime Lavalas. Même le sit-in silencieux organisé, à la fin d’octobre, par des mouvements de femmes pour protester contre cette violence a subi l’agression physique et verbale des « chimères » [1], sous les yeux des policiers, lesquels ne sont pas intervenus pour prêter assistance aux femmes.

Les nombreux témoignages recueillis concernant ces crimes démontrent clairement la complicité des forces policières et le doute n’est plus permis quant à la responsabilité du président Aristide lui-même dans ce déchaînement de violence. Suite aux élections de décembre 2000 qui l’ont porté au pouvoir dans un climat de fraude électorale et de controverse, la communauté internationale dont le Canada, a constamment réclamé que des négociations aient lieu entre le gouvernement haïtien et les partis d’opposition pour régler les problèmes soulevés par les irrégularités qui ont entaché les élections parlementaires de mai 2000. Depuis lors, les dizaines de rondes de négociations qui ont eu lieu entre l’Organisation des Etats Américains (OEA) et le gouvernement haïtien à ce sujet n’ont donné aucun résultat.

Après la curieuse « tentative de coup d’état » du 17 décembre 2001, laquelle a été le prétexte à de nombreuses agressions envers des partisans de l’opposition, l’OEA avait adopté, suite à une enquête approfondie, des résolutions qui enjoignaient notamment le gouvernement Lavalas, d’indemniser les victimes de cette violence et de désarmer les bandes qui ont commis ces crimes. Or, ces résolutions sont non seulement restées lettre morte mais les « chimères » ont poursuivies leurs exactions.

Les plus récents événements survenus le 5 décembre dernier à Port-au-Prince, en sont un exemple éloquent. Ce jour-là , des milices lavalassiennes ont envahi les locaux de la Faculté des Sciences humaines (FASCH) et de l’Institut national de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI) blessant étudiants et professeurs, recteur et vice-recteur, saccageant les locaux et ce, avec la complicité des forces de l’ordre.

Pendant ce temps, le peuple haïtien continue à s’enfoncer dans la pauvreté et la misère. DEVELOPPEMENT ET PAIX, l’organisation de solidarité internationale de l’Eglise catholique du Canada, estime donc que l’heure des bilans est arrivée. Force est de constater que le gouvernement du président Aristide n’a ni la légitimité, ni la volonté de diriger démocratiquement les destinées d’Haïti. En encourageant en sous main l’action des milices du parti Lavalas, il s’est lui-même rendu coupable de nombreux crimes.

A l’égard de la situation explosive qui prévaut présentement à Haïti et devant la montée de la violence, nous demandons donc au gouvernement du Canada :

• de réclamer la démission du président Jean-Bertrand Aristide ;

• d’exiger et d’appuyer la tenue, à court terme, d’élections libres et démocratiques à Haïti et de faire en sorte que cette question soit l’un des enjeux du Sommet spécial des Amériques qui aura lieu à Monterrey en janvier prochain ;

• d’exercer son leadership au sein de l’OEA, en préconisant l’envoi à Haïti sous l’égide des Nations Unies, d’une force internationale de police pour procéder au désarmement des « chimères » et pour assurer des conditions de sécurité favorisant la tenue d’élections libres ;

• de continuer à appuyer les organisations de la société civile qui défendent les droits de la personne et qui voudront mettre en œuvre des programmes d’éducation civique et d’observation électorale.

De plus, nous vous demandons d’intervenir personnellement pour que l’on respecte l’intégrité physique et morale des jeunes étudiants arrêtés lors de la manifestation du vendredi 12 décembre et dont on est sans nouvelles.

L’application de ces mesures pourrait constituer un apport effectif à la résolution de la crise haïtienne. Nous avons espoir que le gouvernement canadien, dont nous saluons l’action en faveur de la démocratie et des droits humains dans le monde, ne laissera pas la situation actuelle d’Haïti se dégrader davantage.

Je prends la liberté d’acheminer une copie de la présente au très honorable Paul Martin, le premier ministre du Canada, ainsi qu’à Monsieur Kenneth Cook, l’ambassadeur du Canada à Haïti.

Demeurant à votre disposition pour échanger sur la situation à Haïti, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Robert Letendre
Directeur général

c.c.

Le très honorable Paul Martin, Premier ministre du Canada

Son Excellence, M. Kenneth Cook, Ambassadeur du Canada à Haïti


[1C’est ainsi que désigne la population d’Haïti les bandes armées se réclamant du président Aristide, lesquelles s’auto-qualifient de « OP », c’est-à -dire « organisations populaires ».