Par Roody Édmé*
Spécial pour AlterPresse
Et si l’on osait sortir de la grisaille et regarder avec un certain courage, ce qu’il y a de changer sous le soleil. Et si l’on sortait de la complaisance déliquescente du tout va mal pour trouver dans la botte de foin du malheur, l’aiguille fine mais brillante d’un possible renouveau. Et si…l’on examinait d’un peu plus près la conjoncture, l’on verrait qu’il y a souvent du pire mais aussi du moins bon et du bon !
Par exemple, cette initiative du PAM, le programme alimentaire mondial qui vient de créer un vaste marché pour nos produits locaux en achetant de nos paysans pour assister les victimes du séisme. Il parait que ce projet viendrait en soutien à des dizaines de milliers d’agriculteurs. Il y a aussi cette semaine, la reprise de l’exportation des mangues haïtiennes vers les Etats-Unis avec un meilleur encadrement technique et sanitaire qui rendront imbattables nos délicieuses mangues tropicales.
Et puis ce projet Oxfam de recapitalisation de 13.000 chefs de familles à Carrefour-feuilles et la distribution de plus d’une quarantaine de containers aménagés en boutiques à quelques commerçants. Un programme qui va s’étendre à d’autres quartiers. Le cacao haïtien a conquis selon radio France internationale le marché de la chocolaterie française et devient un produit haut de gamme, vendu en plus de manière équitable. Avec bien sûr un avantage certain pour nos producteurs du Nord.
La Chambre des représentants aux Etats-Unis vient de voter une prolongation jusqu’en 2020 de la loi Hope, si le Sénat vote dans la même direction, cela finira par emporter les réticences des entrepreneurs asiatiques et sud-américains qui lorgnent avec appétit du coté du marché américain, et qui veulent faire de notre territoire une rampe de lancement pour de lucratives affaires.
L’agriculture est au centre des préoccupations officielles avec un projet d’investissement de plus de 800 millions de dollars. Le projet Winner soutenu par l’USAID et le ministère de l’agriculture vient de lancer une massive campagne agricole sur plus de 10.000 hectares en plaine et 3000 en montagne si l’on croit un reporter du Nouvelliste.
Le projet Winner travaille aussi activement sur certains bassins versants stratégiques pour la renaissance de l’environnement. L’érosion des sols provoqué par le déboisement a pris des proportions catastrophiques à cause de la violence des orages avec des pluies torrentielles (plus de 3000 m par an dans les montagnes du sud-ouest), qui entrainent vers les plaines côtières une masse de cailloux et de terres arables ; à cause de la forte déclivité des pentes, 50% et plus sur plus de la moitié des pentes. Nous osons espérer que les actuelles initiatives tireront les leçons des échecs répétés de plus d’une centaine de projets de reboisement par le passé. Notre pays apparaît trop souvent comme le fatal écueil sur lequel viennent se fracasser les projets les mieux charpentés.
Haïti dit-on est un « cimetière » pour les diplomates et les experts ! Une certaine coopération semble aujourd’hui vouloir prendre en compte la participation effective des concernés et les laisser jouer pleinement leur rôle dans la prise en charge de leur destin. Cela peut faire la différence.
La Banque interaméricaine de développement vient de débloquer trente millions de dollars pour un projet d’habitat alternatif qui devra jurer avec le chaos des quartiers populaires spontanés. Une petite goutte d’eau qui est un encourageant début pour de vastes projets de cités durables.
On attend encore les projets du grand Port-au-Prince et les interventions transformatrices sur nos villes régionales. Il y a un plan qu’un spécialiste très au fait de la décentralisation vient tous les soirs nous expliquer à la Télévision. Il est difficile de ne pas tomber d’accord avec le projet d’aménagement du territoire qu’il propose. Mais les actes devront suivre et plus vite sera le mieux.
La Banque Mondiale a annoncé que le compte supposé recevoir les fonds centralisés de la « reconstruction » est activé. Mais toute activation de compte sans l’annonce des projets avec un chronogramme des activités est dans un environnement si volatil, comme dégoupillée une « grenade sociale » et commencer à compter les secondes ! Une noria d’entrepreneurs visite tous les jours notre pays, pour l’heure, on ignore si des projets sont déjà ficelés. Or le temps a toujours été notre pire ennemi depuis…deux cent ans et plus.
Cette semaine le président s’est livré à un exercice d’analyse comparée de deux textes qui ont pris à défaut un confrère. Le confrère a fait des excuses publiques. Le président a quelques heures plus tard pris acte. L’incident est clos. Les observateurs ont noté l’élégance à fleuret moucheté d’un dialogue entre les pouvoirs…Montesquieu peut dormir tranquille.
Il appert de tout ceci que tous les ONG ne sont pas des « machann peyi » ou des boites à sous, que l’Etat en dépit de ses lourdeurs bureaucratiques ou intéressées est capable d’initiatives heureuses, qu’une coopération internationale plutôt substantielle existe en dépit des embrassades étouffantes ici et là.
Et qu’en Haïti, il y a un peuple qui lutte et poursuit sur un chemin mal aisé sa longue marche.
*Éducateur, éditorialiste