Par Gotson Pierre
Exposé dans le cadre de la table ronde organisée par l’UNESCO et l’IMS à la Baz Lanbi le 3 mai 2010
Poser la question du rôle des médias dans la reconstruction nous renvoie d’une part aux fonctions essentielles de ces structures de communication et, d’autre part, à la prise en compte de la communication en tant que droit fondamental de tout être humain.
Les médias, qu’ils soient publics, privés, confessionnels ou associatifs, remplissent généralement un ensemble de fonctions classiques, répertoriées depuis longtemps par les chercheurs et spécialistes.
Information : recherche, traitement, diffusion de l’information et expression d’opinion
Économique : lieu de mise en valeur des biens et services, intermédiaire entre offreurs et demandeurs d’emploi
Divertissement et distraction : loisirs, jeux, humour, (rompre la solitude de l’individu) En ce sens aussi, fonction psychothérapeutique (diluer les frustrations).
Identification sociale (Appartenance à la société) : c’est par les médias qu’on reçoit l’essentiel des informations sur la vie sociale et politique. Ils influencent aussi le comportement de l’individu, qui tend à s’identifier au public.
Fonction idéologique : influencer la manière de penser des individus en vue de maintenir ou renverser les structures sociales existantes. [1]
Les médias peuvent ainsi jouer un rôle capital dans la recherche du progrès, du développement, de la paix et de la dignité humaine. Mais nous devons être conscients que, comme le souligne le PIDC de l’UNESCO, les médias sont tout aussi capables de « servir à asseoir des intérêts personnels et aggraver les inégalités sociales en excluant les opinions critiques et marginalisées » [2].
Pour faire avancer la société, il est primordial que le cadre de fonctionnement des médias soit basé sur le corpus de valeurs qui se reflètent dans le droit à la communication.
En son Article 19, la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948 met l’accent sur le Droit a l’information. Le droit d’informer et d’être informé, la liberté d’opinion, la protection de la vie privée, les droits institutionnels des médias, les droits professionnels et collectifs constituent pour nous aujourd’hui des repères :
Liberté d’opinion (Formuler et émettre opinions sur n’importe quels faits publics ou privés)
Liberté d’expression (Exprimer ses idées par n’importe quel moyen ou canal et Bénéficier des meilleures conditions et des conditions équitables de diffusion de ses idées et opinions)
Accès à l’information (Liberté de la produire, de la faire circuler et de la recevoir)
Accès a l’utilisation des médias et des technologies de l’information et de la communication.
Reconstruction
Suite au terrible séisme du 12 janvier qui a dévasté la capitale et des régions avoisinantes et bouleversé le pays tout entier, la reconstruction représente aujourd’hui une thématique pluridimensionnelle. La reconstruction pose aussi bien les problèmes d’habitat, d’infrastructures, que des problèmes liés aux enjeux politiques, économiques, aux rapports sociaux, à la création culturelle, qui mettent en présence des forces de statuquo et celles qui œuvrent en faveur de la transformation sociale. La conception, les démarches et les actions de reconstruction sont définitivement fondées sur la question : dans quel pays voulons-nous vivre ? Question qui, en soi, n’a rien de nouveau, mais qui a des résonances particulières dans la réalité d’Haiti aujourd’hui.
Médias, observatoires de la reconstruction
Nous considérons que la mission du Groupe Médialternatif, qui est de « créer et de dynamiser des espaces alternatifs de communication au bénéfice des secteurs sociaux en vue de favoriser leur participation à un processus de développement humain durable », trouve un écho particulier en cette conjoncture d’urgence extrême, de crise humanitaire et de démarches reconstruction.
Une information fiable, documentée, attentive aux secteurs marginalisés, aux mouvements sociaux, aux communautés et disponible pour diverses audiences à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, s’avère indispensable pour favoriser l’expression et la vigilance citoyennes sur le processus de reconstruction.
L’information professionnellement correcte, socialement articulée et dont la diffusion se fait sur une base globale/locale peut contribuer au respect des droits humains dans la gestion de l’urgence et la mise en œuvre de la reconstruction, alimenter un débat critique sur les interventions, aider à la prise en compte des thématiques sociales, communautaires et de développement durables, contribuer à la promotion d’une vision nationale et une mobilisation des ressources.
Dans cet optique, nous voyons les espaces médiatiques comme des observatoires de la reconstruction d’Haiti, à travers le suivi des informations, le relaie des plaidoyers et l’alimentation des débats citoyens.
Assurer la collecte, le traitement et la diffusion quotidienne de l’information relative au processus de reconstruction d’Haiti, sur une base participative, pluraliste, inclusive en interpellant les divers acteurs concernés par la reconstruction : voilà ce qui doit former la trame de notre action au jour le jour.
Nous voulons créer un réseau le plus large possible alliant les nouvelles technologies de l’information et les médias plus directement disponibles pour la population, notamment la radio et mettre en mouvement les ressources journalistiques et non journalistiques dans la production et la diffusion de contenus actualisés et critiques sur la reconstruction d’Haiti.
Les éléments stratégiques suivants seraient à considérer :
Renforcement des capacités rédactionnelles et de diffusion de l’information sur la reconstruction, à Port-au-Prince et en province
Etablissement ou renforcement du partenariat entre les médias,
Observation (par l’information) du respect des droits humains dans la gestion de l’urgence et la mise en œuvre de la reconstruction,
Valorisation des sources non-institutionnelles permettant de jeter un regard critique sur les interventions,
Traitement de thématiques sociales et de développement durable devant être prises en compte dans les démarches de reconstruction,
Diffusion d’expériences de reconstructions consécutives à des catastrophes similaires à celle qui a frappé le pays le 12 janvier dernier,
Contribution à la promotion d’une vision nationale et une mobilisation des ressources à l’échelle du pays en vue de la reconstruction,
Diffusion des activités de plaidoyer entreprises par des secteurs socio-économiques en rapport avec la nouvelle situation de crise humanitaire.
Nous croyons qu’un tel système d’information peut véritablement constituer un observatoire citoyen de la reconstruction d’Haiti et contribuer à la quête utopique de la satisfaction des besoins et aspirations de la majorité de la population dans une société en dialogue avec elle-même pour son propre renouvellement.