10 décembre 2003
Le Vendredi 5 décembre 2003, l’Université d’Etat d’Haiti (UEH) a vécu la journée sans doute la plus triste de son histoire. Le Conseil de l’Université d’Etat d’Haïti réitère son émotion, son sentiment de révolte et ses sympathies face aux violences perpétrées contre le Recteur et le Vice-Recteur aux affaires académiques, contre des professeurs et des étudiants, contre de simples particuliers, par des hordes de voyous, encadrés par la Police Nationale, qui s’autoproclament membres d’organisations populaires. Le Conseil de l’UEH déclare que cette catastrophe est un élément de plus, un de trop, d’un processus de destruction de l’UEH engagé par le gouvernement lavalas et il s’engage sans équivoque à tout mettre en œuvre pour défendre cette institution majeure dont la mission est définie dans la Constitution et les lois du pays.
Le Conseil de l’UEH rappelle à la nation les principaux volets de cette déclaration de guerre du Gouvernement à l’UEH qui remonte à plus de deux ans :
1.de nombreux actes d’intimidation allant jusqu’à des agressions physiques contre des étudiants et des enseignants sont perpétrés par des individus qui n’hésitent pas à se réclamer du pouvoir lavalas ;
2.dans les situations de crise grave que connaissent certaines facultés de l’UEH, le gouvernement et le parlement n’ont jamais pris contact avec les autorités de l’UEH pour les aider à maintenir la stabilité de l’institution ; ils ont souvent privilégié des contacts avec des groupes d’étudiants hostiles au Conseil dans le but évident d’affaiblir l’autorité de ce dernier et perpétuer le chaos ;
3.en juillet 2002, cette politique de déstabilisation a franchi une étape critique lors d’une grève de la faim entreprise par un petit groupe d’étudiants dont les liens avec le régime lavalas sont connus et qui allait fournir au gouvernement le honteux prétexte d’une décision de justice préfabriquée et d’une tentative brutale de reléguer aux calendes grecques l’autonomie et l’indépendance de l’UEH acquises de haute lutte par la communauté universitaire ;
4.la résistance de la communauté universitaire soudée au Conseil de l’UEH ainsi que la solidarité de secteurs influents de la société ont forcé le gouvernement à battre en retraite et permis pour l’une des trop rares fois dans notre pays que la force des valeurs et des principes triomphe de la force brutale et aveugle de l’obscurantisme ;
5.les sbires placés par le pouvoir par le régime lavalas pendant ce court épisode de la honte ont tout de même réussi l’un des points de leur sale besogne : l’autorisation de fonctionnement accordé à l’université du parti lavalas tandis que, peu de temps après, un décret du gouvernement déclarant d’utilité publique cette même université allait confirmer la volonté du régime de désaffecter des ressources qui devraient être allouées à l’UEH pour améliorer les conditions extrêmement précaires de son fonctionnement.
Le dernier point de cette énumération est sans doute le plus révélateur de l’incapacité du gouvernement lavalas à accepter le modèle démocratique proposé par la Constitution de 1987 qui prévoit des institutions indépendantes du Pouvoir Exécutif, soit parce qu’elles ont une mission de contrôle de ce pouvoir (Cour Supérieure des Comptes), soit parce qu’elles ont une vocation d’analyse critique du fonctionnement de la société (Université d’Etat d’Haïti). Au lieu de s’appuyer sur ce modèle démocratique pour renforcer le secteur de l’éducation par un partenariat intelligent entre l’UEH et le Ministère de l’Education Nationale, le gouvernement a choisi de se considérer en guerre contre l’UEH parce qu’il n’arrive pas à la domestiquer.
Le premier mandataire de la Nation participe directement à cette entreprise de destruction en n’hésitant pas à s’afficher comme propriétaire exclusif de cette université privée et à détourner au profit de cette dernière des fonds alloués à la nation par des gouvernements étrangers, au mépris de son devoir constitutionnel de garantir le bon fonctionnement des institutions publiques et d’y veiller scrupuleusement (art. 136 de la Constitution). Il est vrai qu’à écouter certains parlementaires zélés, il n’existe pas de limite entre les biens privés du Chef de l’Etat et les biens publics, voire le bien public.
Le Conseil de l’UEH constate que d’autres secteurs de la vie nationale, en particulier la presse, les organisations des droits humains, sont systématiquement attaqués par le gouvernement lavalas. Il en déduit que cette guerre entreprise contre l’UEH est en fait un aspect de l’élimination programmée de tout espace de pensée plurielle et d’exercice des libertés publiques. Il invite tous les citoyens et en particulier tous les secteurs organisés de la population qui ne veulent pas se faire complice de cette situation inacceptable à faire un front commun.
Face à ce constat de faillite totale et irrémédiable, le gouvernement lavalas doit partir pour que vive la nation.
Port-au-Prince le 10 décembre 2003
CONSEIL DE L’UNIVERSITE D’ETAT D’HAITI
Pour Authentfication :
Pierre PAQUIOT, Recteur
Fritz DESHOMMES, Vice-Recteur à la Recherche
Wilson LALEAU, Vice-Recteur Académique