P-au-P., 13 dec. 03 [AlterPresse] --- La mobilisation anti-gouvernementale s’amplifie. Ils étaient des dizaines de
milliers d’étudiants et d’autres citoyens à défiler à Port-au-Prince ce 11
décembre pour réclamer le départ du pouvoir du président Jean Bertrand
Aristide.
Cette manifestation s’est soldée par un nombre indéterminé de blessés. Les
porte-parole des manifestants ont fait état de huit blessés. Parmi les
blessés figurent trois étudiants qui ont été renversés par une voiture de
police qui roulait dare-dare dans l’aire du Champ de Mars, à proximité du
Palais National.
On compterait également des blessés par balles dont un étudiant. Celui-ci a
été attaqué par un « militant lavalas ». La police a à plusieurs reprises
tiré en l’air et fait usage de gaz lacrymogènes pour repousser la foule qui
augmentait au fur à mesure.
Des étudiants ont commencé à se regrouper dans l’enceinte de la Faculté des
Sciences Humaines. Arrivée du côté de la Faculté des Sciences, la
manifestation allait grossir en nombre pour atteindre quelque quatre mille
personnes.
A la rue Capois, les manifestants, les étudiants de l’Université d’Etat en
majorité, allaient être rejoints par de nombreuses autres délégations
d’étudiants d’universités et d’institutions universitaires privées et des
représentants de divers autres secteurs de la société.
Outre les nombreux slogans scandés, les manifestants ont piétiné des
banderoles à l’effigie de Jean Bertrand Aristide.
Les manifestants ont également observé un arrêt devant le local de la
Primature, à Bourdon, pour ensuite se diriger vers la représentation de
l’OEA à Musseau. Ils ont à l’occasion dénoncé l’organisation hémisphérique
qui, selon eux, cautionne la dictature lavalas.
La manifestation, qui augmentait toujours en nombre, a longé par la suite «
l’autoroute de Delmas » où elle allait recevoir l’appui de nombreux
conducteurs qui ont donné à l’occasion un concert d’avertisseurs. Les
manifestants ont été également applaudis par des badauds qui se trouvaient
des deux côtés de la route.
Parmi les personnalités ayant pris part à cette marche figuraient les
sénateurs lavalas dissidents Prince Pierre Sonson et Dany Toussaint, des
avocats, militantes féministes, des artistes et intellectuels regroupés au
sein du collectif dénommé « NON ».
C’est la plus importante manifestation, côté nombre, enregistrée dans le
pays depuis la marche organisée par la société civile du Cap Haïtien,
deuxième ville du pays, le 17 novembre 2002, à l’occasion du fameux week-end
de l’espoir.
Les étudiants et nombreux jeunes ayant gagné les rues ce 11 novembre
envisagent de poursuivre la mobilisation jusqu’au départ du pouvoir du
président Jean Bertrand Aristide.
Lors d’une conférence de presse donnée le même jour, le porte-parole du
parti au pouvoir, Famille Lavalas, Jonas Petit, a minimisé l’envergure de la
mobilisation anti-gouvernementale initiée par les étudiants.
La veille, le président Jean Bertrand Aristide avait dénoncé ce qu’il
appelle un petit groupe de « faux étudiants » qui s’est infiltré au sein de
l’Université, en réaction à la montée de la grogne contre lui.
« Si c’est ça la minorité, Jean Bertrand Aristide ne sait pas compter »,
répétaient en chœur les étudiants alors que la marée humaine déferlait sur
la capitale.
La mobilisation anti-gouvernementale s’est intensifiée dans le pays depuis
le raid sanglant effectué par des hordes de partisans du président Jean
Bertrand Aristide contre deux des onze unités de l’Université d’Etat
d’Haïti, la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) et l’Institut National de
Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI).
Cet assaut s’est soldé par une trentaine de blessés dont deux responsables
universitaires, Pierre Marie Paquiot et Wilson Lalau et des dégats matériels
considérables.
Rien que pour la FASCH, plus de trois millions de gourdes sont nécessaires
pour réparer les matériels brisés et remplacer ceux qui ont été emportés par
les « militants lavalas », selon le conseil de coordination de la dite
Faculté. Ce bilan ne prend pas en compte les bordereaux de l’hôpital du
Canapé Vert où sont soignés les blessés de la barbarie du 5 décembre.
Pour la première fois depuis le lancement, il y a quelques mois, de leur
opération baptisé « Etau » visant à empêcher la tenue de manifestations
anti-Aristide dans le pays, les « chimères lavalas » (des oisifs recrutés
par le pouvoir dans les quartiers populaires pour les viles besognes) ont dû
battre en retraite à plusieurs reprises face à l’ampleur de la manifestation
du 11 novembre et la détermination des étudiants.
Un membre du gouvernement lavalas, la ministre de l’éducation nationale, une
éducatrice de carrière, a démissionné cette semaine en protestation contre
les violences inouïes du 5 décembre.
A Jacmel (Sud Est d’Haïti), des policiers étudiant à la Faculté de Droit de
cette ville ont condamné ces violences et souhaité le départ du président
Jean Bertrand Aristide. De source digne de foi, AlterPresse a appris que ces
policiers étudiants étaient convoqués à une réunion prévue ce 12 novembre
par la direction départementale de la police (du Sud Est).
Sur les ondes de Radio Kiskeya, deux sénateurs lavalas influents, Dany
Toussaint et Prince Pierre Sonson, ont dénoncé la démence du régime et
annoncé leur retrait de Fanmi Lavalas.
Depuis le début de la semaine, la mobilisation anti-Aristide gagne également
en intensité en province, particulièrement aux Gonaïves, et à Petit Goâve.
Dans ces deux villes, la répression policière s’accroît au même rythme que
le vent de la contestation qui gagne de plus en plus les jeunes, en
particulier des écoliers inquiets pour leur avenir.
Le sang a encore coulé ce 11 decembre aux Gonaïves. Au moins cinq personnes
ont été tuées et une douzaine d’autres blessées par balles lors d’une
violente incursion de la police dans le quartier populaire de Raboteau. Ce
qui porte à une vingtaine de morts et soixante - onze blessés le bilan des
violences enregistrées aux Gonaïves depuis la découverte du corps mutilé de
l’enfant terrible de Raboteau, Amio Métayer, en septembre dernier.
Les partisans de celui-ci accusent le président Jean Bertrand Aristide
d’être le principal commanditaire de ce crime odieux. Les membres de
l’ancienne armée « cannibale », passés depuis à l’opposition, promettent, à
travers leur porte-parole Winter Etienne, d’appréhender Jean Bertrand
Aristide au cas où celui vient aux Gonaïves, à l’occasion l’occasion de la
commémoration du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, le 1er janvier
1804.
En conférence de presse le 9 decembre, le chef de l’Etat haïtien a réaffirmé sa
détermination à se rendre, en compagnie des membres du gouvernement, dans la
Cité de l’Indépendance pour ces festivités, et à achever son mandat «
constitutionnel » de cinq ans.
Après l’énorme manifestation estudiantine du 11 décembre qui marque un
tournant décisif dans la lutte de divers secteurs, en particulier la
jeunesse haïtienne, pour débarrasser le pays de Jean Bertrand Aristide, les
menaces contre la presse indépendante se sont précisées.
Des groupes d’individus ont tenté d’attaquer, pour la ènième fois ce 11
décembre le local de Radio Caraïbes FM, à la rue Chavannes, à
Port-au-Prince.
Des rumeurs persistantes font état de plans d’attaques imminents conçus en
haut lieu contre divers médias dont Radio Caraïbes, Radio Kiskeya, Vision
2000, Radio Ibo et Télé Haïti, la seule télévision de Port-au-Prince non
contrôlée par Jean Bertrand Aristide.
Le local de Caraïbes FM a essuyé des jets de pierre dans la soirée du 11
décembre. Des coups de feu ont été également entendus dans les parages de la
station.
Plusieurs stations de radiodiffusion ont suspendu dans la deuxième partie de
la journée du 11 décembre leurs émissions d’information pour cause de
menaces.
Radio Métropole a dû renforcer le dispositif de sécurité de son local à
Delmas. Radio Kiskeya a, face à ces menaces, observé dans la soirée du 11
décembre une veillée patriotique rythmée par diverses prises de position sur
la conjoncture et des musiques engagées.
La station a lancé un appel à la
solidarité à l’égard de la presse indépendante menacée d’extinction par le
pouvoir. Une certaine tension était également perceptible du côté du
boulevard La saline et du bicentenaire, en début de soirée.
Plusieurs véhicules dont ceux d’employés de Télé Haïti ont essuyé des jets
de pierres au boulevard La Saline. Des tirs sporadiques ont été entendus
également en début de soirée dans l’aire du bicentenaire, non loin de Télé
Haïti.
La capitale s’est réveillée ce 12 decembre avec diverses barricades de pneus
enflammés en plusieurs de ses artères. Des civils armés circulant à bord de
véhicules d’entreprises publiques sillonnaient tôt dans la matinée du 12
décembre certaines rues et y déposaient de vieux pneus, tout en les
enflammant. Des attroupement de « chimères » armés entre autres de bâtons
sont visibles en divers points. [vs apr 13/12/03 00:30]