P-au-P., 22 mars 2010 [AlterPresse] --- L’Alliance pour la gestion des risques et la continuité des activités (AGERCA), qui émane de la société civile, estime que les responsabilités sont partagées quant à l’ampleur du désastre enregistré lors du tremblement de terre du 12 janvier dernier, qui a fait plus de 250.000 morts et des dégats incalculables en Haiti.
Les responsabilités sont réparties entre le manque de réaction des autorités étatiques, l’instabilité politique du pays, la démission de la société civile et l’ignorance de la population, indique l’AGERCA lors d’une rencontre publique organisée le 17 mars à Port-au-Prince afin d’évaluer les causes de l’étendue des dégâts et d’envisager les possibilités de créer de meilleures pratiques dans la construction à l’avenir.
Beaucoup d’architectes et d’ingénieurs étaient présents lors de cette rencontre qui s’est déroulée au Karibe Convention Center en présence de Kit Miyamoto, de “Miyamoto International”, une firme américaine d’ingénieurs experts en évaluation des bâtiments actuellement à pied d’oeuvre en Haïti. Miyamoto International est intervenue dans différents pays après des tremblements de terre, comme en Chine en 2008 ou en Italie en 2009.
Kit Miyamoto, principal orateur de cette rencontre, avait démontré son intérêt à travailler en Haïti après l’effondrement de l’école de Nerette. Il avait d’ailleurs participé en décembre à une rencontre sur la gestion des risques et le renforcement des bâtiments en Haïti en décembre 2009, restée sans véritable suite...
Gérard Laborde, président de l’Agerca, a regretté le fait que la reconstruction des maisons soit malheureusement en route sans contrôle ni évaluation et que les débris soient déposés n’importe où, entrainant de nombreux risques pour l’avenir, particulièrement d’inondations.
Etendre l’évaluation
Jacques Gabriel, ministre des travaux publics et des télécommunications (MTPTC), a expliqué qu’un bureau d’évaluation technique des bâtiments a été mis en place au sein de son ministère avec lequel collabore Miyamoto. Un état des lieux des dommages est actuellement en cours de réalisation. Avec l’appui de l’UNOPS (service d’appui technique et administratif des Nations unies) et des financements de la Banque Mondiale, Miyamoto a été contracté afin d’évaluer 100.000 bâtiments à Port-au-Prince pour le MTPTC.
200 ingénieurs nationaux ont été sélectionnés et formés au sein du ministère avec la firme Miyamoto et l’UNOPS. Répartis en 10 divisions, ils évaluent 1500 bâtiments par jour. En 57 jours, ils sont ainsi proches d’atteindre leur objectif d’évaluation de 100.000 bâtiments dans la zone métropolitaine. Miyamoto a salué le courage des ingénieurs haïtiens et la qualité de leur travail tout en soulignant l’absence de formation parasismique préalable de ces derniers.
Parmi les bâtiments que la firme Myamoto a expertisés jusqu’à présent, 40 % sont en bon état et nécessitent parfois des réparations d’ordre superficiel. Ces bâtiments sont alors “tagué” d’un insigne vert du MTPTC. 40 autres pourcent des structures évaluées ne doivent pas être démolies mais nécessitent des réparations plus ou moins importantes d’ordre structurel afin de pouvoir à nouveau héberger des personnes sans risques. Ils sont tagués d’un sigle orange. Enfin, les bâtiments qui doivent être démolis sont tagués d’un sigle rouge. Les coordonnées géographiques de ces bâtiments sont enregistrées via un système GPS, ce qui permettra par la suite d’établir des statistiques utiles à l’avenir.
Le MTPTC travaille en coordination avec la Joint Task Force (américaine) et l’Organisation internationale des migrations (OIM) dans l’identification des zones prioritaires à évaluer, parce qu’elles sont les plus vulnérables aux risques ou parce que leurs habitants se trouvent dans des situations très vulnérables dans des camps alors qu’ils pourraient réintégrer leurs quartiers.
Pour Miyamoto, il existe de trop nombreuses structures dangereuses qui sont malheureusement occupés. Aussi, de nombreuses maisons qui sont en bon état sont mises en danger par d’autres qui risquent de s’écrouler aux alentours.
Cependant, beaucoup de bâtiments sont en bon état sans que leurs propriétaires ou locataires ne dorment à l’intérieur, parce qu’ils ont peur ou parce que la structure n’a pas été évaluée officiellement. Il est donc impératif qu’une évaluation officielle des bâtiments soit disponible au plus vite dans une plus large mesure.
L’UNOPS est actuellement à la recherche de fonds pour continuer ce travail essentiel. De plus, les ingénieurs recrutés par le MTPTC n’ont pas encore été formés en démolition et déblaiement des décombres. Or, certaines démolitions peuvent s’avérer dangereuses si elles ne sont pas réalisées selon certaines normes et avec une réelle expertise.
Un autre problème se pose actuellement par rapport à la coordination de ce travail d’évaluation des bâtiments, car des organisations réalisent cette tâche sans avoir intégré le système officiel développé au sein du MTPTC. Cet état de fait est dangereux car cela peut entrainer une certaine confusion, explique Miyamoto.
Les évaluations peuvent diverger d’une firme à l’autre et les “tags” de couleurs utilisés pour signifier l’état des batiments être semblables sans pour autant signifier la même chose. De plus, si certaines organisations disposent de bons ingénieurs, ce n’est hélas pas le cas de toutes.
Améliorer les pratiques et les contrôler
Miyamoto a rappelé les raisons de l’ampleur du désastre : la mauvaise qualité des matériaux et de la construction, l’absence de codes de construction, de permis de construire, de contrôle de qualité, de gestion des risques et d’ingénierie spécialisée en construction parasismique. Il a insisté sur la nécessité de régler tous ces problèmes pour éviter la répétition de la catastrophe du 12 janvier.
Il a expliqué l’importance d’investir afin de reconstruire ou de consolider des constructions essentielles comme les bâtiments publics, les structures à même de gérer les urgences, les écoles, les hôpitaux, etc. afin qu’elles ne soient pas détruites par un tremblement de terre, mais surtout qu’elles puissent rester fonctionnelles si cela arrivait.
Pour Miyamoto, il n’est pas nécessaire de changer radicalement la façon de construire en Haïti, mais l’améliorer. Il faut former les ingénieurs et architectes haïtiens à démolir des maisons, à en réparer et en construire selon des normes parasismiques.
Il a précisé qu’il est tout-à-fait envisageable de construire des maisons en béton qui résistent à des tremblements de terre et qui ont l’avantage de protéger leurs habitants des risques liés à la saison cyclonique mieux que des maisons en bois ne peuvent le faire.
La firme évalue également les zones de liquefaction des sols et de risques de glissements de terrain. Pour Miyamoto, ces risques sont gérables, et des exemples comme la Californie, le Japon ou la Turquie en sont des exemples.
Le ministre des TPTC a expliqué avoir commandé la réalisation d’une carte de micro-zonage sismique, afin d’avoir une photographie multi-risque de la zone métropolitaine et savoir quels terrains conviennent à la construction et quels autres ne conviennent pas. Il faudra dès lors se doter des outils à même de faire respecter les résultats de cette étude mais également de contrôler la qualité des constructions et des réparations à venir. [mm gp apr 22/03/2010 16 :00]