P-au-P., 9 dec. 03 [AlterPresse] --- Des hordes de partisans du président Jean Bertrand Aristide ont livré
l’assaut contre deux des onze unités de l’Université d’Etat d’Haïti, la
Faculté des Sciences Humaines (FASCH) et l’Institut de Gestion et des Hautes
Etudes Internationales (INAGHEI), le vendredi 5 décembre.
Au moins vingt-cinq personnes ont été blessées dont le recteur de
l’Université d’Etat d’Haïti, Pierre Marie Paquiot et le vice-recteur aux
affaires académiques, Wilson Lalau.
Les échauffourées ont commencé quand des « militants » lavalas ont assailli
de pierres le local de la FASCH pour bloquer une manifestation estudiantine,
pour réclamer la démission du Chef de l’Etat, qui devait partir de
l’enceinte de cette faculté. Les étudiants réunis au sein du bâtiment ont
alors répliqué, provoquant quelque cinq blessés par jets de pierres dans les
rangs des « organisations populaires » lavalas.
Au cours de ces échanges (de jets de pierres), qui ont duré plusieurs
heures, la police s’est montrée passive en dépit d’appels désespérés lancés
par diverses personnalités pour réclamer une action appropriée pour
faciliter l’évacuation des étudiants.
Le recteur de l’Université, Pierre Marie Paquiot, qui s’était dépêché à la
Faculté des Sciences Humaines, avait auparavant indiqué avoir obtenu la
garantie formelle du Premier ministre Yvon Neptune que toutes les
dispositions de sécurité allaient être prises.
Profitant de la concentration des regards sur les pourparlers entre le
recteur Paquiot et les étudiants en vue de l’évacuation de ces derniers par
la police, les partisans du pouvoir ont créé une brèche au niveau du mur
arrière de la FASCH.
Après avoir investi le local, les bandes lavalas allaient comme des fauves se
lancer sur les étudiants et professeurs présents. On craignait alors un
massacre. Il en est résulté une situation de sauve-qui-peut.
Sur des images très parlantes diffusées par Télé Haïti, la seule télévision
de Port-au-Prince qui n’est pas contrôlée par Jean Bertrand Aristide, on a
pu voir divers étudiants traumatisés et avec le visage tuméfié sortir en
catastrophe de la Faculté des Sciences Humaines.
Même en quittant le local, les étudiants continuaient à essuyer des gifles
de la part des partisans du président Aristide, à la barbe de la police qui
s’est contentée à ce moment de tirer en l’air pour limiter les dégats, sans
procéder à une quelconque arrestation dans les rangs des groupes lavalas.
C’est en catastrophe également qu’on a vu la police évacuer le recteur de
l’Université d’Etat, Pierre Marie Paquiot, qui a été malmené par les «
militants » lavalas. Monsieur Paquiot a été opéré ce 6 décembre à l’hôpital
du Canapé Vert, suite à des coups de bâton reçus aux jambes.
Son collègue Wilson Lalau, vice-recteur aux affaires académiques, qui a été
lui aussi molesté, a quitté l’hôpital ce 6 décembre.
Ces violences inouïes n’ont pas épargné les journalistes. Plusieurs
confrères ont été blessés dont Rodson Jocelyn, un photographe de l’agence en
ligne Haiti Press Network (HPN) et un reporter de la station privée Radio
Kiskeya, Jean Vénèl Casséus.
Les bandes lavalas ont administré à celui-ci plusieurs coups de bâton,
confisqué son magnétophone et son téléphone portable. Jean Vénèl Casséus a
été également contraint de crier « Vive Aristide ».
Ces hordes lavalassiennes avaient peu auparavant effectué un raid similaire
contre le local de l’INAGHEI situé à quelques mètres de la Faculté des
Sciences Humaines.
Au moins deux étudiants trouvés à l’intérieur ont été roués de coups de
bâton. Les « militants » se préparaient à les jeter du balcon. Mais ils ont
renoncé à ce forfait quand ils se sont aperçus qu’une caméra de télévision
étaient braquée sur eux.
Après le passage brutal des groupes lavalas dans ces deux unités de
l’Université d’Etat d’Haïti, les diverses salles de celles-ci présentent
l’allure d’espaces dévastés par un ouragan. Le décor est constitué de
mobilier, de matériels informatiques et d’archives saccagés. Deux véhicules
de la Faculté des Sciences Humaines ont été incendiés.
En signe de protestation contre ces violences, le Rectorat de l’Université
d’Etat d’Haïti (UEH) a annoncé un arrêt de travail de 48 heures, les 8 et 9
décembre, dans les différentes unités de l’UEH. La communauté universitaire
entend profiter de ces deux journées pour débattre des réponses à adopter
par l’Université après ces événements.
Dans un communiqué signé par son vice-recteur Fritz Deshommes, le Rectorat
dénonce ce qu’il appelle la guerre que le pouvoir lavalas a déclaré depuis
tantôt deux ans contre l’université, l’intelligence, la jeunesse et l’avenir
du pays.
Dans la soirée du 5 décembre, le Premier ministre Yvon Neptune a été chahuté
et bousculé par des étudiants, à l’hôpital du Canapé-Vert, alors qu’il
était venu rendre visite au recteur de l’Université Pierre Marie Paquiot.
Après le départ de Monsieur Neptune, des policiers conduits par le directeur
départemental de l’Ouest (DDO), Roudy Berthomieux, ont débarqué à l’hopital
et procédé à l’arrestation de deux étudiants, Gérard Mathieu Junior et
Michel Obas.
Monsieur Neptune a qualifié l’incident du Canapé-Vert de « violences
provocatrices ». Concernant les événements à l’INAGHEI et à la FASCH, le
chef du gouvernement a dit condamner « les violences d’où qu’elles viennent
». Il a par ailleurs rappelé à l’attention des responsables scolaires et
universitaires que les manifestations doivent se faire dans le cadre de la
loi, tout en agitant la menace de sanctions à l’encontre des contrevenants.
Dans une interview à Radio Kiskeya, le secrétaire d’Etat à la communication,
Mario Dupuy, défenseur infatigable de toutes les dérives du pouvoir, a lui
critiqué encore une fois la presse indépendante en l’accusant de
désinformation et en comparant une nouvelle fois la bataille politique en
Haïti à celle engagée par l’opposition et les médias vénézuéliens contre le
président Hugo Chavez. Mario Dupuy réagissait ainsi à des informations
diffusées par les médias concernant l’incident du Canapé-Vert.
En revanche, la ministre de l’éducation nationale s’est déclaré horrifiée
par les violences à l’INAGHEI et à la Faculté des Sciences Humaines et a
clairement indiqué que la police n’a pas été à la hauteur de sa tâche.
Les incidents du 5 décembre sont les premiers de cette ampleur à
Port-au-Prince depuis la perturbation violente par des partisans de Jean
Bertrand Aristide d’un rassemblement d’une plateforme de la société civile -
le Groupe des 184 - le 14 novembre 2003 au Champ de Mars, place centrale de
la capitale.
La police n’avait procédé à aucune arrestation parmi les militants lavalas.
Elle avait en revanche appréhendé une trentaine de membres du service
d’ordre du rassemblement pour « possession illégale d’armes » malgré qu’ils
avaient un permis.
Divers groupes lavalas ont déclenché depuis environ deux mois une opération
baptisée « Etau » pour empêcher la tenue de manifestations anti-Aristide en
Haïti. [vs apr 09/12/03 00:10]