Document de position des ONG françaises de solidarité internationale Coordination SUD / Espace partenariat franco-haïtien
Transmis au président Nicolas Sarkozy à la veille de son voyage en Haïti le 17 février en cours [1]
Soumis à AlterPresse le 16 février 2010
Pour une reconstruction cohérente, adaptée et respectueuse de la souveraineté du
peuple haïtien
1. Poursuivre l’action humanitaire tant que les besoins immédiats de l’ensemble des
sinistrés ne sont pas couverts
Étant donnée l’ampleur des destructions, la période de transition sera longue, avant que la
reconstruction n’offre des perspectives durables aux Haïtiens qui se retrouvent sans abri ni
ressources. Près d’un million de personnes ont été déplacées en raison du séisme et
aujourd’hui, la phase d’urgence n’est pas terminée car les besoins essentiels ne sont pas
encore couverts. L’action humanitaire doit s’intensifier et se poursuivre pour que tous les
sinistrés aient accès à l’eau, à l’alimentation, à de meilleures conditions d’hygiène et
puissent être abrités correctement à l’approche de la saison des pluies. La situation des
blessés et personnes handicapées, leur accès global à l’aide et à des soins rapides et
adéquats demeurent des sujets de préoccupation. Les besoins de l’ensemble de la
population sont massifs, et la réponse humanitaire doit s’efforcer d’y répondre sans exclure
les besoins spécifiques des plus vulnérables. Par ailleurs, la réorganisation et la
reconstruction des infrastructures de santé et de prise en charge doit dès aujourd’hui retenir
l’attention, le suivi des victimes du séisme s’annonçant particulièrement exigeant.
2. Reconstruire dans le respect de la souveraineté du peuple haïtien
Il est primordial que la reconstruction soit conduite par les Haïtiens. Les acteurs locaux
doivent prendre part à toutes les étapes des processus de décision et être placés au coeur
de la gouvernance générale de l’aide, sous l’égide des Nations unies. Il est également
impératif que la société civile soit reconnue comme un acteur incontournable de la réflexion
menée par le gouvernement haïtien et la communauté internationale, pour bâtir le futur du
peuple haïtien, et proposer des alternatives démocratiques viables.
3. Annuler les dettes exceptionnelles d’Haïti : un devoir de la communauté
internationale
Alors que le pays se retrouve fragilisé économiquement, l’annulation immédiate des dettes
exceptionnelles d’Haïti est un devoir de la communauté internationale. Nous souhaitons
porter cet appel auprès de tous les principaux partenaires commerciaux d’Haïti, tels que les
États-Unis, l’Union européenne et ses États membres, mais aussi auprès des institutions
financières internationales, telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international
et la Banque interaméricaine de développement. Pour rappel, les créanciers du Club de
Paris ont rappelé le 19 janvier dernier leur engagement de juillet 2009 à annuler la totalité de
leurs créances sur Haïti, et ont appelé les autres créanciers bilatéraux d’Haïti à annuler la
dette de ce pays.
4. Protéger et relancer le secteur rural, pilier de l’activité économique du pays
Le secteur rural, au coeur de l’activité économique du pays, est un domaine clé de la
reconstruction. Les Accords de partenariat économiques (APE), récemment signés avec
l’Union européenne, maintiennent le pays dans un état de dépendance, et vont à l’encontre
du développement d’une agriculture locale qui permettrait de subvenir aux besoins
alimentaires de la population haïtienne d’une part, et de générer des richesses d’autre part.
Face aux zones sinistrées et à l’afflux de populations déplacées, il devient également urgent
d’approvisionner localement la population en aliments de base et de s’assurer que la
production vivrière sera maintenue. L’activité économique en milieu rural doit être relancée
rapidement.
[1] Contenu de la lettre :
Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République française
Palais de l’Élysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Paris, le 16 février 2010
Objet : Reconstruction en Haïti
Monsieur le Président,
À l’occasion de votre déplacement en Haïti ce mercredi 17 février, les ONG françaises de solidarité internationale, d’urgence et de développement oeuvrant suite au séisme du 12 février dernier attirent votre attention sur leurs préoccupations relatives à la gestion de l’urgence et la reconstruction du pays.
Quatre sujets nous interpellent tout particulièrement : la persistance des besoins d’urgence un mois après le séisme, la question de la souveraineté nationale au coeur de la reconstruction, l’accumulation de dettes exceptionnelles par un pays fragilisé économiquement et la situation du secteur rural mise à mal tant par les conséquences du séisme – zones sinistrées, déplacement de populations – que par la mise en oeuvre d’accords de partenariat économique mal adaptés et contreproductifs. Vous trouverez ci annexé un document détaillant nos positions communes.
Les ONG françaises de solidarité internationale demandent que la France porte ces messages en Europe et au sein de la communauté internationale. Nous vous appelons, Monsieur le Président, à prendre en compte nos préoccupations dans le cadre de l’élaboration de la position globale de la France face à la situation haïtienne. Il en va d’une réponse cohérente, adaptée et respectueuse de la souveraineté du peuple haïtien.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de notre haute considération.
Jean-Louis Vielajus
Président de Coordination SUD
Paul Vermande
Président du Collectif Haïti de France
Coordonnateur de l’Espace partenariat franco-haïtien
Copie :
Monsieur Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes
Monsieur Alain Joyandet, secrétaire d’État à la Coopération
Monsieur Pierre Duquesne, Ambassadeur, responsable de la Mission intergouvernementale pour la
reconstruction d’Haïti