P-au-P., 12 fév. 2010 [AlterPresse] --- Un mois après le puissant séisme qui a dévasté Port-au-Prince et d’autres régions d’Haïti, la population a rendu ce 12 février un vibrant hommage à ses 217.000 morts et disparus, tout en prenant la mesure du grand défi que sera la re-construction.
Une cérémonie œcuménique officielle a eu lieu à l’école des infirmières de l’Université Notre Dame (catholique) en présence du chef de l’État, René Préval, de la première dame, du premier ministre Jean Max Bellerive, des membres du gouvernement, de ceux des autres corps de l’État, des diplomates étrangers et de centaines de personnes appartenant à toutes les couches de la société.
Unis dans la douleur et dans un esprit de recueillement, les Haïtiennes et Haïtiens ont tourné leurs pensées vers leurs êtres chers, dont 170.000 n’ont pas pu avoir un enterrement digne et ont été jetés à la va-vite dans des fosses communes.
Prenant la parole durant la cérémonie, qui s’inscrit dans le cadre du mois de deuil déclaré 5 jours après la catastrophe et qui doit prendre fin le 17 février, le président Préval invite la population à s’engager résolument sur le chemin de la reconstruction.
« Séchons nos larmes pour pouvoir reconstruire Haïti », déclare le chef de l’État.
A part les centaines de milliers de vies fauchées, le cataclysme du 12 janvier a également fait environ 300.000 blessés, dont des milliers d’amputés, plus d’un million de sans-abris, et causé la destruction totale ou partielle d’environ 250.000 maisons.
Les ruines, omniprésentes à Port-au-Prince, Léogane et Petit-Goave (département de l’Ouest) donnent encore à ces villes l’image de zones ayant subi des bombardements intensifs.
Port-au-Prince vit en effet une espèce de lendemain de guerre et l’heure est à la réflexion et la méditation non seulement sur l’être dans ses rapports avec son milieu, mais aussi sur la bataille qu’il faudra livrer pour inscrire le pays dans un futur différent.
Revenant sur la fatidique soirée du 12 janvier, Préval souligne que les sentiments ressentis après avoir constaté le désastre demeurent pour lui indicibles.
« Il y a des douleurs que les mots ne peuvent pas exprimer », martèle-t-il.
Critiqué par des secteurs qui considèrent qu’il n’a pas fait suffisamment montre de leadership après la catastrophe, le président indique que sa « réponse » à la catastrophe est constituée par la poursuite de ses démarches afin de trouver de l’aide à l’étranger.
Au plan humanitaire, la situation pourrait dégénérer davantage dans les jours à venir, alors que les premières pluies ont été enregistrées cette semaine, semant la panique et générant la colère chez les milliers de personnes qui n’ont pour unique hébergement que des morceaux de tissus assemblés dans des espaces insalubres.
Le gouvernement parait ne plus s’accrocher à l’idée d’obtenir 200.000 tentes pour les sinistrés et rechercherait des alternatives lorsqu’il apparait que cette quantité d’abris provisoires n’existe pas sous cette forme sur le marché international.
Dans les camps où les réfugiés sont aux prises avec les besoins quotidiens impossibles à satisfaire, ils ont suivi la cérémonie d’hommage aux disparus du 12 janvier à travers des systèmes de haut-parleurs installés à cet effet.
Réfugié sur la place du Canapé Vert (secteur est), Bertrand, qui a perdu deux frères, une sœur, une tante et un neveu, se prend à réfléchir sur le sens de l’existence humaine et la qualité de la vie réservée aux Haitiens.
C’est le moment « de penser à la manière dont nous vivons », confie-t-il.
Durant la cérémonie, l’évêque catholique Joseph Lafontant relève le « sens providentiel » du cataclysme et soutient que la tragédie peut être transformée en « opportunité », de rebâtir un « monde nouveau », la « nouvelle Haïti ».
Le maire de Port-au-Prince, Jean Yves Jason, va dans le même sens et met l’accent sur le « moment de fondation » que vit actuellement le pays. Il s’agit pour lui de « reconstruire la vie, reconstruire la ville ».
Re-construire : comment ? Quelle stratégie ? Comment bâtir le nouveau sur l’ancien, lorsque, même en ruines, ce dernier ne semble pas mourir. Haïti, va-t-elle se donner les capacités de penser le « pays nouveau » et rechercher la nouveauté dans la mise en œuvre de pratiques réellement démocratiques, l’édification d’une société pour tous et toutes, respectueuse du patrimoine naturel et culturel ? [gp apr 12/02/2010 20 :00]