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Haïti –Séisme : Amputations et handicapés, une situation explosive

Par Nancy Roc

P-au-P., 29 janv. 2010 [AlterPresse] --- L’organisation Handicap International en Haïti est confrontée à l’immensité du nombre de blessés et évalue désormais le nombre d’amputés à plus de 2000. L’association engage un plan d’action sur plusieurs années pour apporter une réponse d’envergure.

« La situation en Haïti aujourd’hui est véritablement sans précédent, déclare Thomas Calvot spécialiste de la prise en charge des blessés lors des séismes au sein de Handicap International. L’ampleur du nombre de blessés, 250 000 d’après les Nations unies, se conjugue avec le fait que les structures de santé ont été balayées. Dans l’urgence, les médecins n’ont souvent d’autre choix que l‘amputation. Lors des puissants séismes en Chine en 2008 ou au Pakistan en 2005, la situation était bien moins critique, du fait de la présence d’hôpitaux performants. En Haïti, aucune organisation ne peut se prévaloir de pouvoir couvrir tous les besoins dans ce secteur. Nous travaillons déjà avec des associations partenaires pour pouvoir prendre en charge le maximum de blessés, de manière coordonnée. » [1]

Avant le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, Haïti comptait déjà 800.000 handicapés, soit un dixième de la population du pays. Aujourd’hui, « la proportion d’amputés, de paraplégiques et de tétraplégiques dans la population haïtienne devrait exploser », avertit Mme Batson de la branche américaine d’Handicap International. Les amputations en Haïti sont sans précédent et vont laisser de terribles séquelles, estime Handicap International, une ONG à but non lucratif spécialisée dans la rééducation des invalides.

« La catastrophe enregistrée il y a 15 jours a engendré un nombre terrible de blessés et on se retrouve aujourd’hui avec des amputations qu’on estime déjà entre 2000 et 4000 », a déclaré Claire Fehrenbach, directrice d’Handicap International Canada lors d’une entrevue téléphonique à AlterPresse. Une vingtaine d’expatriés et près de 200 Haïtiens participent travaillent dans les équipes d’Handicap International sur le terrain.

Sylvia Sommella, porte-parole de l’organisation jointe à Port-au-Prince par téléphone nous a confié qu’elle s’attend « à une seconde vague d’amputations » sur le terrain. « Nous avons du procéder à ces amputations pour sauver des vies (…) Plusieurs des victimes n’ont pas eu accès à des soins de santé adéquats soit à cause des structures de santé qui avaient été détruites, soit parce qu’elles n’ont pas pu arriver à temps dans les centres de santé par faute de carburant », nous a-t-elle expliqué au téléphone. « D’autres victimes se trouvaient dans des camps de réfugiés et n’ont pas eu de soins adéquats. Les blessures ont dégénéré en gangrène et nécessitaient une amputation. Malheureusement, les estimations que nous faisons aujourd’hui pourraient se révéler être largement supérieures », a-t-elle précisé.

Handicap International, co-lauréate du prix Nobel de la paix de 1997 pour sa campagne pour l’interdiction des mines antipersonnel, a dépêché en Haïti des équipes initialement déployées en Chine et au Pakistan où elles menaient des missions d’urgence et de long terme auprès d’autres victimes. Moins de 48 heures après le séisme de magnitude 7 qui a fait au moins 175 000 morts et 194 000 blessés, Handicap International avait envoyé de France une tonne d’équipements : fauteuils roulants, prothèses, corsets, déambulateurs, béquilles et cannes. « Nous sommes en train d’agir en mode postopératoire pour éviter que les blessures ne se transforment en handicap avéré et nous livrons le matériel médical nécessaire, de telle sorte que dès que les moignons des victimes puissent cicatriser », a révélé Sylvia Sommella. « Nous montons aussi une base de données (des personnes amputées) et livrons le matériel médical nécessaire, de telle sorte que dès que les moignons cicatrisent, nous posons des prothèses DynaCast, qui ont une durée de vie comprise entre quatre et six mois », ajoute-t-elle.

En accord avec les responsables des hôpitaux, les membres de Handicap International assurent des soins de rééducation postopératoire, distribuent des aides à la marche et du matériel orthopédique, et mettent en place un système de suivi des patients dans la durée. Les quatre autres équipes mobiles de Handicap International sillonnent quatre quartiers et faubourgs de la capitale parmi les plus pauvres (Carrefour, Carrefour Feuilles, Christ-Roi, Pétion-ville), et assurent des soins et des distributions d’aides à la mobilité dans les camps de sans-abris et dans les rassemblements de population plus modestes. Les besoins en appareillage vont être considérables. Dans l’immédiat, Handicap International cherche à mettre sur pied en Haïti une fabrique de prothèses permanentes : « D’ici deux semaines nous allons mettre sur pied un atelier d’appareillage qui sera opérationnel très rapidement. Nous allons fabriquer des prothèses temporaires mais dans quelques mois il faudra appareiller les patients de façon définitive », a ajouté Sylvia Sommella. Cette activité ne pourra démarrer qu’en mars, après la cicatrisation des amputations. Handicap International va produire entre 300 et 400 prothèses d’urgence, au cours des premiers six mois. Ces appareillages temporaires devront ensuite être remplacés par des prothèses définitives. L’objectif de l’association est de créer et de coordonner une capacité de réadaptation et d’appareillage sur le long terme, en formant du personnel haïtien pour en assurer la pérennité.

Contrairement aux autres ONG, Handicap International n’a pas reçu beaucoup de dons du public suite au séisme du 12 janvier. Mme Claire Fehrenbach, directrice d’Handicap International Canada lance donc un appel à la générosité de tout un chacun : « Il y a de plus en plus d’handicapés en Haïti et il y aura tout un nouveau flot d’handicapés suite au séisme. Ces personnes ont besoin de votre aide et de pouvoir participer au grand plan de développement qui a été évoqué lors de la conférence de Montréal. Nous avons non seulement besoin d’aide directement sur le terrain mais aussi pour tout le travail de plaidoyer que nous faisons auprès des différents gouvernements concernés », a-t-elle dit. Actuellement, entre 30 à 100 amputations sont pratiquées chaque jour dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Pour supporter et contribuer au travail d’handicap International vous pouvez donner vos dons en ligne au www.handicap-international.ca [nr gp apr 29/01/2010 13 :00]


[1Référence, Handicap International Canada.