Par Leslie Péan
Soumis à AlterPresse le 25 janvier 2010
Deuxième partie d’une analyse articulée autour des défis que pose à la conscience du monde entier la situation désespérée dans laquelle se débat aujourd’hui la nation haïtienne. [1]
Le complexe militaro-industriel
La structure du pouvoir aux États-Unis repose sur l’alliance entre les militaires et l’industrie d’armement. C’est elle qui détermine les options fondamentales, surtout à un moment où la privatisation des activités militaires est l’option stratégique privilégiée dans la conduite des opérations militaires. L’armée n’est pas seulement une affaire publique mais aussi et surtout une affaire privée. Au Pentagone, ce ne sont plus des employés publics qui reçoivent les visiteurs mais des employés de firmes privées. Mais ce processus ne s’arrête pas là. Dans tous les autres domaines de l’activité militaire, la privatisation règne en maitre absolu. Une vingtaine de sociétés militaires privées, dont les plus connues sont Blackwater, Dyncorp, Kellog Brown and Root, avalent annuellement 300 milliards de dollars, soit près de la moitié du budget du Pentagone. Des contrats juteux sont négociés sans appel d’offres sous prétexte qu’il s’agit de sécurité nationale. La corruption trône avec un grand C surtout quand on sait que le pouvoir exécutif n’a pas à informer le Congrès pour les contrats dont le montant ne dépasse pas cinquante millions de dollars [2].
On comprend donc, comme l’a montré Naomi Klein [3], que le vice-president Dick Cheney, le Secrétaire de la Défense Donald Rumsfeld ou encore William Bush, oncle du president Georges W. Bush aient pu amasser des millions de dollars à travers leurs activités liées au Pentagone et à la guerre en Irak. Pour faire tourner la machine de l’armement, il y a donc nécessité d’engagement des troupes et de déploiement des sociétés militaires privées, tant dans des activités sécuritaires et de lutte contre les catastrophes naturelles que dans des guerres récurrentes. Le budget de l’armée américaine est de 626 milliards de dollars et dépasse les budgets réunis des dix pays suivants, y compris la Russie et la Chine [4]. L’intervention de l’armée est donc une activité lucrative tant pour faire la guerre que pour fournir l’aide humanitaire, assurer la sécurité des convois, prodiguer des soins médicaux et reconstruire les routes et les ponts. Les moyens militaires mis en œuvre en Haïti au lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010 s’inscrivent dans cette optique. Une vraie armada composée de 20 navires de guerre, 7 avions gros poteurs C-130, 30 hélicoptères, du matériel lourd de travaux publics, des véhicules amphibies et plus de 25.000 hommes de troupes venant de tous les corps d’armée (navy, armée de terre, marines, aviation, garde-côtes).
Dans le discours d’adieu prononcé le 17 janvier 1961, le président Dwight David Eisenhower avait mis en garde contre le complexe militaro-industriel : « Cette conjonction, dit-il, entre un immense establishment militaire et une importante industrie privée de l’armement est une nouveauté dans l’histoire américaine. [...] Nous ne pouvons ni ignorer ni omettre de comprendre la gravité des conséquences d’un tel développement. [...] nous devons nous prémunir contre l’influence illégitime que le complexe militaro-industriel tente d’acquérir, ouvertement ou de manière cachée. La possibilité existe, et elle persistera, que cette influence connaisse un accroissement injustifié, dans des proportions désastreuses et échappant au contrôle des citoyens. Nous ne devons jamais permettre au poids de cette conjonction d’intérêts de mettre en danger nos libertés ou nos méthodes démocratiques. Rien, en vérité, n’est définitivement garanti. Seuls des citoyens alertes et informés peuvent prendre conscience de la toile d’influence tissée par la gigantesque machinerie militaro-industrielle et la confronter avec nos méthodes et objectifs démocratiques et pacifiques, afin que la sécurité et les libertés puissent fleurir côte à côte. [5] »
Cettte mise en garde du général-président Eisenhower est ignorée. Tout au plus, elle sert à alimenter les théories de la conspiration qui voient une alliance insoupçonnée entre les terroristes et le complexe militaro-industriel. Avec ou sans manipulation, confronté au terrorisme international, le président Obama répond aux attentes de la population américaine angoissée. Mais son approche n’est pas aussi provocante, aventureuse et dangereuse que celle de son prédécesseur. Quand l’expression de la foi coïncide avec la recherche de la mort, comme cela semble être le cas avec le fondamentalisme islamique, la répression ne peut plus être privilégiée comme seul moyen d’affronter l’adversaire. Obama demande pardon quand il le faut, mais il rassure aussi les faucons en maintenant Robert M. Gates comme Secrétaire de la Défense. Pouvait-il faire autrement et affronter le complexe militaro-industriel avec plus de 800 bases militaires disséminées dans 130 pays à travers le monde ? Il avait pris des engagements pour fermer la base de Guantanamo, mais il a dû différer la réalisation de cet objectif.
Obama n’appuie pas les dictatures et récuse tout soutien aux régimes répressifs. Mais il ne peut pas défaire en un clin d’œil la base sur laquelle repose la politique étrangère de son pays. Le président Obama a justifié l’installation en 2009 des sept bases militaires en Colombie en disant qu’il s’agissait de combattre le narcotrafic. Pourtant, le président colombien Alvaro Uribe soutenu par Washington est depuis longtemps sur la liste noire des narcotrafiquants préparée par les services secrets américains. Un mémorandum déclassifié de ces services secrets en date de 1991 mentionne à la page 10 Alvaro Uribe comme le numéro 82 de la liste, quelques numéros après Pablo Escobar qui est le numéro 79 sur la liste. On peut lire le memorandum en cliquant sur le http://www.gwu.edu/%7Ensarchiv/NSAEBB/NSAEBB131/dia910923.pdf.
Les centres du pouvoir américain sont tiraillés entre l’exportation de la peur et celle de l’espoir. La victoire d’Obama militait pour l’optimisme en privilégiant la diplomatie et l’assistance économique en lieu et place de la force armée. Mais le lobby des forces armées, représenté par le complexe militaro-industriel, a prévalu. Les dépenses militaires dans le budget américain sont de 626 milliards en 2010, tandis que celui du Département d’État n’est que de 36 milliards. On peut donc voir où est le pouvoir. Il faut ajouter que le budget de 626 milliards n’inclut pas les dépenses pour les guerres d’Afghanistan et d’Iran évaluées annuellement à 150 milliards. Ce dernier montant est sous-estimé car selon les calculs minutieux des économistes Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, le coût réel de la guerre en Irak est de trois mille milliards de dollars. [6]
Le président Obama est dans une véritable pétaudière, entre deux feux, entre ce que Eduardo Galeno nomme « le Parti Démocrate et le Parti Républicain (qui) sont deux noms différents pour un même parti. [7] » Il s’était affirmé à l’encontre de ces deux entités quand il s’était opposé à la guerre en Irak. Mais depuis lors, pour les besoins de la cause, n’est-il pas rentré dans les rangs ? On se rappelle que, lors du compromis de 1877 entre Républicains et Démocrates, les droits des Noirs défendus par les Républicains d’Abraham Lincoln firent les frais de cette entente entre les deux entités des classes dirigeantes américaines. Depuis lors, malgré les velléités des indépendants, le Janus à deux faces de la politique américaine campe aux portes et refuse tout partage du pouvoir. On est loin du Papa Legba du vaudou haïtien qui ouvre les barrières !
Les intérêts spéciaux
Tandis que la crise financière est le résultat de la corruption orchestrée à travers la dérégulation et la déréglememenattion des activités bancaires et financières sous les administrations antérieures de George W. Bush, les propagandistes de l’extrême droite américaine ont pu diffuser l’idée qu’Obama est en train de conduire les États-Unis d’Amérique à la banqueroute avec sa politique de réforme de la santé. Cette déréglementation a commencé effectivement sous l’administration Clinton. On a vu à la télévision le 21 octobre 2009, au cours de l’émission Frontline, le documentaire « The Warning » montrant comment Alan Greenspan, président de Réserve fédérale ; Robert Rubin, secrétaire au Trésor ; Larry Summers, secrétaire adjoint au Trésor et Arthur Levitt, président de la Securities and Exchange Commission (Commission des Opérations en Bourse), ont empêché Brooksley Born, alors responsable de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), de remplir son mandat en réglementant les produits dérivés négociés de gré à gré.
Il est presque hallucinant de voir les fleurs de la corruption éclore et s’épanouir pendant dix ans, de 1998 à 2008, dans les eaux boueuses du capitalisme de copinage. Obama n’est pas du tout responsable du désastre créé par la politique des intérêts spéciaux des lobbyistes qui dépensent des sommes faramineuses pour financer les campagnes électorales des candidats à leur solde. 42.000 lobbyistes dépensent 1.4 million de dollars par jour pour avoir les oreilles des parlementaires et des membres de l’administration. Le trafic d’influence de ces lobbyistes est d’autant plus performant que nombre d’entre eux sont d’anciens parlementaires et/ou d’anciens hauts fonctionnaires. Les intérêts spéciaux sont un euphémisme pour parler de la corruption des hautes sphères publiques par les intérêts privés. Au cours de sa campagne électorale, Obama s’était attaqué à ce problème en proposant de limiter les actions des lobbyistes dans la détermination des politiques publiques. Dans le domaine de la santé, il a dû se raviser sous le poids de la corruption de l’industrie pharmaceutique qui a acheté les consciences des parlementaires pour s’assurer que rien ne change.
Mais dans celui de la haute finance, il a tendu un rameau d’olivier aux financiers. Il s’est rendu à New York pour leur parler. Pas un seul PDG n’est venu assister à sa conférence de presse à Wall Street le 14 Septembre 2009. Les patrons boudent Obama qui veut élargir les pouvoirs de la banque centrale (la Fed), créer une agence de protection financière du consommateur et enfin donner au gouvernement le pouvoir de réduire la taille des grandes firmes financières. Depuis la chute du fonds spéculatif LTCM en 1998 et la bulle des dotcoms, toute l’architecture financière est remise en question avec le cortège macabre des banqueroutes successives, les scandales à la Enron, l’absence de la réglementation, les agences de notation invisibles, une atmosphère de faillite dans laquelle les pêcheurs en eaux troubles ont prospéré à l’infini jusqu’à la chute de Lehman Brothers en 2008 et le blanchiment en 2009 de centaines de milliards de dollars de l’argent de la drogue pour sauver le système financier [8].
Obama essaie de sortir l’économie réelle sous la coupe des intérêts privés du secteur financier qui manipulent dans la plus grande corruption le marché des OTC (Over The Counter) de 605 mille milliards de dollars, soit quatorze fois le PIB mondial de 43 mille milliards. Les interventions de Brooksley Born, la grande dame assurant la direction de l’organisme de tutelle des marchés à terme (CFTC en anglais), pour demander la transparence dans ce marché obscur, se sont terminées par son éviction en 1998. Obama a donc décidé de prendre le taureau par les cornes. Mais avec des gants. On en veut pour preuves sa décision du 21 janvier 2010 de limiter la taille des banques et de leur interdire les activités spéculatives qui ont conduit à la crise immobilière, financière et boursière actuelle. En préférant les conseils de Paul Volcker à ceux de Larry Summers concernant la nécessité de revenir aux principes directeurs du Glass-Steagall Act (que Summers avait contribué à abolir en 1999) consacrant la séparation des activités de banques commerciales de celles des banques d’investissement, le président Obama s’attaque au marché des titres à valeur fictive qui a fait croître la financiarisation de l’économie américaine, mais aussi celle de l’économie mondiale. Son conseiller Paul Volcker a-t-il lu « les composantes du capital bancaire » dans Le Capital de Karl Marx dans lequel il est dit en clair : “La valeur de marché de ces titres est en partie une valeur spéculative, car ce n’est pas le revenu réel de l’entreprise, mais celui qu’on en attend, calculé par anticipation, qui a servi à la déterminer.” [9]
Dans tous les cas, ses conseils au président Obama sont pertinents et visent à empêcher d’une part « la dilapidation de capital dans affaires positivement sans valeur » et d’autre part mettre l’économie réelle à l’abri de « l’éclatement de ces bulles de savon gonflées de capital-argent nominal ». [10] Obama dit non aux joueurs de l’économie-casino qui prennent tout les risques avec de l’argent qui ne leur appartient pas pour ensuite se faire rembourser par l’État quand ils ont tout perdu. C’est justement ce que les économistes nomment « l’aléa moral » et dont on a vu la matérialité avec Henry Paulson, Secrétaire d’État au Trésor, demandant sur trois feuilles de papier au Congrès de lui verser 700 milliards pour sauver les banques. Obama a raison de dire non aux pratiques abusives des marchés à terme représentant 605 mille milliards de dollars en décembre 2009. [11] Reste à savoir si les parlementaires américains achetés par les banquiers suivront et voteront les mesures proposées et considérées anti-capitalistes par Wall Street.
Le monde a changé
La situation est catastrophique avec l’augmentation du chômage, d’une part, et l’augmentation de la richesse d’un petit groupe, d’autre part. Bob Herbert, éditorialiste du quotidien New York Times, écrit : « Je suis étonné de voir à quel point la population reste passive face à ce scandale qui perdure. [12] » Le déficit américain a atteint le plus haut niveau depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945, soit 1.400 milliards de dollars. La boussole de la recherche du profit maximal pour un petit groupe représentant 1 % de la population conduit le pays à l’échec. Les doutes s’accumulent au sein même du temple du capitalisme américain qui assimile la croyance dans le système à un « conte de fée » auquel seuls les fous peuvent croire. Aussi le New York Times écrit-il : « Nous ne pouvons pas continuer à transférer la richesse de la nation à ceux qui sont au sommet de la pyramide économique – ce que nous avons fait depuis environ trente ans – tout en espérant qu’un jour, peut-être, les avantages de ce transfert se manifesteront sous la forme d’emplois stables et d’une amélioration des conditions de vie des millions de familles qui luttent pour y arriver chaque jour. » [13]
En devenant un pays débiteur, les États-Unis auront-ils le même sort que celui de la Grande-Bretagne en 1946 ? Au bord de la banqueroute financière à cause des coûts de son empire et de la guerre, la Grande-Bretagne avait sollicité en 1946 un emprunt de 5 milliards de dollars auprès des États-Unis d’Amérique au taux zéro pour une période de cinquante ans. Washington le leur refusa avec un Nyet sans appel. Devant la menace des Anglais de crier banqueroute, les Américains leur imposèrent la signature d’un emprunt de 3,7 milliards au taux de 2% et l’obligation d’accepter les accords de Bretton Woods de 1944 créant la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International. Ainsi commencèrent le déclin de la livre sterling et la suprématie du dollar comme monnaie de réserve internationale [14]. Les Américains obligèrent la Grande-Bretagne à abandonner son système de l’exclusif impliquant des préférences tarifaires dans son commerce avec l’Inde. C’était la fin de l’empire britannique.
Avec des réserves monétaires de 2 275 000 (deux mille deux cent soixante quinze mille) milliards, dont près de mille milliards de bons du Trésor américains, détenus par la Chine et des investissement de centaines de milliards dans les grandes entreprises américaines, la Chine appliquera-t-elle aux États-Unis d’Amérique le même traitement que ce dernier avait appliqué à la Grande-Bretagne en 1946 ? Obama semble avoir bien assimilé les enjeux en abordant avec beaucoup de tact la question de la manipulation du yuan (reminbi), la monnaie chinoise. Cette question risque de faire capoter l’entente chimérique entre les deux pays. La Chine déprécie sa monnaie comme l’Amérique déprécie le dollar. Mais Obama, conscient du taux de chômage réel de 17,5 % aux États-Unis, a tout fait pour éviter la dépression à son pays. La Chine ne veut pas sacrifier les intérêts de sa population pour sauver les États-Unis d’Amérique, tout comme ces derniers n’entendent pas se sacrifier et insistent pour que le reste du monde finance leur hégémonie.
Le moindre dérapage peut déclencher de part et d’autre un cycle de sanctions dont personne ne peut prévoir la fin. Le monde a changé, et les États-Unis ne sont plus en mesure d’imposer à la Chine la dévaluation de sa monnaie comme elle l’avait fait avec le Japon en 1985 lors des accords de l’hôtel Plaza. Ces accords ont plongé le Japon dans une dépression déflationniste dont elle n’est pas sortie depuis. La visite en Chine d’Obama en novembre 2009 n’a pas apporté la solution recherchée. Ce ne fut rien de spectaculaire, comparativement à celui que fit Jiang Zemin, secrétaire général du Parti Communiste Chinois, quand ce dernier en 2001, sur les brisées de Deng Xiaoping, décida d’admettre les capitalistes au sein du parti communiste chinois [15]. Les forces en jeu militent pour une nouvelle ouverture aux conséquences aussi imprévisibles pour le commerce mondial que celles de la convergence du mouvement des plaques tectoniques recouvrant notre planète.
La violence comme instrument de changement
Une nouvelle révolution américaine est à l’ordre du jour, similaire à celle qui eut lieu lors de la guerre de sécession. Mais cette fois, le vainqueur risque d’être l’extrême droite. L’homme le plus riche du monde, le multimilliardaire américain Warren Buffet, a déjà donné les premières indications en disant : « La lutte des classes existe, et c’est la mienne qui est en train de la faire et de la gagner [16]. » On peut se demander sur quoi se base cette assurance. Car dans son discours à la Chambre des Représentants du 19 mai 2009, le Congressman Ron Paul du Texas dresse un état des lieux bien différent annonciateur selon ses propos d’une révolution. « C’est surréaliste ; c’est tout juste incroyable, dit-il. Une grande absurdité ; une grande tromperie, une illusion aux dimensions considérables basée sur des notions absurdes et irrationnelles ; et sur des idées dont le temps ne devrait jamais arriver ; la simplicité grossièrement dénaturée et compliquée ; la folie se fait passer pour la logique ; les projets grandioses sont bâtis sur des contrevérités avec la moralité des Ponzi et des Madoff ; le mal présenté comme la vertu ; l’ignorance exposée comme la sagesse ; la destruction et l’appauvrissement propagées au nom de l’humanitarisme ; la violence, l’instrument du changement ; les guerres préventives utilisées comme la route vers la paix ; la tolérance délivrée par les fusils des gouvernements ; les vues réactionnaires disséminées sous l’apparence d’être des idées de progrès ; un empire remplaçant la République ; l’esclavage présenté comme la liberté ; l’excellence et la vertu remplacées par la médiocrité ; le socialisme utilisé pour sauver le capitalisme ; un gouvernement échappant à tout contrôle, évoluant en dehors de la Constitution, de la règle de loi, ou de la moralité ; les querelles de la politicaillerie prenant le devant de la scène au moment où nous nous enfonçons dans le chaos ; la philosophie qui nous détruit n’est pas même définie [17]. »
En considérant le mois de décembre 2007 comme celui du démarrage de la crise financière actuelle, l’économie amércaine en est à son 25ème mois de demi-dépression. Le virus de la crise inoculé par les États-Unis s’est propagé au reste du monde. La bourse a repris quelque peu mais son évolution vers la hausse est due beaucoup plus à une surévaluation du prix des actions de 41% causée par la création massive de liquidités de la FED qu’à une reprise de l’activité privée rentable. [18] Dans l’absence d’une augmentation générale des salaires dans tous les pays pour propulser la demande globale et d’une coordination des politiques économiques nationales, la descente aux enfers ne peut que continuer, comme lors de la Grande Dépression de 1929. Le president Obama ne semble pas prêt à envisager la solution d’une guerre mondiale, comme ce fut le cas en 1939, pour sortir de la dépression et retrouver des sentiers de croissance.
En croisant le fer avec les capitaines de la spéculation, le président Obama n’a pas oublié Haïti vaincue par le terrorisme de la nature. Robert Gibbs, porte-parole de la Maison-Blanche, n’a pas hésité à qualifier de stupide les propos du télévangéliste Pat Robertson disant qu’Haïti a fait un pacte avec le diable lors de la cérémonie du Bois-Caïman en 1791. Le président Obama s’est appuyé sur ses deux prédécesseurs Georges W. Bush et Bill Clinton pour dire qu’il n’oublie pas Haïti, cette terre qui a été la seule à vaincre par ses propres moyens ce que Galeano nomme “la malédiction blanche” [19] de l’esclavage. La démarche du président Obama a aidé à l’avancement du projet de solidarité avec Haïti pour la reconstruire sur de nouvelles bases. En effet, Bill Clinton a fait le déplacement le 22 janvier 2010 pour joindre sa voix à celles de Jennifer Hudson, Bruce Springsteen, Bono, Madonna, Morgan Freeman, Dave Matthews, Neil Young, Mary J. Blige, Coldplay, Stevie Wonder, John Legend, Wyclef Jean, Robert De Niro, Jack Nicholson, Halle Berry, Julia Roberts, Ellen Barkin, et Leonardo DiCaprio pour produire des tremblements de coeur et sortir Haïti du gouffre. En deux heures, 58 milllions de dollars furent collectés. Ce fut un grand moment d’expression de la générosité, la vraie, parce qu’individuelle.
[1] Voir la 1ère partie à l’adresse http://www.alterpresse.org/spip.php?article9215
[2] Allison Stanger, One Nation Under Contract — The Outsourcing of American Power and the Future of Foreign Policy, page 91, Yale University Press, 2009.
[3] Naomi Klein, The Shock Doctrine – The Rise of Disaster Capitalism, Albert A. Knopf, Canada, 2007, p. 377.
Walter F. Roche, Jr. “Bush’s Uncle Earned Millions in War Firm Sale”, Los Angeles Times, March 23, 2006.
[4] Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), Military Expenditure Database, 2009.
[5] Public Papers of the Presidents, Dwight D. Eisenhower, 1960, p. 1035-1040.
[6] Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, The Three Trillion Dollar War, W.W. Norton, Nez York, 2008.
[7] Eduardo Galeano, « Ojalà », page 12, Buenos-Aires, 6 novembre 2008.
[8] Rajeev Syal, « Drug money saved banks in global crisis, claims UN advisor », The Observer, London, 13 décembre 2009.
[9] Karl Marx, Le Capital, Livre III, tome II, Éditions sociales, Paris, 1970, p. 130.
[10] Ibid, page 131.
[11] Bank of International Settlements, Quarterly Review, Table 19, Basel, Decembre 2009, page A-103.
[12] « I’m amazed at how passive the population has remained in the face of this sustained outrage », Bob Herbert. « Safety Nets for the Rich », New York Times, 19 octobre 2009.
[13] Bob Herbert, ibid.
[14] Zachary Karabell, Superfusion : How China and America Became One Economy and Why the World’s Prosperity Depends on It, Simon & Schuster, New York, 2009.
[15] Bruce Dickson and Jie Chen, « Allies of the State : Democratic Support and Regime Support among China’s Private Entrepreneurs », The China Quarterly, vol. 196, décembre 2008.
[16] “There’s class warfare, all right,” Mr. Buffett said, “but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning.” Ben Stein, « In Class Warfare, Guess Which Class Is Winning », New York Times, November 26, 2006.
[17] Ron Paul, « Current Conditions or a Bad Dream ? », op. cit., 19 mai 2009.
[18] The Economist, 3 octobre 2009, p. 84.
[19] Eduardo Galeano, « La maldicion blanca », Argenpress, Buenos Aires , Argentina, 22 de Enero de 2010.