Communiqué du bureau géologique américain (U.S. Geological Survey)
Emis le 21 janvier 2010 [1]
Repris par AlterPresse le 23 janvier 2010
Le séisme de magnitude 7 du 12 janvier 2010 près de Port‐au‐Prince en Haïti a
généré un accroissement brutal des préoccupations concernant le potentiel de
futurs séismes en Haïti et dans la région alentour. Ces préoccupations sont liées à
notre compréhension de l’aléa sismique et à notre connaissance de actions à mener
pour assurer la sécurité vis a vis des séismes à venir. Le but de ce communiqué est
de faire savoir notre meilleure évaluation sur ces sujets.
Répliques : La séquence de répliques d’un séisme de magnitude 7 continue pour
des mois, sinon des années, dans la région affectée. La fréquence des événements va
diminuer avec le temps, mais des séismes dommageables resteront possibles dans
les mois à venir. Il y a aussi une petite chance de séismes à venir qui seraient plus
forts que le choc initial. La séquence de répliques du séisme de Port‐au‐Prince
continue à être forte et active. Sur la base de cette activité et des statistiques des
séquences de répliques en général, notre estimation de l’activité des répliques
pendant une période de trente jours commençant le 21 janvier 2010 est la suivante :
La probabilité d’un ou plus séisme(s) de magnitude 7 ou supérieure est
moins de 3%.
La probabilité d’un ou plus séisme(s) de magnitude 6 ou supérieure est de
25%
La probabilité d’un ou plus séisme(s) de magnitude 5 ou supérieure est
d’environ 90%.
Approximativement 2 ou 3 répliques de magnitude 5 ou supérieure sont
attendues pendant cette période de temps.
Ces estimations seront mises à jour à mesure que de nouvelles informations seront
disponibles.
Précautions : Toute réplique de magnitude supérieure à 5.0 sera largement
ressentie et peut causer des dommages additionnels, en particulier aux structures
vulnérables déjà endommagées. Chaque personne vivant en Haïti ou qui y est
impliquée dans les actions de secours doit rester consciente de son environnement
et de sa sécurité sismique personnelle. Il faut à tout moment être conscient de la
conduite à mener si le sol commence à trembler. Les espaces ouverts sont
généralement sûrs, mais courir parmi des chutes de débris pour atteindre un espace
ouvert peut être dangereux. Seuls des ingénieurs qualifiés peuvent déterminer si un
bâtiment endommagé est sûr et peut être réoccupé. La règle à tenir tant que les
ingénieurs ne sont pas sur place la suivante : si un bâtiment n’a pas l’air sûr, c’est
qu’il ne l’est pas. On doit éviter de pénétrer ou de réoccuper une structure
clairement endommagée.
Préoccupations à court terme : La faille géologique qui a causé le séisme de Portau‐
Prince fait partie de la zone sismique active entre les plaques tectoniques Caraïbe
et Amérique du Nord. Le séisme a sans aucun doute dissipé des contraintes sur le
segment de faille qui a rompu, mais l’extension de cette rupture le long de la faille
reste mal connue pour le moment. Les modèles de glissement, la mesure
préliminaire des déformations en surface par radar et l’examen de l’imagerie
satellitaire et aérienne suggèrent que le segment de la faille d’Enriquillo situé à l’est
de l’épicentre du 12 janvier et directement adjacent à Port‐au‐Prince n’as pas subi
de glissement important pendant cet évènement. Ceci implique que la faille
d’Enriquillo près de Port‐au‐Prince accumule suffisamment de déformation pour
être libéré lors d’un fort séisme destructeur à l’échelle de la durée de vie des
structures qui seront construites durant l’effort de reconstruction à venir.
Historiquement, Haïti a subi de multiples séismes importants, apparemment sur des
failles adjacentes. Nous continuons à étudier la situation à l’aide de radar, LiDAR, et
données photographiques prises de satellites et d’avions. Il est essentiel d’effectuer
des études de terrain, au sol, des décalages engendrés par cet événement. L’étude
des événements passés est essentielle pour évaluer le potentiel pour de futurs
séismes à proximité de Port‐au‐Prince.
Préoccupations à long terme : Il est essentiel que l’effort de reconstruction en
Haïti prenne en compte le potentiel, en fait le caractère inévitable, de séismes futurs
forts. Haïti est coupé par deux failles majeures. Au cours des trois derniers siècles,
des séismes comparables ou plus forts ont frappé Haïti au moins quatre fois, en
particulier en 1751 et 1770, détruisant Port‐au‐Prince. Les ingénieurs et
professionnels de la reconstruction savent comment concevoir et construire des
structures qui ne s’écrouleront pas lors de fortes secousses sismiques. L’estimation
de l’aléa sismique fournit la base pour la mise en place de codes de construction
appropries et pour l’identification de régions à haut risque. Une estimation
approfondie de l’aléa sismique en Haïti, ainsi que dans d’autres pays de la Caraïbe,
fournira la base pour établir ou améliorer les codes de construction et pour
renforcer la résistance des bâtiments sur le long terme. De telles estimations
requièrent des investigations géologiques des failles et des propriétés du sol, la
remesure de stations géodésiques pour déterminer l’accumulation de la
déformation, et l’étude de la sismicité récente et historique ainsi que de la
distribution spatiale et des statistiques de cette sismicité. Ces estimations prennent
généralement plusieurs années mais peut être accélérées et fournir des résultats
largement meilleurs que ce qui est actuellement disponible. A partir de ces
investigations, on peut déterminer la probabilité et la nature des mouvements forts
du sol sur plusieurs échelles de temps. La mise en place de structures et
infrastructures plus résistantes est un objectif à long terme, en particulier en cas de
limitations économiques. A court terme, il est critique que l’effort de reconstruction
soit entrepris en pleine conscience du potentiel pour des événements
dommageables au cours des mois et des années à venir. Il est essentiel que les
structures telles que les hôpitaux, écoles, et équipements critiques soient
reconstruites avec une bien meilleure résistance afin de préserver des vies et le
fonctionnement du pays.
Préoccupations régionales : L’expérience du séisme de Port‐au‐Prince en Haïti
révèle le besoin de mieux comprendre la nature et l’étendue du risque de séismes et
de tsunamis dans la région Caraïbe. L’arc d’iles qui forme les petites et les grandes
Antilles suit le contour général du contact entre les plaques Caraïbe et Amérique du
Nord. Cette région dans son ensemble est sismiquement active à cause du
mouvement relatif entre ces plaques et est sujet à des séismes destructeurs : il s’agit
d’un petit « cercle de feu » comme celui qui suit les bordures du Pacifique.
Des
séismes historiques de magnitude supérieure à 7 ont eu lieu à Porto Rico, en
Jamaïque, en République Dominicaine, en Martinique et en Guadeloupe. Le long de
la côte du Venezuela, la frontière entre les plaques Caraïbe et Amérique du Sud a
causé des séismes destructeurs au voisinage de Trinidad et Tobago. Des règles
parasismiques, y compris les codes de construction dans l’ensemble de la région,
devraient être basés sur une estimation approfondie de l’aléa sismique.
[1] Version francaise publiee par l’Alliance pour la gestion des risques et la continuité des activités.