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Regard (Chronique hebdo)

Comme d’habitude…

Par Roody Edmé *

Exclusif pour AlterPresse

La fin 2009 a vu un début de reprise de l’économie mondiale. Ben Bernanke, le « sorcier blanc » de la Banque fédérale américaine, grand timonier de la finance mondiale a été consacré l’homme de l’année par un grand magazine américain. Les bourses ne plongent plus dramatiquement chaque deux jours et le taux d’adrénaline des principaux courtiers de la planète est plutôt stable.
Peut-on affirmer pour autant comme ce personnage de Candide de Voltaire que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » ? Le cycle de croissance semble repartir et si le monde a presque touché le fond, l’économie mondiale ne s’est guère brisée en mille morceaux.

Le président français Nicolas Sarkozy s’est même réjoui que le pouvoir d’achat des français n’ait pas baissé pendant la crise, au contraire. Tout cela sonne à nos oreilles de profane comme une petite victoire à la Pyrrhus, quand on songe aux dégâts engendrés par la crise mondiale sur les avoirs des classes moyennes un peu partout sur la planète.

En attendant, les traders et autres agents à risque du système financier international trop content de la rapidité de ce début de reprise recommencent à jouer à la roulette russe et refusent d’abandonner les plaisirs interdits mais ô combien jouissifs de la finance-casino.

Quoiqu’il en soit, cette crise aura prouvé une chose que l’Etat est plus que nécessaire et que son renforcement peut nous protéger des mauvais jours. Face aux débordements des forces de la spéculation qui dans leurs furies ont menacé de tout emporter, les matelas de réserves des banques centrales ont permis aux agents économiques de continuer à dormir au moins sur une…oreille.

Mais tout cela justifie-t-il qu’on ait la mémoire aussi courte ? Que l’on recommence de plus belle à danser avec les loups. On oublie trop souvent qu’il a fallu découvrir St Pierre pour couvrir St Paul, comme on dit chez nous. C’est bon que le manège de la finance mondiale tourne à nouveau mais que certains éprouvent cette même ivresse irresponsable annonciatrice de chutes irrémédiables et fassent fi de la prudence est tout simplement suicidaire.

Une récente étude a montré que les grandes banques du monde restaient encore mal outillées pour évaluer et gérer les risques. La question stratégique de l’information fiable et diffusée à temps pour permettre de poser les gestes qui sauvent demeure une lacune non encore comblée deux années après la crise des « subprime ».

Le niveau d’alerte contre d’éventuels nouveaux tsunamis financiers n’est donc pas optimum et dans ce domaine, les mêmes causes semblent pouvoir produire les mêmes effets.

Et puis, si l’économie malade fait de nouveau « d’encourageants » petits pas, elle demeure encore sous respiration artificielle fourni par l’argent public. Un jour où l’autre, il faudra débrancher le masque à oxygène sans provoquer de détresse respiratoire.

* Éducateur, éditorialiste