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Regard (Chronique hebdo)

« Amen »

Par Roody Edmé *

Exclusif pour AlterPresse

La déclaration des évêques haïtiens à l’occasion de la Noël n’est pas tombée dans l’oreille de sourds. Tout se passe comme si la société attendait un message de ce genre non empreint de spiritualisme flou, mais direct qui a prise sur le réel et qui mentionne clairement les défis de l’heure.

Les évêques ont parlé politique sans fausse pudeur. Ils ont pointé du doigt la fièvre des regroupements politiques actuels qui s’apparente à des manœuvres d’état-major pour la conquête du pouvoir, sans que l’on ne connaisse pas exactement les projets de société qui accompagnent ces plateformes. Dans les colonnes de certains grands quotidiens de la capitale, les citoyens se répandent en conjectures sur ces grandes manœuvres et leur impact positif ou négatif sur l’avenir d’Haïti.

Le jeu politique apparait souvent comme une mécanique implacable orientée uniquement vers la prise et la conservation du pouvoir, sans lien organique avec les aspirations citoyennes. Ces nouvelles organisations créées à l’horizon des prochaines élections devront dans les prochains mois « conquérir » les esprits et les cœurs et convaincre les électeurs que ce ne sera pas dans ce domaine du « business as usual ».

Et de ce point de vue, il faudra beaucoup plus que les habituelles campagnes négatives et autres « bulles puantes » que des candidats balancent à d’autres et qui empestent trop souvent l’atmosphère politique dans notre pays et pavent ainsi la voie à des destructions lamentables de vies et de biens.

La question du peu de structuration, de la précarité insoutenable de nos partis politiques et organisations sociales a été récemment abordée dans une rencontre au local du Centre haïtien de recherches en sciences sociales. Et sans langue de bois, des spécialistes en divers domaines et des représentants de partis politiques ont tenté de cerner le problème. Des problématiques judicieuses ont été posées, mais il faudra une réflexion sur le long terme pour mieux appréhender le fait qu’une société aussi politisée que la notre soit aussi peu organisée dans un domaine aussi stratégique que le politique.

La Conférence Episcopale nationale a aussi abordé la crise écologique et l’a présentée avec raison comme une question éminemment politique. Je dirais de survie de tout un peuple condamné à « végéter » sur un rocher si rien n’est fait en tant qu’effort national patriotique pour réhabiliter la terre de nos ancêtres. Il y a certes, ces jours-ci le projet Winner qui nourrit quelques espoirs, mais c’est loin d’être suffisant par rapport à l’ampleur nationale et international du défi écologique.

Et si, l’Eglise d’Haïti en plus de ces constats pertinents lançait une nouvelle pastorale des jeunes pour la revalorisation de notre environnement et le retour aux valeurs fondatrices de la famille haïtienne, et si une nouvelle mobilisation pareille à celle qui dans les années 80 fit briller le « soleil » dans l’obscurité de la dictature mettait aujourd’hui en avant une nouvelle espérance en érigeant en impératif catégorique les fondamentaux de la lutte contre la corruption.

Et si on passait de la parole aux actes…si le verbe se faisait une fois de plus chair !

* Éducateur, éditorialiste