Par Roody Edmé *
Exclusif pour AlterPresse
C’est peut-être une coïncidence que les déclarations misérabilistes de la semaine dernière du président Fernandez à propos d’Haïti soient tombées au même moment qu’arrivait à Labadie le plus gros paquebot du monde et que les écrivains haïtiens faisaient flotter haut et fier notre bicolore sur la galaxie littéraire. N’étant pas personnellement un adepte de la théorie du complot permanent contre notre pays, je me suis senti troublé, tout de même, par ces déclarations très peu diplomatiques, qui sous prétexte qu’elles correspondent à une certaine vérité ne devraient pas selon certains, nous déranger outre mesure. Tout se passe comme si, à chaque fois que ce pays tentait de sortir la tête hors de l’eau, des mains locales et ou internationales se chargeaient de la sale besogne de l’enfoncer un peu plus.
Certains dirigeants de la république voisine adorent parler d’Haïti en des termes peu flatteurs maquillés grossièrement d’un sentiment de solidarité. Un maquillage qui ne résiste pas à une politique migratoire très peu humanitaire et à une impunité certaine qui encourage des actes répréhensibles de l’autre coté de la frontière contre nos compatriotes.
Mais examinons de plus près les déclarations du président Dominicain. C’est une vérité de la palisse, que la Minustah constitue la branche même branlante sur laquelle a reposé le peu de stabilité que nous jouissons depuis la « guérilla urbaine » de 2004 et les opérations sanglantes et traumatisantes d’un certain banditisme très organisé. Ce qui angoisse les patriotes, ce sont les mesures qui doivent être prises pour remplacer progressivement la force internationale qui sont d’une inquiétante lenteur. Tout doit être fait avant que le seuil de tolérance ne soit atteint et qu’il dépasse les quelques étudiants et intellectuels pressés pour s’étendre à l’ensemble d’une population qui accepte pour l’heure tactiquement la cohabitation, pour avoir souffert dans sa chair les morsures béantes d’une insécurité rampante.
La communauté internationale se doit donc de travailler, avec les autorités haïtiennes, sans précipitation mais avec résolution à un transfert de souveraineté dans un temps raisonnable…d’autant que si les choses se gâtent, elle n’hésitera pas à nous soumettre à un calendrier brutal de retrait, comme elle sait le faire ailleurs.
Monsieur Fernandez a parlé de la cohabitation difficile entre le président et le premier ministre, les Haïtiens le savent déjà et certains étrangers le comprennent trop bien, tant et si bien qu’ils travaillent souvent à creuser les différences…à faire courir le bruit qu’ils préfèrent travailler avec Untel et que s’il n’y avait pas « Gauthier », « Guibert » serait plus efficace. Toute chose qui fait monter les enchères et qui rendent insupportable l’atmosphère des cabinets. C’est dommage que les nationaux se laissent souvent duper par le chant des sirènes qui gonflent les « egos » à hauteur du morne la Selle.
Le président Dominicain a aussi fustigé les élections trop fréquentes. Là aussi, il est difficile de ne pas être d’accord avec lui, c’est le ton qui fait la chanson. Il n’a fait que reprendre sur un ton insupportable de donneur de leçon, ce qu’une commission haïtienne ayant travaillé sur la constitution avait déjà souligné à l’encre forte. Nous n’avons vraiment pas besoin que l’on pense à notre place…
Ce qui est dommageable, c’est quand le tribunal électoral haïtien suivant une lecture léonine et laborieuse de la loi électorale souffle sur les braises d’un brasier mal éteint.
Ce qui peut l’être, c’est quand le président qui a le droit comme dans tout Etat de droit de monter un parti politique comme l’a fait Sarkozy avec l’UMP ou même de soutenir des candidats comme ne manquera pas le faire Barak Obama aux élections de mi-mandat aux Etats-Unis pour le renouvellement du congrès…ne fait et ne dit rien aux dires de ses adversaires pour rassurer les partis qui tous veulent aller aux élections. Il y a une pédagogie à développer au plus haut sommet de l’Etat pour convaincre et persuader que tout sera fait en toute transparence, dans un pays où la méfiance est reine. Pour qu’un tirage au sort électoral ne soit perçu comme de la borlette et que les numéros assignés aux partis et regroupements ne soient vécus comme des « boul chans »…
Il y va de la crédibilité de tout un processus, de celle d’un pays qui est fatigué de la condescendance suspecte des uns et des autres.
* Éducateur, éditorialiste