P-au-P., 24 nov. 03 [AlterPresse] --- Le sénateur Dany Toussaint prend officiellement ses distances par rapport à l’option « despotico-anarchique » adoptée, selon lui, par le pouvoir lavalas.
Cette option, affirme le sénateur, se traduit, dans la pratique, par l’interdiction des
libertés publiques, la répression systématique, la vassalisation et la politisation des institutions telles que la justice et la police, la manipulation des masses, notamment des organisations populaires, la ruse, le mensonge et la propagande.
Dans une interview accordée le 22 novembre à Radio Kiskeya, Dany Toussaint affirme croire qu’il est encore possible pour lavalas de se ressaisir en procédant à une évaluation courageuse et « critique » de sa politique.
Tout en réaffirmant son appartenance au secteur lavalas, Dany Toussaint clame
haut et fort n’être pas disposé à s’engager dans la voie proposée par le président Jean Bertrand Aristide qui ne conduit, selon lui, « qu’à la mort, à la prison ou, au
mieux, à l’exil ».
Le parlementaire, issu des élections contestées du 21 mai 2000, propose un système « bureaucratico-légal » qui privilégie le libre fonctionnement des institutions, la primauté des lois, de même que la participation citoyenne responsable.
Ce système aurait pour principaux objectifs, selon Toussaint, la défense des droits humains, l’établissement de la démocratie et la lutte contre le trafic illicite de la
drogue. En ce sens, il stigmatise le pouvoir personnel, mettant ouvertement en doute le fait qu’ « un seul homme » puisse changer Haïti.
Dans le même ordre d’idées, Dany Toussaint déplore que le Groupe des 184 n’ait pas pu présenter son projet de contrat social le 14 novembre dernier. Il affirme avoir voulu prendre connaissance du contenu du document et que, pour cette raison, il s’apprêtait à se rendre au Champ de mars quand il a appris par voie de presse ce qui s’y passait.
Pour le sénateur, il est inconcevable que le pouvoir soit à ce point « intolérant » alors que, dans le cas du Groupe des 184, le texte du projet de contrat social aurait pu « favoriser l’ouverture d’un débat qui profiterait sans nul doute à la démocratie ».
Abordant le problème de la politisation et des dérives de la police, Dany Toussaint appelle les policiers à respecter scrupuleusement leur mission constitutionnelle et, surtout, à accompagner le peuple. Militaire de carrière, il leur rappelle son exemple personnel et celui de plusieurs de ses collègues de l’armée qui, à la fin des années 80, avaient « systématiquement refusé d’obtempérer aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques d’utiliser leurs armes contre à la fois la population, des responsables politiques et des journalistes ».
Dany Toussaint estime que ce qui se passe actuellement dans le pays constitue un « net recul » par rapport aux avancées réalisées. Pour le parlementaire lavalas, ce à quoi nous assistons constitue « la négation absolue de la démocratie ».
Le régime actuel ressemble chaque jour davantage à ceux qui l’ont précédé, déclare le sénateur. Il dénonce le règne de « la force brute » ou le retour à « l’Etat-nature » avec « des crimes odieux et révoltants » tel celui perpétré sur la personne du chef de bande lavalas des Gonaives (Centre-ouest) Amiot Métayer.
Dans le cas des 2 membres du Groupe des 184 encore en prison, en l’occurrence Charles Henri Baker et David Apaid, Dany Toussaint estime que la démarche est des plus grotesques et ne repose sur « aucune base juridico-légale ».
Estimant que, dans la situation actuelle, on est loin de ce qui est défini dans le Livre Blanc de Fanmi lavalas, Dany Toussaint déplore que, « au lieu d’assurer la formation des membres d’organisations populaires et de leur offrir des emplois stables, lavalas préfère les utiliser dans la perpétration d’actes répréhensibles ».
Le sénateur estime que les membres de ces structures sont peut-être conscients de la
situation difficile dans laquelle ils se trouvent compte tenu du fait que, d’ailleurs, plusieurs de leurs chefs ont disparu dans des circonstances jusqu’ici non élucidées. Mais, ajoute-t-il, ils sont à « un point de non-retour n’ayant d’autre choix que de défendre lavalas vu que l’opposition ne leur offre aucune garantie ».
Dany Toussaint est sorti d’un silence observé depuis plusieurs mois, à l’occasion de la mise en circulation d’un ouvrage signé le 21 novembre par son collègue Pierre Sonson Prince, sous le tire « L’Etat de choc ». Dans ce livre, l’auteur, qui appartient au parti Fanmi Lavalas au pouvoir, critique certaines dérives du régime.
Les déclarations du sénateur Toussaint interviennent aussi au moment où les Etats-Unis viennent d’annuler le visa du Ministre de l’Intérieur lavalas, Jocelerme Privert. La confirmation de cette mesure a suivi l’avortement du rassemblement le 14 novembre à Port-au-Prince du Groupe des 184 (associations citoyennes et du secteur privé), sous l’action violente de partisans du pouvoir et la passivité de la police. [md gp apr 24/11/2003 11:00]