P-au-P, 03 déc. 09 [AlterPresse] --- Il faut un engagement national et local, des compétences, pour parvenir à des stratégies d’adaptation aux changements climatiques en Haïti.
A quelques jours du sommet de Copenhague (7 - 18 décembre 2009), des délégués de divers secteurs ont voulu renforcer le plaidoyer d’Haïti au cours d’une audience publique, tenue le mercredi 2 décembre à Port-au-Prince à l’initiative de la représentation en Haïti d’Oxfam Grande Bretagne et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
A travers les observations de l’audience publique, il s’agit de montrer que « le discours sur les changements climatiques n’est pas un discours scientifique », mais de favoriser un espace pour un discours vrai sur le phénomène, concède Yolette Etienne, représentante d’Oxfam Grande Bretagne.
Assortis de recommandations pour améliorer le sort des habitants, les impacts des changements climatiques sur la pêche, l’agriculture et la jeunesse, notamment dans le Nord-Ouest, le Sud-Est, le Nord-Est et les Nippes (Sud-Ouest), ont été mis en lumière avec plusieurs témoignages sur la vie des populations dans ces départements géographiques en Haïti.
La situation des pêcheurs dans le Nord-Ouest s’est aggravée depuis que le réchauffement des eaux maritimes pousse les gros poissons à changer d’habitats, rapporte un habitant de l’Ile de la Tortue.
Du coup, les pêcheurs et leurs familles sont forcés de chercher d’autres moyens de subsistance, parfois illusoires, comme la migration vers les iles caribéennes où les conditions de vie se conjuguent entre clandestinité et humiliations.
Les agriculteurs de Côte de Fer (Sud-Est) font face à des défis semblables.
Cultiver la terre apparait de moins en moins attirant pour les habitants de cette ville (du Sud-Est) qui vivent essentiellement de l’élevage et de l’agriculture. Incapables de tirer leur subsistance de la terre, ils se tournent vers la République Dominicaine.
Dans le Nord-Est, les habitants font pareil. Souvent, ils se livrent aux passeurs et deviennent la proie des trafiquants.
Comme dans le Nord-Est, la jeunesse dans les Nippes essaie de s’adapter à des changements sur lesquels elle possède peu ou pas d’informations, d’où la réalité de prostitution, comportements à risques et de délinquance qui frappe les jeunes de ce département géographique.
Plus largement, les témoignages (à l’audience publique du 2 décembre 2009) laissent transparaitre le combat de populations – déjà abandonnées à elles-mêmes (par le pouvoir central) et depuis longtemps aux prises avec la pauvreté - contre la sécheresse ou les bouleversements de la biodiversité, deux conséquences des changements climatiques qui viennent aggraver leur vulnérabilité.
Des experts dans le domaine et des professionnels de la communication, dont l’ingénieur-agronome Jean André Victor, ont réuni les recommandations faites durant l’audience et donné leur point de vue sur ces témoignages.
Plus que les autres pays, Haïti est « une situation spéciale » face aux changements du climat, parce que le pays possède un environnement déjà dégradé, insiste l’ingénieur-agronome Victor.
A son avis, il importe d’agir avec prudence dans les communications relatives aux changements climatiques, question d’éviter les mouvements de panique qu’une hantise du phénomène pourrait provoquer.
En plus de l’engagement national en direction des stratégies d’adaptation, les participantes et participants à l’audience publique souhaitent l’implication de l’État, une meilleure information des cadres du gouvernement sur le sujet et un changement de comportement de la population dans ses consommations, notamment des produits industriels liés aux pratiques néfastes au climat planétaire.
« Le changement n’est pas pour demain », prévient le sénateur du Nord-Ouest Mélius Hippolyte.
Invité à se prononcer sur l’ampleur du phénomène, Hippolyte pointe du doigt « la passivité de l’État ».
Lors du sommet de Copenhague, qui se déroulera entre les 7 et 18 décembre 2009, Haïti devrait plaider pour une réduction des émissions et un engament financier des pays riches pour supporter son plan d’action national d’adaptation (Pana).
Mis sur pied par le ministère haïtien de l’environnement, le Pana prévoit des actions consistant à tester le degré de vulnérabilité de différents groupes et secteurs du pays, tout en proposant l’aménagement des bassins versants comme priorité numéro un. L’éducation et la formation constituent d’autres priorités.
« La mise en œuvre de stratégies d’adaptation au changement climatique ne doit pas être un exercice isolé, mais doit entrer dans la planification nationale », avertissait, en juillet 2009, Moise Jean Pierre, Point focal (pour Haïti) de la convention cadre de l’Organisation des Nations Unies (Onu) sur les changements climatiques (Cconucc).
Des stratégies d’adaptation et de mitigation des effets, le renforcement des collectivités territoriales, la sensibilisation du public, des activités de reforestation, des plaidoyers nationaux figuraient parmi un ensemble de suggestions - formulées par les participantes et participants à un atelier national, les 13 et 14 juillet 2009, sous les auspices de l’organisation non gouvernementale Christian Aid - pour affronter le phénomène des changements climatiques. [kft rc apr 3/12/2009 9:50]