P-au-P, 5 nov. 09 [AlterPresse] --- Haïti et la communauté internationale attendent le profil du nouveau gouvernement que devrait diriger le ministre sortant de la planification et de la coopération externe, Jean Max Bellerive, désigné Premier ministre le 30 octobre 2009, quelques heures après la motion de censure du sénat contre la première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis, suivant les informations dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Les tractations sont en cours pour le choix des nouveaux ministres, qui devraient être officiellement connus vers la mi-novembre 2009, au terme de la décision des deux chambres (sénat et chambre des députés) sur le choix fait par le président René Garcia Préval.
Des ministres, déclarés proches de Michèle Duvivier Pierre-Louis, ne feront pas partie du futur cabinet, tandis que des conseillers de la présidence seront appelés à la tête de différents ministères, selon les informations circulant dans les milieux politiques de la capitale.
Mardi 3 novembre, le sénat a formé une commission spéciale de 5 membres [Laurent Féquière Mathurin / Sud-Est / et Céméphise Gilles / Nord / de Lespwa, Mélius Hyppolite / Nord-Ouest / de l’Organisation du Peuple en Lutte / Opl, Fritz Carlos Lebon / Sud / Union et Willy Jean-Baptiste / Artibonite / Ayiti an Aksyon] devant étudier les pièces soumises, le 4 novembre respectivement au sénat et à la chambre des députés, par le premier ministre désigné, qui était, depuis 2006, à la tête du ministère de la planification sous les gouvernements successifs de Jacques Edouard Alexis et de Michèle Duvivier Pierre-Louis.
Contrairement à ce qu’avaient affirmé certains sénateurs du regroupement au pouvoir « Lespwa » (Espoir), arguant de leur indépendance par rapport aux vues de la communauté internationale, le choix de Jean Max Bellerive, - dont le nom a été cité comme possible chef de gouvernement en avril 2008 (après la destitution de Jacques Edouard Alexis par le sénat) – semblerait être une tentative de rassurer les bailleurs de fonds et pays dits amis d’Haïti quant aux engagements du gouvernement du 5 septembre 2008.
L’échec (s’il y en a), attribué à Michèle Duvivier Pierre-Louis par les sénateurs de Lespwa, serait aussi celui du ministre sortant de la planification et de la coopération externe qui « planifiait » les interventions globales du gouvernement destitué, soutient un député membre de l’ancienne concertation des parlementaires progressistes (Cpp devenue concertation pour la paix et le progrès), indiquant ne rien comprendre « ni de l’interpellation » du jeudi 29 octobre, « ni de la désignation de la personnalité » pour devenir premier ministre, faite le 30 octobre par la présidence d’Haïti, à seulement quelques heures de la motion de censure contre la cheffe sortante de gouvernement.
Depuis 2 semaines, l’administration publique se trouve dans l’expectative des nouvelles décisions politiques…
Quelles orientations prendra le nouveau gouvernement ? Quelles différences de vision existera-t-il entre le nouveau et l’ancien gouvernement, ce dernier accusé par les sénateurs de « Lespwa » de n’avoir eu aucune politique économique et sociale, ni industrielle et commerciale ? Quelle démarcation entre le clientélisme politique et les intérêts fondamentaux de la population ?
Depuis quand les violons ne se seraient-ils pas accordés entre René Garcia Préval et Michèle Duvivier Pierre-Louis ? Y a-t-il des dossiers, comme ceux de la justice (parquet du tribunal civil de Port-au-Prince, Amaral Duclona et autres), de la gestion des fonds publics, ignorés par le grand public, qui auraient provoqué une disgrâce et une rupture entre « des amis » de longue date » qui s’étaient fait des concessions en septembre 2008 ?
Quel est le niveau actuel d’insécurité, sous-entendu dans le réquisitoire des sénateurs de Lespwa, qui pointent indirectement du doigt la qualité des efforts de la police nationale d’Haïti (Pnh), y compris de la justice (de la police judiciaire) dans la recherche des bandits et autres délinquants ?
Quid de la situation alimentaire à l’échelle nationale ?
Pourquoi, à date, les membres du conseil supérieur de la magistrature (choisis par différents secteurs, y compris des organismes de promotion et de défense de droits humains) n’ont pas encore pris fonction ? Quelles vérités se cachent derrière le renvoi de Michèle Duvivier Pierre-Louis, à qui est reproché un péché de communication publique durant son passage comme cheffe de gouvernement ?
La politique a ses raisons que la raison ignore, aiment à rappeler des observateurs
Toutes ces questions et d’autres murmures sont à l’ordre du jour, quelques mois avant la tenue des élections municipales et de celles pour le renouvellement de la chambre des députés et d’un tiers du sénat.
Dans la perspective de l’organisation des élections de 2010, des demandes affluent auprès du sénat pour l’obtention de décharges sur la gestion faite par d’anciens fonctionnaires apparemment probables candidats aux compétitions de 2010.
Divers secteurs flairent la mise en place, par la présidence, d’un éventuel projet anti-démocratique au bénéfice d’un parti unique qui reposerait sa politique sur une majorité de parlementaires totalement acquis à sa cause.
Depuis plusieurs mois, la présidence a l’initiative dans plusieurs dossiers : projet d’amendement de la Constitution, objections retenues sur le niveau d’augmentation du salaire minimum journalier (préalablement voté par les deux chambres), création d’un nouvel organisme électoral, structure de relations directes avec le ministère de la justice, perspectives de mise en place d’une secrétairerie d’Etat chargée de relations avec les parquets de la république, et récemment les discussions avec des secteurs vitaux en vue de la constitution d’un possible nouveau regroupement politique.
Dans une quête de « stabilité », comme évoqué le 17 octobre 2009 à l’occasion du 203 e anniversaire de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines (un des fondateurs de la nation haïtienne), le projet d’un nouveau regroupement politique a été publiquement annoncé par Préval au cours d’une rencontre, il y a quelques semaines, avec des représentants de 570 conseils d’administration de sections communales du pays, rapporte la presse nationale.
Entre-temps, des interrogations pèsent sur une nouvelle « formule » adoptée par les sénateurs de Lespwa, qui paraissent désormais tenir séance en dehors de leur assemblée formelle, où ils viennent aujourd’hui « voter seulement » sans débat, selon les consignes reçues.
Seulement quelques heures après le vote de censure contre Michèle Pierre-Louis, la présidence a rendu public le nom du premier ministre désigné. Ce qui confirme les informations diffusées sur Internet, depuis quelques semaines, sur la recherche de futurs ministres pour un prochain gouvernement.
Les manœuvres politiques ont eu lieu, pendant que la cheffe de gouvernement se trouvait en Suède pour participer à des échanges sur le changement climatique.
D’aucuns se demandent dans quelle mesure l’audit croisé de la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca), de l’inspection des finances et d’une entreprise indépendante, sollicité par la première ministre destituée, sur le fonds d’urgence de 197 millions de dollars américains (US $ 1.00 = 42.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes) pourra être réalisé, au cours de la période de liquidation des affaires courantes gouvernementales (du 30 octobre 2009 au...).
Il serait préférable de disposer d’un nouveau gouvernement avant le 18 novembre 2009 (ndlr : qui marquera le 206 e anniversaire de la bataille de Vertières contre les colons français, l’une des dernières luttes livrées sur le terrain contre les troupes de Rochambeau avant la proclamation de l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804), souhaite le président du sénat et membre de Lespwa, Kély Clédor Bastien.
Quoi qu’il en soit, la population nationale, qui demeure partagée sur les nouveaux développements de la conjoncture, observe à distance les remous politiques des derniers jours en vue de déterminer les éventuels impacts dans la vie quotidienne. [rc apr 05/11/2009 9 :00]