P-au-P, 30 oct. 09 [AlterPresse] --- Après un huis clos, consécutif à une séance marathon d’environ 10 heures d’horloge, les sénateurs et alliés du regroupement « Lespwa » (Espoir) ont voté vers 0 :30 locale (5 :30 gmt), ce vendredi 30 octobre 2009, une résolution « historique » de censure contre la première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis et l’ensemble de son gouvernement (elle ainsi que ses ministres étaient absents au sénat), a observé la presse nationale, dont l’agence en ligne AlterPresse.
Comme annoncé depuis quelques jours, les partenaires politiques du président René Garcia Préval décident de renvoyer l´équipe de Michèle Duvivier Pierre-Louis sous prétexte d’ « une situation d’insécurité grave et d’une réalité dramatique de la faim » qui frapperaient le pays.
C’est le sénateur du Sud-Est, Joseph Lambert, qui a présenté une proposition de censure en 3 articles, votée par 18 de ses collègues (et 1 abstention / Jean William Jeanty du parti Konba, Nippes, Sud-Ouest), dans laquelle il est fait mention de l’absence de la première ministre à la séance d’interpellation.
En début de séance, dans l’après-midi du 29 octobre, le même Lambert a lu un réquisitoire d’accusation, mettant en question la politique globale du gouvernement du 5 septembre 2008 aux niveaux économique, social, industriel…
Environ 6 sénateurs, qui désapprouvaient le plan de ces 18 sénateurs, n’ont ni assisté ni pris part au vote de censure.
Ces sénateurs n’ont pas eu gain de cause en évoquant l’article 107 de la Constitution du 29 mars 1987 en vigueur, selon lequel le corps législatif, lors des sessions extraordinaires, ne peut pas siéger sur des points autres que ceux figurant dans le menu soumis par l’Exécutif. Leurs arguments sur l’inopportunité de la séance d’interpellation de la première ministre Pierre-Louis n’ont pas, non plus, ébranlé la position des 18 autres sénateurs qui prévoyaient de destituer le gouvernement.
Le sénat fonctionne en permanence et peut, en conséquence, décider « souverainement » d’interpeller tout membre du gouvernement, ont argué quelques-uns des 18 sénateurs en faveur de la motion de censure, et dont beaucoup n’ont pipé mot pendant le débat soutenu par les autres sénateurs.
Visiblement, comme appréhendé par plusieurs secteurs, le vote de censure était déjà prévu par les 18 sénateurs « voteurs » qui n’avaient d’autre but que destituer le gouvernement. D’ailleurs, la première ministre destituée aurait été en désaccord avec le président Préval, suivant l’analyse faite, pendant le débat, par le sénateur Jean Maxime Roumer (« Lespwa » Grande Anse, Sud-Ouest d’Haïti).
Pendant le débat, entre sénateurs « pour et contre » la motion de censure, les téléphones cellulaires de plusieurs sénateurs n’ont pas cessé de grésiller.
Peu avant 0 :00 heure locale ce 30 octobre, Joseph Lambert, apparemment pressé, s’est substitué au président du sénat en déclarant qu’un vote de 17 sénateurs en faveur de la censure venait d’être acquis.
En fait, Kelly Clédor Bastien, qui a perdu le contrôle en maintes occasions pendant la séance, venait de demander à l’assemblée des sénateurs de se prononcer sur l’opportunité ou non de continuer la séance. Les 9 sénateurs, défavorables à la position « jusqu’auboutiste » de leurs 18 autres collègues, insistaient pour déclarer « inconstitutionnelle et illégale » la tenue de la séance sur l’interpellation, au regard de l’article 107 de la Constitution.
Finalement, après un huis clos sollicité par 5 sénateurs, leurs 18 autres collègues ont passé outre à leurs arguments et ont expédié, vers 0 :30 locale, la proposition de motion de censure qui n’a fait l’objet d’aucune discussion formelle. Tout s’est alors déroulé très vite, et le président du sénat, Kelly Clédor Bastien (également membre du regroupement « Lespwa ») a mis fin à la séance, en promettant de faire un suivi auprès de Préval pour le choix d’un nouveau premier ministre, dont la désignation aura lieu après consultation avec les présidents du sénat et de la chambre des députés.
Selon la motion de censure, votée dans les premières minutes du 30 octobre, mais portant la date du 29 octobre, Michèle Duvivier Pierre-Louis est considérée comme démissionnaire.
Il reste à savoir combien de temps durera la liquidation des affaires courantes d’Haïti par l’équipe ainsi destituée, pratiquement en l’absence de Pierre-Louis et de ses ministres, et sans aucun débat de fond ni sur la politique générale ni sur les faits et actes du gouvernement du 5 septembre 2008.
Personne ne sait quel délai mettra le président René Préval pour choisir un nouveau premier ministre et convoquer, à nouveau, le corps législatif à l’extraordinaire (la chambre des députés étant en vacances) pour émettre, en chambres séparées, un avis d’abord sur la personnalité désignée, ensuite sur son programme de gouvernement.
L’évolution de la situation globale, durant les jours à venir, permettra de se fixer sur les conséquences politiques du vote de censure du vendredi 30 octobre 2009, que des observateurs assimilent aux enjeux électoraux de 2010. [rc apr 30/10/2009 0 :45]