P-au-P, 15 oct. 09 [AlterPresse] --- Au moment où les secteurs concernés font miroiter des perspectives d’investissements étrangers en Haïti pour les mois à venir, la question se pose de savoir dans quelles conditions l’augmentation d’emplois souhaités sera obtenue sur le territoire national.
C’est dans ce contexte que le Bureau international du travail (Bit) compte investiguer, en novembre 2009, sur les conditions de travail dans la branche textile, laquelle intéresserait de nombreux entrepreneurs étrangers et serait potentiellement pourvoyeuse d’emplois massifs dans la république caribéenne.
Dans une entrevue à l’agence en ligne AlterPresse, le directeur général de la Société nationale des parcs industriels (Sonapi), Jean Kesner Delmas, affirme accueillir favorablement l’annonce de la visite prochaine d’une délégation du Bit en Haïti, qui viendra évaluer les conditions de travail (application des normes internationales, comme l’organisation syndicale, l’hygiène, l’environnement de production, les questions de cafeteria et de transport, etc.) dans la sous-traitance.
Le directeur général de la Sonapi, dont les bureaux administratifs sont établis dans l’aire du parc métropolitain de Port-au-Prince (non loin de l’aéroport international) précise ne pas avoir encore été contacté par le Bit, mais trouve approprié qu’une délégation vienne évaluer les conditions de travail des ouvrières et ouvriers.
« C’est bien que le pays reçoive une telle visite. Je n’ai pas le mandat du Bit, mais je veux croire que ces gens œuvrent pour le bien des travailleurs. » dit-il.
Le Bit entreprendra cette investigation, un mois après la réunion d’affaires organisée (les 1er et 2 octobre 2009) par la banque interaméricaine de développement (Bid). Les opportunités offertes par la branche textile ont, alors, soulevé l’intérêt de plusieurs investisseurs étrangers.
La branche textile générerait 25 000 emplois l’an en Haïti, suivant les chiffres de la Bid.
Pour ce début d’octobre 2009, le nombre de travailleuses et travailleurs aurait augmenté dans les usines du parc industriel métropolitain de Port-au-Prince, passant de 12 000 à 14 000, révèle Jean Kesner Delmas à AlterPresse.
De plus, sur 50 bâtiments, environ 37 sont actuellement occupés dans l’aire du parc par des entreprises d’habillement ou liées à cette branche d’activité.
Plus d’ouvrières et d’ouvriers exigeraient plus d’heures de travail.
Certaines usines d’assemblage dans la capitale seraient contraintes de travailler, la nuit, pour répondre aux délais exigés par leurs commanditaires, signale le directeur de la Sonapi.
La loi haïtienne actuelle (articles 120, 121 et 122 du code du travail en vigueur) garantit les droits de celles et ceux qui travaillent la nuit, avec une obligation de verser une rémunération (article 103) allant jusqu’à 50% de celle fournie aux travailleuses et travailleurs de jour.
Cependant, une récente demande d’amendement très controversée, soumise par le sénateur Jean Hector Anacasis, risquerait de tout changer en ce sens, en proposant une réduction du tarif pratiqué la nuit, laquelle ravirait des droits acquis par ouvrières et ouvriers, contrairement aux termes de l’actuel code du travail
La plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) juge inacceptable la proposition du sénateur Anacacis, “dans la mesure où elle rentre dans une logique de tout sacrifier pour attirer des investissements étrangers”, dénonçait, le 12 octobre 2009, Camille Chalmers, secrétaire exécutif de la Papda.
La proposition du sénateur Anacacis recommande d’abroger les articles 102, 103 et 104 du code du travail en vigueur en ce qui concerne la definition du travail de nuit.
Par ailleurs, la loi portant le salaire minimum journalier dans la sous-traitance à 125.00 gourdes (US $ 1.00 = 42.00 gourdes ; 1 euro = 64.00 gourdes aujourd’hui), déjà publiée dans le journal officiel “Le Moniteur” de la république, ferait l’objet d’une application boîteuse.
La direction de la Sonapi avoue à AlterPresse avoir « entendu de petits remous d’ouvrièteres et d’ouvriers réclamant les 125.00 gourdes » à des patrons qui ont, semble-t-il, raté le dénouement de « la lutte » pour un salaire minimum journalier décent.
A plusieurs reprises, en 2009, cette « lutte » a paralysé les activités dans la branche des usines d’assemblage à Port-au-Prince, dont certains dirigeants avaient répondu par des licenciements massifs, indiquaient les ouvrières et ouvriers renvoyés à cette période.
Par la suite, les agents de la police nationale d’Haïti (Pnh) ont été appelés en renfort pour occuper les lieux du parc métropolitain de la capitale, dans l’objectif de rassurer les éventuels investisseurs en maintenant l’ordre dans un espace souvent survolté durant la période considérée.
Quelques mois après, « la reprise s’est faite normalement ». soutient Jean Kesner Delmas.
De l’avis du directeur général de la Sonapi, l’augmentation du nombre d’ouvrières et d’ouvriers, durant les dernières semaines, découlerait de « l’engouement [général] pour investir en Haïti ». [kft rc apr 15/10/2009 0:25]