P-au-P., 15 nov. 03 [AlterPresse] --- Les associations et institutions de la société civile formant le Groupe des 184, ont, lors d’une conférence de presse ce 15 novembre, lancé un mot d’ordre de grève générale pour le lundi 17 novembre, sur tout le territoire haïtien.
Cet appel fait suite à la perturbation violente d’un rassemblement des 184 par des groupes de partisans du président Jean Bertrand Aristide, le 14 novembre au Champ de Mars, place centrale de la capitale.
Les principales associations patronales et chambres de commerce du pays, membres du Groupe des 184, des syndicats de transport public et l’opposition ont donné leur appui à ce mot d’ordre de grève.
A l’instar des 184, ces secteurs ont exclu toute idée de célébrer l’anniversaire de la bataille de Vertières (18 novembre 1803, bataille décisive pour l’indépendance d’Haïti proclamée le 1er janvier 1804) aux côtés du pouvoir lavalas.
« Le pouvoir lavalas s’est allié aux bandits payés pour intimider et agresser des citoyens qui ont essayé d’exercer leurs droits constitutionnels », a déclaré le coordonnateur du Groupe des 184.
Selon André Apaid Junior, Jean Bertrand Aristide est en rébellion contre la nation haïtienne, contre toute forme de normalité, d’institutionnalisation et toute possibilité de moderniser le pays et d’assurer le bien-être du peuple haïtien.
« Jean Bertrand Aristide a fait un choix et il a perdu. Car devant le monde entier, il projette l’image de quelqu’un qui veut imposer aux haïtiens un régime de peur. Nous n’allons pas l’accepter », a martelé le coordonnateur du Groupe des 184.
André Apaid Junior a affirmé que le blocage du rassemblement des 184 a été directement piloté par le Palais National et la Direction Départementale de l’Ouest de la police nationale (DDO).
Le dirigeant des 184 cite à l’appui des informations transmises, a-t-il dit, par radio-communication à la DDO et au Palais National, à partir d’un hélicoptère de la Présidence qui survolait à basse altitude le Champ de Mars.
« Apercevant la foule (des membres et sympathisants des 184) grandir et la quantité de gens convergeant de toutes parts vers le Champ de Mars, les policiers (qui étaient à l’avant scène) ont été invités à se retirer pour faire place aux lanceurs de grenades lacrymogènes qui devaient disperser les deux groupes de manifestants ».
Le coordonnateur des 184 a indiqué s’être résigné à inviter les membres et sympathisants du Groupe des 184 à regagner leur domicile quand il a réalisé que la police, qui est censée protéger les citoyens, était entrée dans le jeu.
Le Groupe des 184 a par ailleurs réclamé la libération immédiate et sans condition de ses membres, dont David Apaid, un neveu de André Apaid Junior et Charles Baker, vice-président de l’Association des Industries d’Haïti (ADIH).
Une trentaine de membres du service d’ordre du rassemblement a été appréhendée par la police, sous l’accusation de possession de matériels de sécurité non autorisés, puis écrouée.
André Apaid Junior considère ces personnes comme des otages du pouvoir lavalas. « Elles sont incarcérées injustement. Même le juge de paix requis n’a retenu aucune charge contre elles », a ajouté Apaid.
Le coordonnateur des 184 a, lors de cette conférence de presse, étalé la panoplie des stratagèmes à laquelle avait recouru la police pour empêcher le cortège du groupe d’atteindre le lieu du rassemblement. Il a cité en exemple les arrêts successifs du remorqueur transportant le stand à partir duquel les organisateurs devaient prendre la parole.
« Quand le remorqueur a contourné un ultime obstacle sur sa route vers le champ de Mars, il est curieusement tombé sur des individus embusqués qui lançaient des pierres en direction de ses occupants. Et curieusement, la police est alors intervenue pour fouiller le véhicule du service d’ordre du rassemblement ».
André Apaid a inscrit également dans le dispositif de nuisance et de dissuasion, sous pilotage du palais national et du directeur départemental de l’ouest de la police, Roudy Berthomieux, le placement de séparateurs en béton dans toutes les entrées du Champ de Mars.
A mettre également dans ce dispositif infernal, selon Apaid, les fouilles au ralenti de véhicules privés sur les artères les plus fréquentées de l’aire métropolitaine pour décourager les citoyens qui projetaient d’aller au rassemblement et les nombreux poids lourds tombés comme par hasard en panne sur diverses voies stratégiques Port-au-Prince.
Le Groupe des 184 note que la police a fait tout le contraire de ce qu’elle avait convenu avec la délégation de la plateforme qui l’avait rencontrée, en vue de garantir le bon déroulement du rassemblement.
A l’occasion du rassemblement du 14 novembre, le Groupe des 184 se proposait de présenter à la population haïtienne un projet de nouveau contrat social et les grandes lignes d’une proposition de sortie de crise, tout en scrutant la possibilité d’une célébration du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti dans l’harmonie.
Cependant, après ce qui s’est passé le 14 novembre, le coordonnateur des 184 se demande s’il ne convient pas plutôt de réétudier cette proposition et d’envisager une réplique appropriée. « Car, comment envisager des élections avec un pouvoir politique qui restreint la liberté minimale des citoyens de s’exprimer ».
Le coordonnateur des 184 a salué le courage des citoyens de toutes catégories sociales qui ont fait le déplacement au Champ de Mars malgré les entraves et pressions multiples. Le Groupe des 184 a également nourri une pensée spéciale pour les citoyens blessés et arrêtés.
Selon André Apaid, à l’instar du 12 juillet, le 14 novembre est une « grande réussite » et une contribution importante dans la lutte devant déboucher sur ce « qu’on recherche pour le pays ».
Le 12 juillet 2003, des partisans du président Jean Bertrand Aristide avaient interrompu brutalement un rassemblement du Groupe des 184 à Cité Soleil, le plus grand bidonville de Port-au-Prince, faisant plus d’une quarantaine de blessés dont plusieurs journalistes.
Le coordonnateur du Groupe des 184 a déjà fait l’objet de plusieurs convocations de la « justice » en relation avec ces incidents. Ses avocats et des organismes haïtiens de droits humains perçoivent les convocations répétées de l’industriel par la « justice » comme une tentative du régime lavalas de faire passer les victimes pour les bourreaux.
Dans la soirée du 14 novembre le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) a rencontré la presse très tard dans la soirée pour présenter son propre bilan de la journée et s’est félicité du travail réalisé par la police. Le ministre de l’intérieur Jocelerme Privert a noté un « haut niveau de professionnalisme ».
Le directeur départemental de l’ouest de la police, Roudy Berthomieux, a fait savoir que 41 personnes ont été arrêtées, dont une dizaine a été libérée. [vs apr 15/11/2003 21:30]