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Test de mobilisation réussi, mais avec des casses à Port-au-Prince

P-au-P., 14 nov. 03 [AlterPresse]--- Le groupe des 184 organisations et associations de la société civile a réussi, non sans casses, à mobiliser une bonne partie de la population de la capitale pendant la matinée du vendredi 14 novembre 2003, dans un mouvement de contestation du mode de gestion mis en œuvre par le régime lavalas au pouvoir en Haïti.

Malgré les appréhensions, les tentatives de coups d’arrêt et d’intimidation orchestrés par le pouvoir en place tout au long de la semaine précédant la date du rassemblement, ils étaient des milliers à oser braver les menaces des partisans du régime pour se rendre dans l’aire du Champ de Mars, la principale place publique de Port-au-Prince, située à proximité du Palais présidentiel, ont pu constater les reporters d’AlterPresse.

Cependant, en début d’après-midi du vendredi 14 novembre 2003, face à la tournure que prenaient les événements, le groupe des 184 organisations et associations de la société civile a décidé de suspendre le mouvement de protestation qu’il avait prévu d’organiser au centre politique principal de la capitale, où se retrouvent les bureaux de la présidence et de la plupart des ministères et organismes para étatiques de l’administration publique haïtienne.

En réalité, au vu de l’ambiance qui régnait dans les différentes artères, l’institution policière, qui avait promis de garantir l’ordre et la sécurité durant la journée du rassemblement, paraissait ne pas vouloir assumer totalement les garanties données préalablement aux organisateurs du rassemblement dans des réunions conjointes tenues la veille. En face, une foule de plus en plus grandissante de personnes étaient visiblement déterminés à aller exprimer leurs sentiments contre le régime en place qu’elles ont qualifié de « barbare, sanguinaire et encourageant l’impunité et la corruption ».

Dans une déclaration faite à la presse à 13:00 (heure locale), André Apaid et Jude Charles Faustin, deux des chefs de file des 184 organisations et associations, ont appelé leurs militants à rentrer chez eux pour éviter d’éventuels affrontements avec des partisans lavalas qui avaient commencé à lancer des pierres sur eux.

A l’approche de l’heure prévue pour le rassemblement au Champ de Mars, en début d’après-midi, la foule de manifestants antigouvernementaux grossissait au fur et à mesure, une foule estimée à plus de 15 mille personnes, selon les organisateurs du rassemblement.

« Nous estimons qu’il s’agit d’un succès manifeste la réponse apportée par les citoyennes et citoyens qui se sont rendus en foule au Champ de Mars. Malheureusement, la police a tiré en l’air et lancé des gaz lacrymogènes sur celles et ceux qui allaient s’exprimer dans le rassemblement », a déploré André Apaid.

Les responsables du groupe des 184 organisations et associations pourraient faire un point plus exhaustif de ce qui s’est passé pendant la matinée du vendredi 14 novembre 2003 à Port-au-Prince, au cours d’une conférence de presse.

Un nombre indéterminé de blessés a été enregistré parmi les manifestants anti-gouvernementaux, selon différents rapports de presse parvenus à AlterPresse.

Une trentaine de membres du Groupe 184, dont deux dirigeants, Charles Baker et David Apaid, faisant partie du service d’ordre du rassemblement, ont été appréhendés dans l’aire du Champ de Mars par des policiers, sous l’accusation d’avoir été en possession d’une série de matériels jugés « irréguliers ». Les personnes appréhendées ont été emmenées au commissariat de Port-au-Prince et n’ont pu être vues par leur avocat, Me Gervais Charles.

En début d’après-midi, des journalistes avaient constaté la présence de policiers étendus à même le sol qui ouvraient le feu. Mais, il n’était pas possible de savoir dans quelle direction les projectiles étaient lancés.

Par ailleurs, les pare-brises de nombreux véhicules ont été cassés par des jets de pierre, ont constaté les journalistes.

Un certain nombre de manifestants qui voulaient regagner leurs maisons étaient pris dans une sorte d’ « étau » mis en place par des partisans lavalas qui lançaient des pierres et attaquaient à vue d’œil les militants de diverses structures associatives, personnalités de plusieurs secteurs et membres de l’opposition.

A la suite de la décision des organisateurs du rassemblement de suspendre leur mouvement, la Police avait commencé, à inviter les manifestants à vider les lieux de l’aire du Champ de Mars. Cette tentative d’évacuation paraissait se heurter au refus de plusieurs manifestants, pour qui l’objectif recherché avec le rassemblement n’a pas été satisfait.

Force est de signaler que le rassemblement, annoncé par le groupe des 184 organisations et associations de la société civile, n’a pas pu avoir lieu à cause de différentes difficultés : tentative de la Police d’empêcher un cortège du groupe des 184 d’atteindre l’aire du Champ de Mars ; barrages de police procédant à la perquisition de véhicules, particulièrement privés, dans les principales artères donnant accès au Champ de Mars.

Très tôt dans la matinée, les autorités policières ont procédé à un contrôle quasi-systématique des papiers des véhicules, particulièrement privés, qui circulaient dans les principales artères de la capitale. Plusieurs policiers, qui effectuaient les perquisitions de véhicules, arboraient un visage tendu, tandis que certains d’entre eux avaient leurs doigts rivés sur la gâchette des armes en leur possession.

Vers la fin de la matinée du 14 novembre, beaucoup d’entreprises avaient commencé à baisser leurs rideaux pour permettre à leurs employés de se rendre, s’ils le veulent, à la manifestation du jour.

A rappeler que la plupart des citoyennes et citoyens se sont montrés très déterminés à exprimer aujourd’hui leurs sentiments de ras-le-bol face au mode de gestion actuelle de la République d’Haïti, dans le cadre du rassemblement lancé pour ce vendredi 14 novembre 2003 par le groupe de 184 organisations et associations de la société civile, suivant les déclarations faites à AlterPresse.

D’autre part, une nouvelle manifestation d’opposants au pouvoir s’est déroulée dans la matinée du 14 novembre 2003 aux Gonaïves, la cité de l’Indépendance, à 171 kilomètres au nord de Port-au-Prince, théâtre d’incidents le 13 novembre, au cours desquels une écolière a été abattue par la police, selon des témoins qui participaient à un autre mouvement de protestation. [rc apr 14-11-03 14 :00 pm]