(Première partie)
Débat
Par Leslie Péan
Soumis à AlterPresse le 26 septembre 2009
Le dialogue de sourds tenant lieu de débats à la suite de la rencontre haïtienne qui a eu lieu à Santo Domingo en Août dernier pourrait donner raison aux racistes des forces d’occupation américaine de 1915 qui avaient propagé l’idée que les Haïtiens sont comparables à des enfants pathétiques. [1] Plus de 250 pages de débats sur la toile depuis un mois sont éloquents de ce dialogue de sourds où les internautes se renvoient la balle sans arriver à un accord ou un désaccord constructif. Notre intervention est un appel pour une mise à distance dans l’intention de jeter les bases d’un dialogue raisonnable en évitant de s’engouffrer dans l’entonnoir de la division. Ce dialogue de sourds achoppe sur la réalité, le sens de la réalité et la construction du sens de la réalité. Tout en apportant des précisions sur les questions d’intendance (le lieu de la rencontre et les invités), notre intervention se propose d’aller à l’essentiel en traitant des appels au protectorat international sous direction dominicaine et des rapports haitiano-dominicains dans le cadre du triomphe de l’anarcho-populisme en Haïti.
La rencontre de Santo Domingo est symbolique en ce sens qu’elle s’inscrit dans une problématique incontournable de l’esprit où Haïti et la République Dominicaine cessent d’être perçus comme contradictoires. L’objectif a été atteint de réaliser un grand rassemblement de courants politiques différents, de personnalités de droite, du centre et de gauche, d’Haïti comme de la diaspora, mus par la conscience que la force du statu quo national et international réside uniquement dans nos divisions. Après la réunion de la diaspora à Miami, suite à celles de Février et d’Avril 2009, respectivement à Ottawa et à Chicago, et la rencontre de Juillet 2009 au Karibe Convention Center en Haïti, une nouvelle étape a été franchie.
La réalité
L’état de mal maintenu en Haïti par les gouvernements Haïtiens successifs conduit des milliers de compatriotes à émigrer. Même les rescapés du massacre de 1937 sont retournés vivre en République Dominicaine à leurs risques et périls. Le discours raciste anti-haïtien élevé au rang d’idéologie d’Etat sous le gouvernement de Trujillo n’empêchait nullement le dictateur dominicain d’apprendre de ce qui était positif en Haïti et de faire appel aux conseils d’Haïtiens cultivés. Par exemple, le président Trujillo s’inspirât de la loi de l’impôt sur le revenu en Haïti en 1947 ou encore fit appel à l’expertise du Dr. Jean Price Mars la même année afin d’assister le Recteur de l’Université dominicaine dans le cadre de la création du département d’ethnologie de l’université de Santo Domingo. [2] Ceci n’empêche pas des plus hautes autorités un discours anti-haïtien pour une certaine consommation publique. On le voit avec Joaquim Balaguer, président dominicain, qui écrira en 1983 « Mais Haïti continue à être un danger presque incommensurable pour notre peuple. La pénétration clandestine à travers les frontières terrestres menace par sa désintégration des valeurs morales et éthiques, la famille dominicaine. » [3]
On ne peut pas mettre de côté cet anti-haitianisme à géométrie variable, mais il n’est pas question d’en faire l’objectif principal du combat actuel. Car, à moins de refuser la logique élémentaire, c’est bien aux causes qu’il faut s’attaquer et non pas aux conséquences. Les premiers artisans de l’anti-haitianisme, sans le savoir, sont les gouvernements haïtiens. Ce sont eux qui causent la fuite des Haïtiens de leur pays. Nos gouvernements entretiennent un anti-haitianisme massif et structurel qui continue de fonctionner dans un type de discours et de pratiques gouvernementales par-delà les individus qui occupent les fonctions de président ou de parlementaires. Le discours de l’opposition est souvent une demi-critique car elle partage trop de postulats avec ce qu’elle combat, parce qu’elle est prisonnière de ce qu’elle dénonce. C’est ce qui explique que l’opposition une fois au pouvoir reconduit les pratiques qu’elle dénonçait quand elle était dans l’opposition.
Les oligarchies haïtiennes et dominicaines se sont toujours entendues pour exploiter les peuples des deux Etats. Nous en avons longuement discuté tant dans le journal Le Monde Diplomatique que dans plusieurs ouvrages. [4] Malgré les rapatriements des Haïtiens illégaux documentés par le GARR [5] de 2003 à 2008, les trafiquants des deux pays continuent leurs opérations sans interruption. Selon José Serulle Ramia, alors ambassadeur dominicain en Haïti, au cours de la décennie 1998-2008, une dizaine d’hommes d’affaires haïtiens ont investi plus d’un milliard de dollars américains en République Dominicaine tandis que 20,000 étudiants haïtiens fréquentent les universités dominicaines. [6] A titre de comparaison, à la même époque il y avait 13,000 étudiants à l’Université d’Etat d’Haïti. Le soleil se lève à l’Est ! Seulement un cinquième des 15,000 bacheliers, soit 3,000 étudiants, trouve une place à l’Université d’Etat d’Haïti.
Le tourisme haïtien au pays voisin n’est pas négligeable. Certaines périodes de l’année comme la fête de La Toussaint, on assiste à la cohue des touristes haïtiens qui dépensent le pactole de trois millions de dollars américains pour une fin de semaine. [7] De manière générale, les masses haïtiennes continuent de chercher le soleil avec leurs propres moyens. Dans les bateyes, dans l’agriculture vivrière, dans l’industrie de la construction, à l’Est de l’ile, là où le soleil se lève. Le commerce formel entre les deux pays en 2008 est de $631 million avec un solde positif pour la République Dominicaine de $507 millions. [8] Les transferts monétaires annuels de la diaspora haïtienne en République Dominicaine sont estimés entre 300 et 400 millions de dollars américains. [9]
Le développement des rapports haitiano-dominicains a eu lieu à un moment où en Haiti la politique de kidnapping individuel des gangs cajolés aujourd’hui pour être moins dérangeants, s’ajoute au hold-up légal du pays entier qui est bradé en échange du maintien au pouvoir de l’équipe actuelle. Le processus historique de criminalisation de l’Etat, processus analysé par Jean Price Mars dans une correspondance au Président Estimé, [10] en date du 1er février 1949, devient systémique aujourd’hui avec l’intégration des membres de gangs de Grand Ravine, Cité Soleil et autres bidonvilles dans les démembrements de l’État, à la Chambre des Députés, au Sénat et au Palais national. Ces gangs sont devenus des rouages de l’État marron.
La gangstérisation de l’État marron a atteint un si haut niveau dramatique que la sécurité des vies et des biens n’existe plus. La MINUSTAH en tant que force d’interposition entre les tenants de l’État marron et leurs gangsters ne résout rien. Même quand les cellules armées de ces gangsters sont dormantes, l’insécurité continue de régner partout. Le pays sombre et continue sa chute vertigineuse. Les raisons de cette dégringolade sont multiples. Arrêtons-nous aux trois plus importantes. D’abord, le Parlement haïtien qui fait les lois ne s’est pas opposé à la présence de la MINUSTAH. Ensuite, sauf exception de certains qui crient dans le désert, les partis politiques en particulier n’ont pas appelé au départ des forces armées étrangères. Enfin, la classe politique en général se soucie peu de la forme subtile que prend l’annexion d’Haïti en se disant qu’il sera trop couteux pour les Blancs qui ne sont pas près à dépenser des centaines de milliards de dollars pour faire d’Haïti un protectorat.
En réalité, les Haïtiens des camps en présence ne sont pas plus ou moins patriotiques. Mais pour des raisons de pouvoir, ils font alliance avec les troupes de la MINUSTAH. Qui pour se protéger des gangs déchainés. Qui pour garder le pouvoir au Palais national. Qui pour faire des gros sous. Le problème toutefois est que la communauté internationale qui a installé Préval à travers des élections frauduleuses ne lui fait pas confiance et débourse peu pour ne pas être trop éclaboussée par les scandales. La cause est entendue. La gestion opaque des finances publiques, l’affaire des fonds de l’Office National d’Assurance (ONA), la question de la drogue de Port-de-Paix, les bus achetés avec appels d’offres truqués, etc. indiquent qu’il ne s’agit pas de simples dérapages. L’utilisation des 197 millions de dollars de Petrocaribe est une véritable dilapidation. Le gouvernement s’est contenté de produire des photos d’ouvrages réalisés sans indiquer les coûts de ces ouvrages, les méthodes de passation de marchés, les prix unitaires au mètre linéaire, au mètre carré, au mètre cube et les pièces justificatives, etc. Il n’y a aucun souci d’efficience et d’efficacité dans la gestion des finances publiques. Les dés sont pipés. La communauté internationale envisage donc une reprise globale d’Haïti à travers l’opération Bill Clinton. Une affaire qui risque de devenir un détonateur dans la poudrière haïtienne.
Le sens de la réalité
Les élites haïtiennes ont fait du pouvoir politique la seule denrée produite en Haïti au point où tout le monde veut être président, sénateur, député, etc. afin de pouvoir plonger sa cuillère dans la mangeoire d’Etat. Après la bourgeoisie et les classes moyennes, c’est au tour du lumpenprolétariat de prendre sa part du gâteau. Chaque décennie charrie sa couche de prédateurs qui s’ajoute aux couches sédimentaires antérieures. L’État marron demande aux bailleurs de fonds de financer le brigandage qu’ils ont eux-mêmes tolérés et appuyés, sous prétexte de lutte anti-communiste, au cours des cinquante dernières années. Après avoir créé cette entité chaotique ingouvernable, la communauté internationale est aux abois et demande en 2005 à la République Dominicaine d’assumer la tutelle de l’ile entière.
Les journaux dominicains Hoy et El Nacional des 13 et 14 Avril 2005 ont largement fait état de l’atelier de travail organisé et financé par le gouvernement de la Norvège à Santo Domingo au cours duquel le sociologue dominicain Frank Marino Hernandez a expliqué à une centaine de participants venus de plusieurs pays dont Haïti, qu’étant donné la faillite de l’Etat haïtien, il était impératif d’envisager un protectorat pour Haïti dirigé par la République Dominicaine afin d’assurer sa croissance et son développement. A cette époque, le bruit des bottes dominicaines suscitera la vive réaction de Edwin Paraison, consul haïtien en République Dominicaine, présent à cette réunion, qui déclara « Une mise sous tutelle d’Haïti serait dangereuse pour la République Dominicaine » [11]. Le plan de protectorat pour Haïti sera à nouveau proposé par Carlos Morales Troncoso, chancelier dominicain, à la Conférence de Madrid en décembre 2006 à laquelle assistait Jacques Edouard Alexis, le premier ministre haïtien. [12] Ce dernier présenta des protestations qui tombèrent dans de sourdes oreilles.
Le 22 octobre 2008, le journaliste dominicain Salvador Saneaux dans le périodique Listin Diario revenait avec l’idée d’un protectorat pour Haïti pour une période d’au moins dix ans. Le journaliste dominicain disait qu’il était tard, mais pas trop tard, pour négocier avec le gouvernement actuel de Préval un tel protectorat international afin de pouvoir procéder à une restructuration économique, politique, environnementale et institutionnelle d’Haïti. Salvador Saneaux proposait un Plan Marshall pour Haïti dans lequel un million d’Haïtiens pourraient émigrer dans soixante pays, soit près de seize mille par pays, afin de créer des opportunités d’emploi pour des jeunes qui autrement sont condamnés au chômage. [13]
Le cheminement de l’idée d’un protectorat pour Haïti prendra un nouveau tournant avec la décision du président Préval de grimper au sommet de la magouille sans scrupules. Dans l’analyse minutieuse présentée par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) [14], les principales pièces à conviction sont les suivantes :
1) La non-tenue des élections législatives pour le renouvellement du tiers du Sénat en novembre 2007. Ce refus du respect du temps et des échéances électorales est au centre du dispositif de la corruption étatique prévalienne.
2) La publication de l’arrêté présidentiel du 18 janvier 2008 redéfinissant les Règlements Généraux pour le fonctionnement du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Les attributions de la Direction Générale du CEP sont redéfinies, dans la section 2, articles 23 à 28.
3) N’ayant plus l’indépendance nécessaire pour travailler, Jacques BERNARD, Directeur Général du CEP est contraint de démissionner le 24 janvier 2008.
4) Le Pouvoir Exécutif rédige le projet de loi électorale et le donne au CEP avant de le soumettre au Parlement. Le CEP est juge et partie et est au-dessus des lois. Il n’y a pas d’Etat de droit pour Préval. La loi change suivant les désirs du Président Préval consignés dans les Arrêtés présidentiels.
5) Aucune des propositions faites par les différents secteurs politiques n’est retenue. C’est surtout le cas avec la proposition d’incorporation dans la loi électorale de l’organisation des élections indirectes pour la mise en place des collectivités territoriales devant aboutir à la formation du Conseil Electoral Permanent. Cela fait vingt (20) ans que tous les gouvernements refusent d’organiser ce Conseil Electoral Permanent.
6) Au lieu d’observer le principe antérieur demandant aux différents secteurs composant le Conseil Electoral Provisoire (CEP) de communiquer les noms de leurs représentants au pouvoir exécutif afin de former le CEP, le président Préval “a exigé de chaque secteur la désignation d’au moins deux (2) membres desquels il choisit le représentant du secteur”.
7) L’élimination arbitraire des candidats de certains partis politiques et la fraude massive enregistrée lors du scrutin du 19 Avril 2009 dénoncée par Rodol Pierre, le vice-président du CEP.
Pour contrôler une majorité au Sénat, le président Préval donnera aux autorités dominicaines intéressées à mettre Haïti sous leur protectorat un argument de poids. Les élections sénatoriales partielles frauduleuses d’Avril 2009 consacrent non seulement l’exit de l’espoir d’une autre image d’Haïti, mais aussi la remise en selle du projet de mise sous tutelle de l’État haïtien à cause de l’incapacité de son gouvernement. Le 1er Juin 2009, Juan Tomás Taveras Rodríguez, général dominicain en service, a exprimé clairement ses doutes sur la viabilité de l’Etat haïtien après les résultats des élections sénatoriales partielles pour lesquelles la communauté internationale a dépensé près de 20 millions de dollars américains. Dans son entendement, la faible participation de moins de 8% de l’électorat est la preuve de la faillite de l’Etat marron. [15]
Le trompe l’œil électoral du « relookage » de Préval ne mystifie personne. Même pas les dix-sept (17) partis politiques qu’il croit avoir infantilisés en leur faisant participer à ces élections bidon. La communauté internationale en prend plein la figure et questionne la respectabilité mais aussi l’acceptabilité d’un gouvernement qu’elle considère comme un vieux débris. La communauté internationale est prisonnière du monstre qu’elle a créé et dont elle ne peut pas se débarrasser pour ne pas perdre la face. Pour cette communauté internationale, le peuple haïtien ne doit surtout pas gagner les rues et se révolter contre cet état de choses. Il doit accepter de vivre dans ce que les officiers de la MINUSTAH nomment à voix basse, de retour chez eux, « une situation aberrante » dans un pays qu’ils qualifient d’être « le paradis de la délinquance ». [16]
L’absolutisme présidentiel consacré dans le refus du partage du pouvoir du gouvernement haïtien, sa volonté manifeste d’accepter l’occupation des troupes étrangères de la MINUSTAH a fait renaitre les bruits de bottes pour sous-traiter l’occupation d’Haïti à la République Dominicaine. L’offre de la tutelle dominicaine est faite par les Etats Unis, le Canada et la Communauté Européenne aux dirigeants dominicains. C’est ce contre lequel le député ultra nationaliste Pellegrin Castillo a mis les Haïtiens en garde dans son discours du 30 Août 2009. Il a en effet déclaré :
“La communauté internationale n’a pas une attitude sérieuse, cohérente, ni respectueuse du destin d’Haïti…Alors ils pensent, pourquoi pas, à une solution au niveau de toute l’île….Nous disons non à une telle approche impérialiste, cynique, irresponsable. Et niant le droit d’Haïti (ainsi que de la République dominicaine) à l’auto-détermination et à garder notre propre identité réciproque….Nous Dominicains devons mettre cette approche injuste en évidence et la dénoncer... Nous Dominicains devons cependant dire sans fard aux grands dirigeants de la terre que nous refusons d’accepter le rôle de tutelle à l’endroit d’Haïti… Et qu’ils doivent prendre leurs responsabilités...Nous Dominicains devons crier face aux Etats-Unis, au Canada et à l’Union Européenne qu’il n’y a pas une solution dominicaine aux problèmes d’Haïti.” [17]
La pierre d’achoppement pour Castillo et consorts entre les deux pays est la migration illégale des Haïtiens en République Dominicaine. Une question qui fait couler de l’encre mais surtout beaucoup de sang. Trafiquants et employeurs en profitent pour se faire un pactole tout en présentant les Haïtiens comme des indésirables. Or, en réalité, l’Haïtien est un bouc émissaire que met en avant le nationalisme trujilliste pour orchestrer la violation des Droits Humains. Carlos Dore Cabral, en 1987, en fera la démonstration en indiquant comment le racisme nationaliste de Balaguer est instrumentalisé pour servir de pseudo-justification aux mauvais traitements infligés aux Haïtiens. [18] Ce courage pour affronter à visière levée l’oligarchie conservatrice sous le gouvernement de Balaguer continuera en 1991 avec la levée de boucliers des secteurs progressistes contre le décret de rapatriement 233-91 des Haïtiens. Les rédacteurs de la revue Estudios Sociales monteront alors au créneau pour défendre les Haïtiens au non de l’éthique. [19] Ce fameux décret du 13 juin 1991 qui limitait le rapatriement aux jeunes de moins de 15 ans et aux adultes de plus de 60 ans indique en clair comment dans la pensée conservatrice on extrait le travail de l’Haïtien comme on extrait le jus d’un citron qu’on jette ensuite à la poubelle en Haïti. Ce fameux décret sera abrogé par le décret 560-96 du 31 octobre 1996 signé par le président Leonel Fernandez.
Mais cela ne mettra pas fin aux rapatriements sauvages. En 1997, l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa avait utilisé le titre « Un monde vaste et étrange » du roman de son compatriote péruvien Ciro Alegria, pour attirer l’attention, dans le quotidien espagnol El Pais, sur l’injuste croisade de Manuel Nuñez portant le président Lionel Fernandez à rapatrier les immigrants haïtiens. Le romancier de « La Fête au bouc » avait alors démontré comment, contrairement à ce que disait Manuel Nuñez, les Haïtiens n’étaient pas un facteur de décadence (un ocaso) [20], mais plutôt un élément de croissance, pour la République Dominicaine. Les travaux de Wilfredo Lozano le montrent amplement. [21] Le rapatriement massif des Haïtiens paralysait la production de céréales dans certaines régions du pays comme l’expliquait alors Fernando Rosario, président de l’association des Producteurs privés de Riz du Nord-Ouest dominicain, où 95% des travailleurs agricoles sont haïtiens. [22] Enfin l’écrivain péruvien faisait remarquer l’étrangeté de cette mesure de rapatriement de la part du président Leonel Fernandez qui était un fils de l’immigration dominicaine de New York.
Cette approche inhumaine de l’immigration haïtienne est à la source des pogromes contre les Haïtiens. Le discours ultra-nationaliste sert de catalyseur aux épisodes de violences dont sont victimes les Haïtiens à Hatillo Palma, Villa Trina, Pueblo Nuevo, Haina, Higuey jusqu’à Herrera où Carlo Mérilus fut décapité en mai 2009. Les secteurs dominicains qui profitent des bas salaires payés aux ouvriers haïtiens laissent les ultra-nationalistes s’en prendre à ces derniers à la première occasion. Leur cycle de malheurs commencé en territoire haïtien - avec l’incapacité révélée du gouvernement haïtien de donner du travail à sa propre population en donnant à l’économie sa profondeur agricole - se prolonge en territoire dominicain.
(A suivre)
[1] J. Michael Dash, Haiti and the United States : national stereotypes and the literary imagination, St. Martin’s Press, New York, 1988, p.27.
[2] Correspondance de Jean Price Mars au président Dumarsais Estimé, collection privée, Ciudad Trujillo, R.D., 5 Mai 1947, p. 3.
[3] Joaquim Balaguer, La isla al revés, Haïti y el destino dominicano, República Dominicana, 1983, p. 156.
[4] Leslie Péan, "A l’ombre de la République Dominicaine : L’alliance hégémonique insulaire" Le Monde Diplomatique, Paris, France, Août 1982 ; Leslie Péan, Aux origines de l’État marron en Haïti (1804-1860) , Editions de l’Université d’État d’Haïti, Port-au-Prince, Haïti, 2009 ; Leslie Péan : Haïti — Economie Politique de la Corruption, Tome 4, L’Ensauvagement macoute et ses conséquences (1957-1990), Editions Maisonneuve et Larose, Paris, France, 2007 ; Leslie Péan : Haïti — Economie Politique de la Corruption, Tome 3, Le Saccage (1915-1956), Editions Maisonneuve et Larose, Paris, France, 2006.
[5] Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), Rapport Annuel sur la situation des droits humains des Haïtiens nés dans la migration et à la frontière haitiano-dominicaine en 2008, P-a-P, Haïti, Juillet 2009.
[6] José Serulle Ramia, “The Carl Fombrun Show”, www.islandtv.tv/live, 3 Novembre 2008.
[7] José Luis Soto, « Le tourisme haïtien rapporte 3 millions de dollars US à la République Dominicaine en un week-end », AlterPresse, 18 novembre 2004.
[8] Centro de Exportación e Inversión, « Inter Cambio Comercial », Santo Domingo, República Dominicana, 2009.
[9] “Haiti−République Dominicaine−− Entrevue de l’ambassadeur Serulle Ramia”, Le Matin, P-a-P, Haiti, 2 Mars 2007.
[10] Voir « Correspondance de Jean Price Mars au président Dumarsais Estimé en date du 1er février 1949 » dans Leslie Péan : Haïti — Economie Politique de la Corruption, Tome 3, Le Saccage (1915-1956), op. cit., pp. 401-403.
[11] « Un fideicomiso para Haití sería peligroso para la República Dominicana », Hoy, Santo Domingo, República Dominicana, 13 de Abril de 2005.
[12] « Proyectan profundización en el deterioro de las relaciones entre República Dominicana y Haití », Espacio Insular, Santo Domingo, República Dominicana, 19 de Diciembre de 2006.
[13] Salvador Saneaux, « Un Plan Marshall para Haití », Listin Diario, Santo Domingo, República Dominicana, 22 de Octobre de 2008.
[14] Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Rapport du RNDDH sur les élections sénatoriales partielles, P-a-P, Haiti, Juin 2009.
[15] Juan Tomás Taveras Rodríguez, “La situación dominico – haitiana (3 de 3) ”, Clave Digital, Santo Domingo, República Dominicana,1 de Junio de 2009.
[16] “Haití es un paraíso para delinquir. Al no regir las instituciones de gobierno, todo se puede hacer : tráfico de drogas, de armas y contrabando son moneda diaria, y sus jefes son los funcionarios oficiales. Así, en voz muy baja, los militares que regresan de la misión de Naciones Unidas para la Estabilización de Haití (MINUSTAH) confiesan que la situación del país es aberrante.” Voir Diego Ghersi, “Otra vez la ONU al servicio de EEUU : Haití, un portaviones, y dinero para Wáshington”, ALAI, America Latina en Movimento, Argentina, 18 de septiembre de 2009.
[17] « Il ne faut pas chercher la solution de la crise d’Haïti en République dominicaine ! », Haïti en Marche, 31 Août 2009.
[18] Carlos Dore-Cabral, “Le Racisme de Balaguer : l’Immigration haïtienne et la composante raciste de la culture dominicaine”, Les Cahiers du Vendredi (Juillet-Août), Le Nouvelliste, 1987.
[19] « Etica y sociedad », Estudios Sociales, Ano XXIV, numéro 85, Santo Domingo, República Dominicana, Julio-septiembre 1991.
[20] Manuel Núñez, El ocaso de la nación dominicana, Santo Domingo, Editorial Letra Gráfica, Santo Domingo, República Dominicana, 2001.
[21] Wilfredo Lozano, Jornaleros e Inmigrantes, Facultad Latinoamericana de Ciencias Sociales (FLACSO), Santo Domingo, República Dominicana, 1998.
[22] Mario Vargas Llosa, “ Mundo Ancho y Ajeno”, El País, Madrid, España, 1997.