Español English French Kwéyol

Un meilleur destin pour Haiti

Par Eduardo Galeano (écrivain Uruguayen)

Message à la commission d’enquête internationale sur la situation d’Haïti et les actes de violence reprochés à la Mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haïti (Minustah) (16 au 19 septembre 2009) [1]

Soumis à AlterPresse le 17 septembre 2009

Je souhaite envoyer tous mes meilleurs sentiments à la Commission internationale qui s’occupe d’Haïti.

Peu de gens malheureusement se souviennent qu’Haïti a été le premier pays véritablement libre des Amériques, libre du pouvoir colonial, libre également de l’esclavage.

Aujourd’hui encore les encyclopédies disent que c’est l’Angleterre qui fut la première nation à abolir cet infâme trafic de chair humaine, et les encyclopédies mentent : la première, c’était Haïti.

Et Haïti l’a payé cher : pendant toute une éternité le pays a payé à la France une gigantesque indemnité pour avoir commis cette offense à l’armée de Napoléon Bonaparte, et l’Europe n’a jamais pardonné l’humiliation subie.

Actuellement, Haïti, pays pauvre parmi les plus pauvres, digne parmi les plus dignes, souffre les conséquences de cette longue guerre de libération, de la monoculture du sucre qui dans l’intérêt exclusif de la France a ruiné ses terres pendant des siècles, et subit les experts internationaux dévastateurs du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, qui ont récemment tué toutes les protections que l’Etat haïtien offrait à sa production de riz et aux autres productions nationales, condamnant les paysans à la mendicité ou à quitter le pays sur des embarcations de fortune (« boat-people »).

Haïti mérite un meilleur destin.

Il suffit de connaître les œuvres de ses artistes, capables de transformer les détritus en beauté, pour le confirmer.

Je vous souhaite bonne chance dans votre labeur,

Cordialement,

Eduardo Galeano

Montevideo, 11 septembre 2009


[1Commission mise sur pied par des organisations de droits humains et qui réunit une quinzaine de militants syndicaux et officiels haïtiens, brésiliens, algériens, français, américains et guadeloupéens.