Par Wooldy Edson Louidor
P-au-P, 16 sept. 2009 [AlterPresse] --- L’administration du président Leonel Fernandez a démultiplié les efforts pour soigner son image sur la scène internationale. Mais la question haïtienne, qui fait du surplace, semble ternir les objectifs d’embellies affichés par le gouvernement à grand renfort de temps et d’argent, selon les informations compilées par l’agence en ligne AlterPresse.
Depuis son retour au pouvoir le 16 mai 2004, suivi de sa réélection en 2008, l’actuel président dominicain Leonel Fernández a réalisé plus de 26 voyages à l’extérieur et investi une grande quantité d’argent pour la conduite de sa politique internationale.
Par exemple, sans compter les frais de voyages effectués à l’étranger, le chef d’État dominicain a alloué cette année, dans le budget de son gouvernement, plus de 3,000 millions de pesos dominicains (environ 83 millions de dollars américains ; US $ 1.00= 36.16 pesos aujourd’hui) à la politique extérieure.
En dépit de cet important investissement en temps et en argent, des intellectuels et personnalités politiques dominicains sont de plus en plus unanimes à qualifier de maigre le bilan obtenu par l’administration Fernández.
« Le pays n’a pas atteint ses principaux objectifs »
« Il (le président Leonel Fernandez) vend bien son image, mais le pays n’a pas atteint ses principaux objectifs », selon le titre d’un article publié par l’agence en ligne dominicaine Clave Digital.
La question haïtienne, enjeu fondamental pour l’image de la République Dominicaine dans la communauté internationale, fait du surplace.
Le climat de conflits récurrents entre la République dominicaine et Haïti, l’absence d’une politique migratoire et commerciale claire, l’étiquette de « raciste » collée au pays voisin pour les violations de droits humains commis contre des migrants haïtiens et leurs descendants constituent, selon Clave Digital, les principaux facteurs ayant empêché le gouvernement dominicain d’atteindre les objectifs de sa politique internationale.
L’étiquette de « raciste »
« Ils ne le disent pas clairement, mais dans certaines occasions les pays de la Caraïbe et de l’Afrique n’appuient pas les positions dominicaines, parce qu’ils considèrent que c’est un pays raciste », explique l’ex chancelier et dirigeant du Parti Révolutionnaire Dominicain (Prd), Tolentino Dipp, qui dressait un bilan de gestion de la Chancellerie dominicaine.
Cette étiquette de « raciste » a, de l’avis de Dipp, affecté les rapports de la République Dominicaine avec les autres pays de la Caricom (Marché Commun des Caraïbes) qui « s’unissent depuis longtemps dans la lutte contre le racisme et se sont toujours montrés solidaires avec Haïti pour des raisons historiques », soutient l’historien dominicain.
Cette image négative projetée à l’extérieur serait, selon lui, à l’origine des deux échecs essuyés par la République Dominicaine dans ses aspirations à occuper un siège (comme membre non permanent) au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.
Par ailleurs, Tolentino Dipp souligne des contradictions internes qui empêcheraient l’administration Fernández d’établir une politique migratoire dominicaine claire et cohérente avec Haïti.
« Le problème avec Haïti, c’est que les accords sont superficiels ; on ne veut pas faire un vrai accord migratoire », avance-t-il.
« Voyons combien de travailleurs migrants haïtiens dont nous avons besoin pour la construction, sur les champs de canne et dans l’industrie du tourisme ? Et, à partir de là, nous pouvons établir la politique migratoire », préconise-t-il en guise de solution.
« Nous ne pouvons pas prendre en charge Haïti »
De son côté, le député de la Force nationale progressiste et aussi expert en sécurité nationale, Pelegrín Castillo, dit constater que les gouvernements dominicains se sont présentés à maintes reprises sur la scène internationale sans un agenda clair.
Le parlementaire dominicain, considéré comme un des idéologues les plus farouches de l’anti-haitianisme dans le pays voisin, souligne l’absence d’un consensus entre la classe politique dominicaine sur les thèmes d’intérêt national à défendre dans la politique internationale.
Selon lui, le pays devrait profiter des scènes internationales pour exiger de la communauté internationale d’appuyer Haïti et pour faire comprendre aux autres nations que « nous ne pouvons pas prendre en charge le pays voisin », illustre-t-il à titre d’exemple.
« Les deux pays doivent résoudre leurs différends »
Pour le sociologue dominicain Wilfrido Lozano, la communauté internationale, notamment les États-Unis d’Amérique et les pays de l’Europe, sont de plus en plus convaincus qu’ « il ne saurait y avoir de succès dans la coopération internationale avec Haïti sans l’aide de la République Dominicaine ».
L’invitation lancée par la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton à la République Dominicaine d’aider Haïti, notamment dans le domaine du tourisme et dans la construction de projets conjoints à la frontière (qui seraient financés par les États-Unis), est vue par le sociologue comme un message clair de la communauté internationale.
« Nous devons modifier le style de relation que nous tissons avec Haïti, en allant au-delà des demandes d’appuis en faveur du pays voisin que nous faisons généralement dans les forums internationaux », croit-il comprendre dans le message délivré par la chancelière américaine lors de sa visite dans le pays voisin en avril dernier.
La communauté internationale verra d’un bon œil que les deux pays résolvent leurs différends, notamment en ce qui a trait aux violations des droits humains perpétrés sur le territoire dominicain contre des migrants haïtiens et leurs descendants, poursuit-il.
Donc, il faut « prendre au sérieux le thème migratoire, institutionnaliser sa gestion et assumer nos engagements pris avec les institutions internationales pour profiter de cette conjoncture », recommande le spécialiste en relations haitiano-dominicaines. [wel mm 16/09/2009 15:00]