P-au-P, 8 sept. 2009 [AlterPresse] --- La journée internationale de ce 8 septembre est l’occasion pour les acteurs œuvrant dans l’alphabétisation de réaliser un plaidoyer pour le secteur, parent pauvre des stratégies éducatives en Haïti.
0,0001 % du budget de l’éducation nationale haïtienne est actuellement alloué à l’alphabétisation, selon les chiffres donnés par Claudine Pierre, directrice exécutive au Secrétariat d’État à l’alphabétisation, lors d’une conférence de presse de préparation de cette journée internationale.
Or, selon Teeluck Bhuwanee, le nouveau représentant de l’Unesco en Haïti, l’organisation recommande un minimum de trois pour cent du budget de l’éducation nationale comme signe minimal de la volonté politique nécessaire aux impacts positifs des campagnes d’alphabétisation.
« Il ne s’agit pas là d’un budget additionnel, mais d’une meilleure répartition de ce dernier », a-t-il précisé.
Le représentant de l’Unesco a souligné que les progrès dans le monde restent très limités : 777 millions de personnes, dont une majorité de femmes, sont analphabètes. 2003-2012 a pourtant été décrétée décennie de l’alphabétisation des Nations unies.
Au delà de la volonté politique, Monsieur Bhuwannee a cité l’emphase qui existe sur l’éducation formelle et la mauvaise qualité de l’alphabétisation comme principales raisons de ce piètre état des lieux.
« L’Etat, mais aussi les partenaires techniques et financiers, les bailleurs de fonds, misent beaucoup sur l’éducation formelle, c’est-à-dire l’école. L’école formelle, malheureusement, n’alphabétise pas toujours correctement », a exposé le représentant de l’Unesco.
« Ici les écoles sont élitistes, a relevé Claudine Pierre. On ne mesure pas le progrès de l’enfant, mais le seul fait qu’il réussisse et monte dans l’année supérieure. Si l’enfant fait un progrès, on ne le contrôle pas, on ne l’apprécie pas. A un certain moment, ces enfants sont obligés de laisser l’école et d’aller gonfler le nombre d’analphabètes ». Elle dénonce une stratégie éducative qui vient gonfler le nombre d’analphabètes.
Quand à la qualité, M. Bhuwanee a rappelé que trop souvent, « elle n’est pas professionnelle, ni réalisée par des formateurs formés. Elle se fait dans des conditions relativement mauvaises, qui n’attirent que peu de gens. Le matériel n’est pas de très bonne qualité, ni les conditions ».
« Nous avons des problèmes économiques, nous ne sommes pas toujours assistés, a déclaré Claudine Pierre. Mais ce que nous essayons de faire, c’est de travailler dans la qualité de ce que nous offrons comme matériel didactique, celle de nos maîtres, de nos moniteurs ».
« Quand on a démarré le programme d’alphabétisation, il y avait trois millions d’analphabètes, et parmi eux cinq cent mille enfants de moins de quinze ans. C’est beaucoup trop. Nous avons environ alphabétisé 117 000 individus. Ce n’est pas grand chose », a reconnu Claudine Pierre.
« Même si nous ne continuons pas la campagne comme nous l’avions prévu (alphabétiser 3 millions de personnes sur trois ans), nous continuons nos efforts. Le secrétaire d’état doit se rendre dans le Nord-est et le Nord pour certifier un groupe de 3500 néo-alphabétisés », a-t-elle encore précisé.
L’alphabétisation ne demeure pas un objectif en soi. Accompagnée d’actions qui visent l’insertion dans le monde du travail, son objectif ultime est la pleine participation des individus à la société, le fait de leur donner du pouvoir et de l’autonomie.
« Il est important de travailler avec des personnes qui travaillent déjà, car vous allez les aider à être plus productifs dans ce qu’ils font », a précisé Monsieur Bhuwannee.
En Haïti, l’alphabétisation se déroule en créole, l’une des deux langues officielles parlée par tous les haïtiens.
Depuis 2007, Haiti fait partie de l’initiative de l’UNESCO pour l’alphabétisation : savoir pour pouvoir (LIFE). Life apporte un soutien concret aux 35 pays les plus affectés par le fléau de l’analphabétisme.
Ce 8 septembre, un atelier de réflexion sera mené sur l’importance d’alphabétiser et ses implications pour les individus et la société, en partenariat avec la Commission nationale de coopération avec l’Unesco, le bureau de l’Unesco en Haïti et le secrétariat d’État à l’alphabétisation. [mm apr 08/09/2009 06:00]