P-au-P, 28 août 2009 [AlterPresse] --- Face à un sombre état des lieux fait du fonctionnement de l’Hôpital de l’université d’État d’Haiti (Hueh), le Ministère de la santé publique et de la population (MSPP) a accordé une dotation de redémarrage de 12 millions de gourdes pour financer les activités d’offres de soins de l’institution.
Cette enveloppe est assortie de directives, concrétisées dans un « Plan d’action » de 100 jours élaboré par la nouvelle direction de l’Hueh. Il vise la disponibilité du personnel, de médicaments, de matériel comme d’alimentation pour les patients, mais également la mise sur pied d’une meilleur gestion et d’une planification plus efficace de l’institution sur le long terme.
Soins, médicaments, analyses et imageries médicales payants et couteux, des consultations externes jusqu’aux services d’urgence ; intendance, hygiène et confort inexistants, matériel comme corps médical peu disponibles, corruption et insécurité : connu de longue date, c’est le sombre bilan du fonctionnement de l’hôpital général que dressait son nouveau directeur lors d’une rencontre avec la presse, trente cinq jours après l’entrée en fonction de la nouvelle équipe de direction suite aux dernières grèves.
« Avec 700 lits, un personnel (pléthorique) de 1900 salariés dont 66 % sont titularisés et un budget 2008-2009 de 220 152 664 gourdes dont 95 % destinés au paiement des salaires, l’Hueh traine depuis de nombreuses années un fardeau d’incapacité d’offre de services en soins de santé à la population », déclare Alix Lassègue, le nouveau directeur de l’hôpital de référence.
La mission de « service publique » de l’Hueh est réduite à peau de chagrin. Afin de tenter de la remettre d’aplomb, le Ministère de la santé publique et de la population a décidé d’attribuer une dotation de 12 millions de gourdes à l’institution.
Toute la dotation n’a pas encore été reçue, mais bien une partie, il y a quelques jours, selon les dires du nouveau directeur, le jeudi 27 août dernier.
Priorité n°1 : les urgences
La priorité est de soutenir le service d’urgence via cette allocation supplémentaire. « Nous espérons que la semaine prochaine (soit entre le 31 août et le 6 septembre 2009), nous parviendrons à notre objectif d’assurer la gratuité des soins en urgence dans les premières 48 heures », a précisé Alix Lassègue. Deux millions de gourdes parmi les 12 millions de dotation du Ministère sont alloués à la réorganisation de ce service et 6 médecins spécialisés supplémentaires assurent déjà la prise en charge effective des malades.
Trois nouveaux internistes ont également rejoint l’équipe de l’Hueh.
Les services médico-chirurgicaux et médico-techniques vont disposer d’un budget de redémarrage puisé dans ces 12 millions, tandis qu’une décentralisation du budget devrait se mettre en place au niveau des services.
Des médicaments ont été commandés, ainsi que du matériel, pour lesquels des ressources financières seraient actuellement disponibles, selon le directeur. Le plan d’action fait également le vœux de la mise en place d’un service de soins de santé communautaire externe au bénéfice de la population.
Cuisines et intendance
Parmi les directives qui accompagnent la dotation des 12 millions de gourdes, se trouve le fait de nourrir et d’accueillir humainement les patients, traduit notamment comme la remise sur pied des cuisines de l’hôpital dans le plan d’action de 100 jours. « La cuisine centrale est en voie de finition et des protocoles d’accord sont en préparation avec des organisations nationales et internationales pour le support nutritionnel aux patients et au personnel de soutien », déclare Alix Lassègue.
« Nous avons des contacts avec le programme gouvernemental de cantines scolaires pour le service de pédiatrie, le MSPP bien évidemment, l’organisation Food for the Poor, et dans la structure du budget de l’hôpital même, nous avons multiplié par quatre la rubrique concernant l’alimentation ». explique Alix Lassègue. « Je ne peux pas changer le montant du budget, mais je peux le redistribuer », ajoute-il.
« La sécurité intra-hospitalière est en réorganisation ». Cependant, à l’entrée de l’hôpital, le filtrage n’est toujours pas efficace.
La mise en place d’un système d’information médicale à destination du Ministère et de la population est en élaboration.
Reconnaissant les problèmes de corruption qui rongent l’institution, Alix Lassègue a déclaré qu’une Caisse centrale unique assurait aujourd’hui la perception des recettes internes qui sont remises chaque jour au Trésor, afin de mieux contrôler cette caisse et diminuer les possibilités de pertes et de vols. Sans avoir révoqué quiconque, le directeur dit avoir « déjà opérés des changements de responsabilités au sein de la structure ».
Les travaux de finition des bâtiments de dermatologie et d’urologie ont repris depuis deux semaines. « Nous espérons que ces travaux seront finis en septembre et que les services pourront en disposer début octobre », a précisé le directeur.
Vers le renforcement institutionnel
95 % du budget est consacré à la masse salariale. Or, « il n’est pas prévu que le budget soit revu à la hausse pour l’année à venir », précise le directeur, tout comme il n’est pas prévu de réduire le personnel.
La feuille de route du Ministère mentionne la mise en place d’une structure de planification et de prospective hospitalière afin de trouver des fonds supplémentaires, d’investissements, mais également la réévaluation de programmes et de projets en exécution dans l’hôpital et l’analyse de leur impact sur le renforcement institutionnel.
En effet, certains programmes comme le VIH/Sida, soutenus par Pepfar, mettent en place des services d’accès gratuits aux soins, disposant de matériel et de personnel salariés sur les programmes, au sein d’une structure qui elle-même, des dires de l’actuel directeur, offre « une image en permanente dégradation d’un gros centre de santé fonctionnant au ralenti ».
« Il faut que nous analysions ces programmes et leur impact dans la perspective d’une contribution de ces derniers au fonctionnement des autres services », précise Alix Lassègue, afin d’atténuer le fossé entre les différents niveaux d’offres de soins au sein de l’hôpital selon les services et les maladies.
Certaines maladies, pourtant au cœur des problématiques de santé publique, comme les insuffisances rénales, sont les parents pauvres des programmes soutenus par l’international, et la plaie ouverte d’une structure moribonde. [mm apr 29/08/2009 15:00]