Español English French Kwéyol

Haïti : Garantir la promotion des femmes dans les textes de loi

Réforme de la Constitution et de la loi sur les partis politiques

P-au-P, 22 août 2009 [AlterPresse] --- Si elles n’en sont pas explicitement exclues, aucune inclusion des femmes haïtiennes en regard du rôle fondamental qu’elles jouent dans la société ne figure dans la constitution haïtienne ou dans la loi sur les partis politiques, toutes deux faisant actuellement l’actualité. Au sortir d’un atelier organisé par le Ministère à la condition féminine, les organisations de femmes lancent des pistes de révision de ces textes de loi afin, entre autre, de garantir aux femmes un accès aux sphères décisionnelles de l’Etat par l’adoption de mesures spécifiques.

Ces 19, 20 et 21 août, le Ministère à la condition féminine organisait un atelier sur l’intégration du genre dans le processus de réforme constitutionnelle et dans la législation sur les partis politiques. « Nous nous situons à un moment historique », a déclaré Carline Joseph, coordinatrice de Solidarité des femmes des Gonaïves et responsable du rapport de synthèse de ces trois jours d’atelier. « C’est maintenant ou jamais que nous devons nous manifester face à ces deux textes en tant que femmes politique », a-t-elle ajouté, afin de corriger l’écart de traitement entre les femmes et les hommes dans les textes de loi.

Le constat de départ est que si la Constitution consacre l’égalité des hommes et des femmes, celles-ci ne sont pour autant prises en compte, ni même nommées, comme des « citoyennes » à part entière. Et pourtant, elles étaient des milliers dans chaque ville du pays à avoir courageusement pris les rues en 1986 pour revendiquer une société plus démocratique. Les constitutionnalistes de l’époque semble avoir tenu à cet égard leur devoir de réserve face au contexte de l’époque.

Il ressort de l’atelier que c’est au sein même de la Constitution, en tant que loi-mère du pays, qu’il faut pouvoir introduire les garanties de la participation effective et permanente des femmes à la vie politique.

Il faut envisager des mesures spécifiques afin que les femmes, qui représentent 52 % de la société haïtienne, puissent accéder à des postes décisionnels. Or, sur 99 députés, 4 sont des femmes, sur 30 sénateurs, seulement deux femmes, tandis que 3 des 18 postes ministériels échouent à des femmes.

Si les textes de loi ne sont pas suffisants afin de changer les mentalités qui sont à la base de ce constat, c’est un premier pas important pour parvenir aux objectifs d’équité.

Selon Danielle Magloire, consultante pour le Ministère lors de cet atelier et directrice de Droits et démocratie, « il faut non seulement des lois, mais aussi œuvrer à leur application effective et mettre en place des mesures d’accompagnement. L’écart ne va pas se combler seul, des mesures de promotion sont nécessaires ».

Au cœur de la loi-mère

Parmi les recommandations qui se dessinaient au sortir de l’atelier, outre la féminisation de la constitution dans ses termes, des mesures spécifiques de soutient de l’accès des femmes aux postes décisionnels ont émergé, comme l’intégration d’un quota de trente 30 % de femmes garantit dans les instances décisionnelles de l’Etat.

L’exemple du Rwanda a en ce sens été exposé lors de cet atelier, pays où cette mesure a été inscrite dans la Constitution et a porté ses fruits : le Parlement rwandais est aujourd’hui composé d’une majorité de femmes (56 %).

« Ils l’ont inscrit dans leur constitution, c’est là toute la différence, explique Carline Joseph , afin d’éviter que nous soyons soumises au bon vouloir de tel ou tel gouvernement. Car il ne suffit pas que l’on propose un quota de trente pourcent de femmes sur les listes électorale, cela ne garantit rien en terme d’accès aux mandats ».

Concernant la loi sur les partis politiques, les organisations de femmes appellent à une présence d’au moins trente pourcent de femmes sur les listes électorales, mais aussi à ce que des dispositions soit prises afin que les femmes puissent accéder à des postes au sein des comités de direction où les décisions se prennent.

« Trop souvent, on marginalise les femmes au sein des partis sur des questions censées ne concerner que les femmes », rapporte Carline Joseph. Là aussi, le quota de trente pourcent de femmes aux postes de direction est une piste avancée au sortir de l’atelier.

Le financement des partis a également été évoqué, et notamment le fait pour les candidates de recevoir une dotation double de celle de leurs homologues masculins afin de mener leur campagne, mais aussi que ces sommes soient directement allouées au candidates pour éviter qu’elles ne soient captées par les instances du parti.

Des sanctions pour les partis ainsi que pour les individus au sein des partis dans le cadre de harcèlement sexuel ont également été évoquées.

Deux textes sur le grill

Lors du premier jour d’atelier, la constitutionnaliste Mirlande Manigat soulignait les différences des deux textes de loi sur base desquels l’atelier s’est déroulé, afin d’éclairer la marge de manœuvre des femmes pour les influencer aujourd’hui. « La loi sur les partis politiques est un texte de loi qui attend une sanction du Sénat et sa promulgation par le Président. L’autre est un rapport produit par un groupe d’intellectuels commandité par le chef de l’Etat qui lui même prendra l’initiative de se baser sur ses recommandations afin d’introduire des propositions d’amendement de la Constitution », a-t-elle précisé.

La constitution prévoit les modalités de sa révision et le moment : lors de la dernière session d’une législature, soit la huitième. La dernière session de la quarante-huitième législature commençait le 7 mai 2009 pour se terminer le 14 septembre 2009. Il n’est donc pas trop tard pour que ces recommandations soient prises en compte. C’est du rôle du Ministère à la condition féminine d’agir auprès de l’exécutif en ce sens, rappelait Mirlande Manigat.

Pour la loi sur les partis politiques, la question est plus épineuse, le texte ayant déjà été voté à la chambre basse, et les deux chambres ne pouvant voter de textes différents. Certains sénateurs, comme Youri Latortue auraient cependant promis qu’ils les prendraient en compte. Le Sénat étant actuellement bloqué sur des questions de quorum pour permettre un vote à majorité des deux tiers, ce délai supplémentaire peut en tout cas être mis à profit pour sensibiliser les sénateurs. [mm apr 22/08/2009 14 :00]