P-au-P, 20 août 2009 [AlterPresse] --- Le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr) organise à Port-au-Prince un forum de trois jours sur le thème « La traite négrière autrefois et les conditions de travail en Haiti aujourd’hui » ces 20, 21 et 22 août 2009 à l’auditorium de la Faculté d’ethnologie.
Les dates choisies pour l’évènement ne sont pas le fruit du hasard. Le 23 août est la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, date qui résonne doublement en Haiti. « C’est dans la nuit du 22 au 23 août que nos ancêtres se sont levés contre l’esclavage et se sont libérés des chaînes des plantations à Saint-Domingue », a rappelé Lisane André, responsable de la communication au Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr), lors d’une conférence de presse de lancement du forum à laquelle AlterPresse a assisté.
Ce forum est le deuxième consécutif organisé par le Garr sur ce thème, celui de l’an dernier ayant mis l’accent sur la traite négrière et celle des êtres humains aujourd’hui.
Le Garr invite au forum tous les citoyens, citoyennes, organisations paysannes, syndicats ouvriers, autorités de l’État, la presse et les autres secteurs professionnels dans le pays qui trouvent qu’il est nécessaire de réfléchir sur les conditions de travail des Haïtiens en Haiti comme ailleurs.
Sur fond de salaire minimum
Les conditions de travail d’une majorité d’Haïtiens sont loin de leur permettre de satisfaire les droits humains les plus essentiels, comme le droit à l’alimentation, à la santé, à l’éducation ou à un logement. « Nous voulons porter l’attention sur les conditions de travail dans divers secteurs dans le pays, en regard de tous les droits humains concernés. (…) Nous voulons aussi échanger sur toute possibilité pour qu’un travail existe dans le respect de la dignité de chaque travailleur et chaque travailleuse en Haiti », a exposé Lisane André.
Malgré le vote en faveur des objections présidentielles pour un salaire minimum à 125 gourdes à la chambre basse ce 18 août dernier, le débat sur cette épineuse question du salaire minimum n’est pas éteint. « La question du salaire minimum est directement liée a la migration, car pour vous permettre de répondre à vos besoins, vous allez dès lors voir de l’autre côté de la frontière ou par delà la mer », a déclaré Lisane André pour préciser la démarche du Garr, attelé aux problématiques migratoires.
« Il y a des violations faites par l’État lui-même. Si les dispositions légales concernant l’ajustement qui devrait être fait concernant le salaire des ouvriers par rapport au taux d’inflation [article 137 du code du travail, ndlr] étaient appliquées, les ouvriers, aujourd’hui, n’auraient pas à attendre les parlementaires pour atteindre les 200 gourdes », a rappelé la responsable de la communication du Garr.
Les droits humains essentiels, intimement liés au droit du travail, ne sont pas garantis par les autorités. Comme exemple significatif de cette problématique, Lisane André a rappelé le sombre tableau des assurances et de la sécurité sociale en Haiti. « Alors que les ouvriers et ouvrières croulent sous la tâche pour gagner un maigre salaire, sur lequel on prélève un pourcentage pour soi-disant constituer des fonds de pension et une assurance vieillesse à l’Office national des assurances (ONA), concrètement, ils ne sont en aucun cas assurés. Et c’est avec stupéfaction que la population a appris que de grands responsables dans la structure de l’État détournent cet argent pour remplir leurs poches ».
Les difficultés qui encerclent le travail des paysans, auxquelles se sont ajoutées les conséquences des quatre cyclones de 2008 seront également abordées lors de ces trois journées de réflexion. Les réalités d’autres catégories de travailleurs et travailleuses qui ne bénéficient d’aucun encadrement de l’État dans l’exercice de leurs activités économiques seront elles aussi exposées et débattues. « Nous voulons parler des femmes commerçantes, des Madan sara dans le pays et sur les marchés frontaliers. Durant l’année 2009, plusieurs de ces dames ont perdu la vie sur les routes nationales parce que des camions de marchandises sont surchargés sans aucun contrôle ».
Un groupe de suivi sera mis en place au sortir de ce forum afin de veiller à la concrétisation des recommandations émises.
Un programme varié
Au programme de ces trois jours : des conférences-débats, une exposition (Esclaves au paradis, sur les conditions de travail des coupeurs de canne haïtiens en République dominicaine), des projections (dont le film Pasaj sur les femmes commerçantes à la frontière haïtiano-dominicaine à 15:30 le 21 août et d’autres films sur la situation des travailleurs ailleurs dans le pays). Toutes ces activités se déroulent à l’auditorium de la Faculté d’ethnologie, dans le centre de Port-au-Prince, à proximité du Palais présidentiel, chaque jour à partir de 9 heures.
Ce jeudi 20 août à partir de 14 heures, deux conférences se déroulent sur les conditions de travail dans la colonie et la traite négrière à Saint-Domingue.
Vendredi 21 août, un second panel s’attardera sur les conséquences du modèle économique néolibéral sur le marché et le travail aujourd’hui. Les conditions de travail dans la sous-traitance en Haiti feront l’objet d’une conférence, illustrées par la suite du témoignage de représentants syndicaux.
Enfin, le samedi 22 laissera place au témoignage d’adultes et d’enfants travailleurs avant l’ouverture d’un atelier d’élaboration de propositions et recommandations afin d’améliorer les conditions de travail des Haïtiens. La journée se terminera par un programme culturel à partir de 16 heures pour célébrer le 23 août. [mm apr 20/08/2009 12:30]