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Haïti-Rép. Dominicaine : Migration et relations insulaires, prochains thèmes de recherches conjoints entre Ueh et Uasd

Bientôt une chaire à l’Ueh sur les relations haïtiano-dominicaines

P-au-P, 19 aout 09 [AlterPresse] --- La migration et les relations entre les deux Etats qui se partagent l’île feront l’objet d’une recherche conjointe, sous les auspices de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh) et de l’Université autonome de Santo Domingo (Uasd, République Dominicaine), apprend l’agence en ligne AlterPresse.

L’Ueh compte inaugurer bientôt une chaire sur les relations haïtiano-dominicaines, annonce Fritz Deshommes, vice-recteur à la recherche de l’université haïtienne d’Etat, qui s’exprimait dans le cadre d’une conférence-débat, lundi après-midi 17 août 2009 à Port-au-Prince, sur la première présentation (avant la République Dominicaine) de l’ouvrage intitulé « Haïtiens et Cocolos dans la littérature dominicaine », écrit par Antonio Lockward Artiles, ex-doyen de la faculté des humanités à la Uasd.

Lockward Artiles en a profité pour retracer le parcours politique du militant Jacques Viau, un Haïtien qui a combattu en République Dominicaine contre l’occupation étasuniemne du territoire voisin d’Haïti dans les années 1960.

Mort au combat en 1965, frappé par un tir de mortier qui le priva de ses deux jambes avant son trépas, le poète et militant haïtien Jacques Viau demeure très connu en république voisine comme un combattant qui a pris les armes contre l’occupant nord-américain pour défendre certains acquis du pays dominicain vers 1963.

« Jacques m’a choisi, à sa mort, pour préfacer ses deux recueils de poèmes », raconte Antonio Lockward Artiles, ami et frère d’armes du défunt combattant, Jacques Viau.

« Nous partagions tout, notamment la même vision de la littérature, de nos pays et du monde », poursuit Artiles, retraçant avec verve et émotion « cette amitié si particulière qu’il a entretenue » avec Jacques Viau.

Faisant partie de la génération des poètes Cocolos, Antonio Lockward Artiles partageait aussi avec Jacques Viau une identité semblable.

Les Cocolos sont, en République Dominicaine, ces travailleurs venus de différents pays des Antilles à la fin du XIXe siècle, 30 ou 40 ans avant les premiers coupeurs de canne haïtiens.

A ces Cocolos, on avait dénié le droit de donner la nationalité dominicaine à leurs descendants, rapporte Artiles.

« Jacques Viau symbolise une zone de lumière et la preuve d’une histoire de solidarité progressiste entre les deux peuples, qui date du reste depuis très longtemps », souligne Fritz Deshommes, vice recteur à la recherche à l’Ueh.

« Les Dominicains ne reconnaissaient pas Jacques Viau comme un Haïtien, mais comme l’un des leurs tout simplement. A l’époque, la gauche dominait toute la production culturelle du pays. Ce fut également une époque « de définition de la jeunesse » qui s’est opposée à l’occupant américain. Mais, aujourd’hui, les choses ont changé. C’est la pensée de droite qui domine », explique, pour sa part, Ruben Silié, ambassadeur de la République Dominicaine en Haïti.

Pour un manifeste contre le racisme en République Dominicaine

« Prenons conscience, universitaires, intellectuels, pour signer un manifeste [contre le racisme en République Dominicaine]. Nos peuples ne peuvent continuer à vivre sous le joug », martèle Lockward Artiles, insistant sur la violation des droits des Haïtiens dans son pays et appelant à la signature d’un « manifeste de Port-au-Prince » contre le racisme et la vision rétrograde de la religion. .

Artiles dénonce les modifications apportées à la Constitution de la république voisine, par la droite au pouvoir en République Dominicaine, pour enlever certains droits aux migrants.

« Cette Constitution est la plus réactionnaire de toute l’histoire de la République Dominicaine. Elle se pose contre le droit des femmes, elle est totalement raciste et fait abstraction des avancées de la constitution de 1963 », juge t-il.

Et les participantes et participants de la rencontre du lundi 17 août 2009 de renchérir avec leurs craintes face à cette droite détentrice du pouvoir et anti haïtien, et de parler sans détours de la dégradation des rapports entre les deux peuples.

Le vice recteur à l’extension à la Uasd, Raphael Nino Felix, rappelle néanmoins combien les deux peuples ont déjà prouvé qu’ils pouvaient vivre ensemble et continuent de le faire.

« Je suis fils de coupeur de canne. ..Il y a toujours eu une convivialité entre les deux peuples à la frontière. Ce qui les divise, ce sont les élites », dit-il

De son côté, le vice-recteur à la recherche à l’Ueh souhaite que la collaboration avec la Uasd ne s’arrête pas à la signature des papiers, mais serve également à encourager l’amour et la compréhension mutuelle entre Haïti et la République Dominicaine.

« La France et l’Allemagne ont des relations fraternelles, pourquoi pas nous ? » demande t-il.

Malgré des activités de rapprochement, initiées par les organisations de défense des droits humains et par les dirigeants des deux côtés de l’ile, les heurts restent fréquents dans les zones frontalières.

Récemment à Santiago de los Caballeros, la deuxième ville de la république voisine, une chasse aux Haïtiens avait été lancée par des Dominicains armés de machettes et de bâtons. [kft rc apr 19/08/2009 0:00]