P-au-P, 6 août 09 [AlterPresse] --- Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) retrace une triste situation de détention à la prison civile de Pétionville (à l’est de la capitale Port-au-Prince), où sont admises les femmes et les filles en contravention avec la loi, selon une étude réalisée entre février et mai 2009, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Sur 312 personnes incarcérées, seulement 32 sont jugées, près de 88% sont en attente de jugement, révèle le Rnddh dans cette étude.
Graves conditions de détention
Sur le plan social, l’étude du Rnddh fait découvrir que « la prison civile de Pétionville est, en tous points de vue, inappropriée pour gérer efficacement les femmes et filles en détention ».
80% des femmes sont mères de famille. Certaines d’entre elles vivaient en concubinage avant leur incarcération et la majorité étaient cheffes de famille monoparentale.
12% des mineures ont, au moins, un enfant, selon l’étude, précisant que la majorité des détenues sont issues de milieux défavorisés, tels Cité Soleil et Drouillard (périphérie nord de la capitale), Delmas 3 (nord-est), Portail Léogâne et Martissant (périphérie sud).
Sur les 312 détenues, 59 sont analphabètes ; 66 ont atteint le niveau secondaire, 54 ont, au moins fait, la 7e année fondamentale.
Parmi les mineures incarcérées, cinq (5) sont scolarisées après leur incarcération. Au moins quatre (4) ont participé, cette année, aux examens officiels de la 6e année fondamentale, une autre a pu subir les épreuves de la 9e année fondamentale.
Les conditions sanitaires de ces femmes détenues sont inquiétantes, souligne l’étude rapportant combien certaines détenues estiment que leur santé n’est pas vraiment prise en considération.
Construite sur une surface de 158.45 mètres carrés, la prison civile de Pétionville comporte 17 cellules et est rarement alimentée en eau. Ces cellules ne sont ni bien aérées ni ensoleillées. Parfois, elles dégagent une odeur nauséabonde à la limite de la pestilence, ajoute l’étude.
L’étude précise que le personnel pénitentiaire dispose d’un dortoir dépourvu de tout, sauf de 5 lits dont 2 sont en mauvais état.
Sur le plan juridique, l’enquête démontre que des personnes, arrêtées pour des délits, sont maintenues en prison pendant plusieurs années sans être jugées. En outre, toutes les femmes condamnées vivent dans les mêmes situations que les détenues en détention préventive.
Les condamnées représentent 12.17% des personnes incarcérées.
Les femmes et les filles en attente de jugement sont au nombre de 274, précise l’étude qui indique que les détenues ne sont pas catégorisées par chef d’accusation.
Trois (3) des personnes en détention préventive ont été arrêtées dans des villes de province puis transférées à la prison civile de Pétionville.
Recommandations du Rnddh
Fort de cela, le Rnddh recommande aux autorités compétentes d’arrêter les dispositions nécessaires pour résoudre ces problèmes qui mettent en péril la vie des personnes incarcérées.
Sur le plan social, l’organisme de droits humains suggère d’« organiser les liens des prisonniers avec l’extérieur, tout au long de leur incarcération, élaborer des programmes sociaux dans les centres de détention pour l’amélioration des conditions de vie, mettre en place un centre de semi-liberté ».
Le Rnddh préconise également de « prendre en charge tout enfant mineur dont la mère est écrouée, dans le but de réduire le vagabondage, source principale de criminalité, veiller à ce que les personnes âgées de plus de 60 ans soient enlevées des prisons ou placées ailleurs, porter les assistants sociaux à faire leur travail ».
Sur le plan administratif, le Rnddh exhorte les autorités concernées à « communiquer au détenu, dès son admission, ses droits ainsi que ses devoirs, constituer un dossier médical pour chaque détenu, dès son incarcération, catégoriser les détenus par chef d’accusation, degré de criminalité et par situation juridique ».
De plus, l’organisme de défense des droits humains recommande de construire une prison moderne pour femmes respectant les normes nationales et internationales en la matière, construire des dortoirs et des réfectoires répondant aux besoins du personnel pénitentiaire.
Sur le plan légal, l’étude du Rnddh demande de réviser la législation haïtienne en matière de détention et prévoir des alternatives à l’emprisonnement. Elle conseille de régulariser les visites des magistrats sur les lieux de détention, de juger dans un délai raisonnable toutes les personnes en détention préventive, d’instituer une structure de suivi post-pénitentiaire, entre autres.
Supportée par le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (Droits & Démocratie), l’étude du Rnddh s’intitule « Réforme carcérale et droits des personnes incarcérées ».
Laquelle étude répond à une nécessité de prise en charge effective des personnes incarcérées dans la mesure où les conditions de détention sont, en Haïti, inhumaines et dégradantes, selon Marie Yolène Gilles du Rnddh.
Danièle Magloire, de l’Organisation non gouvernementale (Ong) canadienne Droits & Démocratie, considère ce travail comme un pas vers la bonne direction.
Toutefois, la militante féministe déclare n’avoir pas la prétention que cette étude va tout résoudre. Voilà pourquoi elle estime nécessaire pour l’Etat d’harmoniser tous les textes de loi concernant les droits humains y compris les droits des femmes. [do rc pr 06/08/2009 14 :30]