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Dégradation constante de la situation des droits humains en Haiti

P-au-P., 6 nov. 03 [AlterPresse] --- L’expert indépendant des Nations Unies pour les Droits Humains en Haïti, Louis Joinet, très préoccupé par la dégradation croissante des atteintes aux droits fondamentaux dans le pays. « l’Etat d’impunité se substitue toujours plus à l’Etat de Droit », a-t-il déclaré ce 5 novembre lors d’un compte-rendu de sa 3ème visite en Haiti.

Selon Louis Joinet, cette impunité s’enracine entre autres « dans l’aggravation de la crise d’identité que traverse la police et les dysfonctionnements récurrents de la justice ». L’image de cette institution est ternie par ce que le magistrat français appelle des « pseudo-policiers dont le flou statuaire est source de confusion aux yeux de l’opinion, voire des policiers eux-mêmes ».

Louis Joinet souligne dans son rapport, l’émergence d’une police parallèle composée notamment des agents de la « Brigade Spéciale - BS ». Cette unité de police n’apparaît pas dans l’organigramme officiel de la police, a fait remarqué le juriste francais. « Il s’agit donc, incontestablement d’une police parallèle dont je demande la dissolution », a-t-il dit.

En dépit des démentis des autorités lavalas, l’expert indépendant des Nations Unies a également souligné la réapparition des « attachés ». Ces individus, qui seraient chargés d’exécuter « les basses œuvres », sont clairement identifiés dans un rapport de la Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens. L’un d’entre eux, René Jean Anthony, avait de surcroît reconnu son statut alors qu’il participait à un débat public sur les ondes de radio Caraïbes, a rappelé Louis Joinet. « Alors qui ment », s’est-il interrogé, mettant en doute les versions fournies par le gouvernement au sujet de l’affaire des attachés.

Dans son rapport, le magistrat français a également posé le problème du non-respect, par les plus hautes autorités de l’Etat, de l’indépendance des magistrats. Il a cité en exemple des mesures qui, « par un artifice juridique, ont permis d’écarter trois magistrats (au Cap-Haitien), saisis d’affaires que l’on qualifie habituellement de sensibles ». Il a également évoqué le cas du Commissaire du Gouvernement de Gonaives qui « a été écarté au profit d’un Juge de Paix de Delmas (Port-au-Prince) ne remplissant aucune des conditions minimum d’accès à ces importantes fonctions ».

Le magistrat a touché du doigt le dysfonctionnement de la Justice et des tribunaux en particulier, au préjudice des prisonniers en détention préventive prolongée. « A Pétion-Ville (périphérie Est de Port-au-Prince), par exemple, j’ai constaté la présence de 3 condamnés pour 95 mandats de dépôt ! L’un d’entre eux est détenu depuis 1995, pour vol sans jugement ! »

Louis Joinet a, d’autre part, condamné les déclarations intimidatrices faites par certains prêtres catholiques proches du pouvoir contre la presse. Il a dénoncé parallèlement les violations de la liberté de manifestation par des membres des bandes lavalassiennes appelées organisations populaires. « En ce moment on assiste d’ailleurs à l’implosion de ces dernières », a signalé Louis Joinet.

Qualifiant la situation générale d’Haïti de très grave, le magistrat a lancé une mise en garde à l’endroit des commanditaires de ces violations en leur rappelant l’existence d’une justice internationale. « Les temps changent. Il existe désormais une justice internationale. Qu’ils se méfient avant qu’il ne soit trop tard, de cette épée de Damoclès ! » [jf gp apr 06/11/2003 15:00]