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Haiti : Les mécanismes de financement du développement local, à réformer ou inventer

Par Maude Malengrez

P-au-P., 24 juil. 09 [AlterPresse] --- La sixième édition des journées portes ouvertes sur le développement local se tient à Juvénat (périphérie est de Port-au-Prince) jusqu’à ce vendredi 24 juillet, à l’invitation des ministères de la planification et de la coopération externe (Mpce), de l’agriculture, des ressources naturelles et de développement rural (Marndr) et de l’intérieur et des collectivités territoriales (Mict), observe l’agence en ligne AlterPresse.

Le thème retenu cette année est une question : « Quels mécanismes de financement pour le développement local ? », alors que les difficultés d’accès aux financements pour les petits entrepreneurs sont toujours et plus encore d’actualité, particulièrement dans le monde rural.

Le Programme pour le développement local en Haiti (PDLH, financé par la coopération canadienne), organisateur de ces journées, a notamment pour objectif de promouvoir la culture de l’entreprise au niveau local en Haiti.

Promouvoir l’entrepreneuriat

Lors de la première journée de ces portes ouvertes cuvée 2009, deux expériences d’entrepreneuriat ont été exposées aux participants, qui ont mis en lumière le caractère « de survie » de l’entrepreneuriat en Haïti, selon les termes de Lionel Pressoir, actuel entrepreneur dans le secteur du tourisme, après la confection. Il a également pointé la décapitalisation dont souffrent les petits entrepreneurs et producteurs.

Actuellement, il encadre de jeunes entrepreneurs à Milot, commune accrochée à la Citadelle Laferrière (Nord), pour développer l’hébergement de tourisme.

Selon lui, il faut appuyer le secteur privé et sortir de la vision selon laquelle ce dernier ne correspondrait qu’à un petit nombre d’entreprises qui évoluent dans le secteur formel, soit l’élite traditionnelle. « C’est une mauvaise conception qui fait que tout le monde croit que l’aide au privé équivaut au renforcement de cette élite. Or, il faut que des jeunes se lancent », martèle Lionel Pressoir, se rappelant du jour où il avait commencé la confection de maillots dans un petit garage avec 900 dollars US en poche. Il finira par fournir du travail à 1800 personnes, avant que son entreprise ne soit détruite lors de troubles politiques.

Gregory Hilaire est venu présenter l’expérience de Gama, une entreprise sur Delmas (municipalité au nord-est de la capitale) qui avait été détruite lors des émeutes de la faim le 8 avril 2008 avec en fond ce slogan « an n krase biznis boujwa ». « Pourquoi cela arrive-t-il ?, questionne Gregory Hilaire. Parce que les gens n’imaginent pas que la personne qui dirige cette entreprise est comme eux… ».

L’individualisme a également été pointé comme l’une des valeurs à combattre pour passer à celles, plus collectives, selon lesquelles les entrepreneurs quels qu’ils soient se regroupent pour développer un intérêt commun, via des associations, des chambres, des coopératives.

Sécuriser et financer

De nombreux écueils dans la situation que vivent les entrepreneurs actuellement ont été soulignés comme des obstacles au développement de cette culture d’entreprise en milieu urbain comme rural. L’un des participants, reprenant les mots de Gregory Hilaire, notait : « le plus important pour entreprendre serait d’avoir l’idée, mais pour des gens qui n’ont même pas de papiers d’identité, la tache est très difficile ».

Le manque d’infrastructures, l’insécurité foncière, l’absence de cadastre, de mécanismes d’appui financiers adéquats et d’accès au crédit, particulièrement dans le monde rural, ont été relevés lors d’ateliers, tout autant que certaines opportunités, comme l’existence d’institutions de microfinance de proximité et la disponibilité de ressources non utilisées.

Certains participants ont avancé la nécessité de repenser le système de la microfinance pour l’adapter aux besoins des communautés, de former et d’encadrer les entrepreneurs avant l’octroi de crédits, d’assurer le suivi du processus de production et pour les bailleurs de se mettre ensemble afin de créer des fonds de financement et de garantie avec la mise en place d’un système d’assurance pour les microentrepreneurs.

« Il faut des assurances adaptées aux risques », « il faut revoir le système d’accès au crédit », pouvait-on encore entendre. L’activité agricole est la plus risquée en regard des pertes de récolte : quel mécanisme mettre en place pour l’exploitant agricole qui perd sa récolte alors qu’il avait contracté un crédit ? Pour beaucoup, révolutionner le crédit passe par une révolution au sein de la microfinance, et le fait d’envisager des produits de crédit qui prennent en compte les risques liés à l’activité de celui qui le contracte.

Selon certains participants, la microfinance n’est pas adaptée au secteur de l’agriculture en regard des risques existants. Que faire pour les agriculteurs qui ont pourtant besoin de sommes conséquentes pour les intrants, payer les travailleurs agricoles ?

Pour certains, la microfinance a montré qu’elle est inefficace en milieu rural et il serait temps d’en tirer les conclusions. Les coopératives agricoles ont été abordées comme l’un des seuls moyens pour les paysans d’accéder à des produits financiers adéquats, secteur dans lequel les organisations internationales pourraient jouer un grand rôle au niveau du financement et de l’encadrement.

Au cours de cette première journée, la question de départ « quels mécanismes financiers pour le développement local », était en tous cas loin d’être tranchée. [mm gp apr 24/07/2009 00 :30]