Par UNFPA*
P-au-P, 11 juillet 2009 - Dianite Charles est une jeune ouvrière de vingt-trois ans. Elle confectionne des manches de maillots dans une des usines d’assemblage de Port-au-Prince. Nominalement, son salaire journalier est de cent soixante-dix gourdes. Mais elle atteint difficilement le quota (de production) horaire requis pour avoir droit à ce montant.
Ses difficultés financières - jointes au manque de temps - la contraignent à confier (la garde de) sa seule et unique fille - âgée de trois ans - à sa mère. Celle-ci vit à Hinche - dans le département du Centre - sa ville natale.
« L’enfant parle déjà très clairement, et ce depuis l’âge de deux ans. Elle aurait dû aller à l’école. Mais pour le moment, nos moyens ne nous le permettent pas », lâche avec tristesse Dianite Charles.
Jusqu’à l’âge de 1 an, la fille de cette jeune ouvrière vivait sous son toit. Ceci était possible grâce à l’aide de son compagnon, qui travaille également dans une usine d’assemblage. Il confectionne des cols de maillots.
Mais ses maigres économies se réduisant chaque jour davantage en peau de chagrin, le couple a choisi de se séparer de son enfant.
En mars 2009, la Banque mondiale alertait l’opinion sur le fait que la crise économique risquait d’entrainer, au cas où les décideurs ne prenaient des mesures de redressement appropriées, une augmentation de la mortalité materno-infantile ainsi qu’un accroissement du taux d’abandon scolaire chez les filles et de la violence à l’égard des femmes et des filles. Haïti dispose du taux de mortalité maternelle le plus élevé dans la Caraïbe. Selon l’OPS-OMS, les causes le plus souvent à la base de la mortalité maternelle en Haïti sont la grossesse extra-utérine, les complications consécutives à un avortement, l’hémorragie du post-partum, les maladies infectieuses et parasitaires, le décollement prématuré du placenta et l’éclampsie.
Selon la représentante du Fonds des Nations Unies pour la Population en Haïti, les conséquences découlant de la maladie ou la mort d’une femme dans une communauté vont affecter la communauté toute entière. Ces effets se prolongent, ajoute Tania Patriota, bien au-delà de la vie de chaque femme.
Pour ne pas compliquer sa situation socioéconomique et celle de sa famille, Dianite Charles ne projette pas d’avoir un deuxième enfant. Et pour cause, elle recourt à une méthode contraceptive.
« Je me faisais administrer tous les trois mois une piqure. Je cherche à avoir plus d’information sur la planification familiale », souligne-t-elle.
« Le but de l’UNFPA n’est pas de porter les femmes à limiter les naissances, mais de préférence de s’assurer que chaque personne ait le droit de décider de l’espacement des naissances et du nombre d’enfants qu’elle souhaite avoir », rappelle la représentante de l’UNFPA.
Quand nous avions interviewée Dianite Charles, elle était dans une clinique du Centre de promotion des femmes ouvrières (CPFO), située au Parc industriel.
Cette organisation non gouvernementale, qui bénéficie du support de plusieurs institutions dont l’UNFPA, encadre les femmes ouvrières - à travers sa clinique - dans les domaines de la prévention (du cancer du col de l’utérus et des IST-Sida), des soins prénatals et de la planification familiale.
« À la clinique, nous ne restons pas sur nos lauriers et attendons que les femmes ouvrières viennent à nous. Nous dépêchons aussi des promotrices dans les usines de sous-traitance pour les informer des différents services qu’on leur offre », précise l’infirmière Agate Édouard Berthomieux.
La responsable de la clinique (du CPFO) se réjouit du fait que ces femmes finissent par comprendre les bienfaits de la planification familiale. « Dans le secteur de la sous-traitance, leur salaire journalier n’est pas énorme. Si elles ne planifient par leur vie, elles vont en payer les conséquences. Elles ont bien compris cela », ajoute Agate Édouard Berthomieux.
Selon la directrice de la Santé de la famille au Ministère de la santé publique et de la population, dans un pays comme Haïti, un pays pauvre, la planification familiale a toute son importance.
« Elle permet, dans une certaine mesure, la réduction et l’espacement des naissances, la réduction du taux de mortalité et de grossesse non désirée. En bout de ligne, la population a le temps de s’organiser pour pouvoir répondre aux besoins des enfants qui naissent », estime Dr Guirlaine Raymond.
La directrice exécutive de l’UNFPA estime pour sa part que « l’investissement dans la santé reproductive, et plus particulièrement dans la planification familiale, est d’autant plus importante pendant la crise ».
C’est de cette façon, souligne Thoraya Ahmed Obaid, que les pays peuvent connaître des avancées au profit des femmes et des familles. « Il n’y a pas d’investissement plus avisé, qui comporte des rendements aussi élevés sur les plans économique et social, que l’investissement dans la santé et les droits des adolescentes et des femmes », renchérit-elle.
La directrice de la santé de la famille (au MSPP) assure que l’État haïtien consacre des ressources à la santé reproductive (la planification familiale comprise).
Cet investissement est dirigé entre autres, indique Dr Guirlaine Raymond, vers les points de prestation, vers les ressources humaines (allusion au personnel affecté directement ou indirectement à la santé reproductive), vers les infrastructures (hôpitaux, centres de santé, matériel roulant et informatique) et (vers) les intrants (méthodes contraceptives, médicaments, soins obstétricaux). S’agissant des intrants, la responsable sanitaire souligne que Haïti bénéficie du support de plusieurs organismes comme l’UNFPA et l’USAID.
Si les intrants sont disponibles sur le marché, le faible pouvoir d’achat de la population haïtienne, et des femmes en particulier, risque d’annihiler les efforts et initiatives en matière de santé reproductive.
Par exemple, à la clinique du Centre de promotion des femmes ouvrières (CPFO), malgré la gratuité de la plupart des services offerts (consultations et formation entre autres), des femmes ouvrières ont dû mal à répondre à un minimum de services payants. Nous faisons particulièrement allusion à un examen (de laboratoire, n’importe lequel) dont le tarif s’élève à cinquante gourdes à la clinique (du CPFO) contre environ quatre cents gourdes dans un autre laboratoire. Des patientes ne peuvent non plus se procurer les médicaments en dépit du fait que le centre les leur offre au prix d’acquisition (de ces médicaments).
« Pour se sentir bien, il faudrait que nous fassions (nous leur donnions) tout gratuitement. Cela vous donne une idée de l’état de dénuement des gens. Quand, dans le cadre d’un traitement, on veut vérifier l’effet de quelques médicaments sur leur organisme, c’est alors qu’on réalise qu’elles ne les avaient jamais pris », explique l’infirmière Agate Édouard Berthomieux.
Selon l’économiste Kesner Pharel, l’augmentation du taux de chômage aux Etats-Unis, consécutivement à la récession qu’a connue ce pays (la plus grande économie du monde), est aussi à prendre en compte dans l’explication du désarroi des catégories vulnérables dont les femmes.
« Il y a beaucoup d’Haïtiens qui sont en train de perdre leur emploi aux Etats-Unis. Ils ont moins de capacité pour envoyer des fonds à leurs familles en Haïti. Et comme ces familles dépendent considérablement de ces transferts, que ce soit pour l’éducation, la santé et la nourriture, vous pouvez comprendre que ça va affecter l’économie nationale, le fait qu’il y ait une baisse des transferts de devises », souligne le PDG du « Group Croissance ».
De l’avis de la représentante de l’UNFPA en Haïti, la crise financière mondiale est en train d’affecter de façon particulière les femmes et les jeunes filles qui son déjà en temps normal des groupes moins favorisés que d’autres dans les pays en développement. « Ce sont elles qui affrontent aussi plus de risque pendant cette période de crise, martèle Tania Patriota.
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* Tribune commanditée
United Nations Population Fund
http://www.unfpahaiti.org
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