De notre envoyée spéciale
Karenine Francesca Théosmy
Belladère (Haïti), 7 juil. 09 [AlterPresse] ---Située dans le département géographique du Plateau central, la ville de Belladère (à environ une centaine de kilomètres au nord-est de Port-au-Prince) a accueilli, le premier week-end de juillet 2009, les jeux de la paix et de l’amitié haitiano-dominicaines, dans une atmosphère de joie et d’ambiance festives, a observé l’agence en ligne AlterPresse.
Belladère a vu affluer pour ces jeux 325 athlètes des deux pays, sans compter les arbitres, les officiels haïtiens et dominicains, les volontaires, les responsables de la sécurité, les accompagnateurs des athlètes (beaucoup ont moins de 18 ans), toute une équipe dont le nombre se situerait entre 600 et 700, selon le directeur des jeux, Alexandre Dubois.
Des Haïtiens, venus de partout, de la capitale surtout mais également d’autres villes du département géographique du Plateau central, comme Mirebalais, se sont donné rendez-vous dans cette ville située à quelque kilomètres seulement de la ville dominicaine Elias Pina ou Comendador.
C’est d’ailleurs cette position géographique qui lui a valu le choix du Comité olympique haïtien(Coh), initiateur de ces jeux de l’amitié.
L’activité sera poursuivie pendant dix ans, chaque fois avec deux villes frontalières, pour améliorer les relations entre haïtiens et dominicains, indique à AlterPresse le président du Coh, Jean Edouard Baker.
Aux yeux des organisateurs, Belladère a servi parfaitement de cadre à ce rapprochement. Leur sentiment penche vers la satisfaction quant à la réalisation des jeux et par rapport à l’objectif.
« Voir avec quelle facilité nos dirigeants et athlètes pouvaient passer la frontière m’a fait rêver », a déclaré Baker dans un discours prononcé à Elias Pina, le dimanche 5 juillet 2009, lors de la clôture des jeux.
Pour sa part, Alexandre Dubois juge qu’ « en terme d’objectif, les deux peuples sont sortis gagnants ».
Belladère, un cadre unique
Vendredi 3 juillet 2009, lle coup d’envoi des épreuves sportives est donné en fin de matinée par une cérémonie qualifiée de « spectaculaire » par certains spectateurs.
La fête a gagné les rues dans la soirée : bandes à pied, animation de disc jockeys (DJ).
« Belladère est une ville riche. La majorité des habitants sont des jeunes. Sur le plan agricole, nous cultivons de l’arachide, du café, des haricots et des fruits à profusion. De plus, notre position par rapport à la frontière fait de nous un immense marché », explique Pierre Maxime Mondé, un originaire de Belladère qui était responsable de la sécurité pour les jeux.
Belladère offre aussi des perspectives touristiques à La Sève, site de la centrale hydroélectrique qui dessert la zone.
Pourtant, la ville n’aurait pas pu recevoir cette manifestation sportive en l’absence d’infrastructures.
Problèmes d’infrastructures et de logistique
« Il a fallu tout construire pratiquement. Rénover complètement le parc sportif, le terrain de foot, construire le terrain de handball, construire des douches », confie Alexandre Dubois.
Les infrastructures manquent également en terme de logement, selon le directeur des jeux.
Martine, une aubergiste, a transformé une maison qu’elle louait en hôtel : « J’ai constaté que je ne trouvais pas de locataires, alors j’ai transformé la maison en hôtel. J’ai mis des séparateurs dans chaque pièce, c’est comme ça que j’ai eu 10 chambres. », signale t-elle.
La plupart des hôtels ne sont pas mieux lotis.
« Il y a, à Belladère, un problème de logistique sérieux, auquel nous devons pallier », ajoute, de son coté, Techeler Anger, membre du Réseau frontalier Jeannot Succès (RFJS), accompagné par la plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr)
Dans certains établissements, il n’y a que des douches communes, dit-il pour donner une idée de l’ampleur de la situation.
Par ailleurs, les routes sont en très mauvais état dans la zone, surtout le tronçon Lascahobas-Belladère. Les chauffeurs se plaignent de leurs pneus que la route use impitoyablement.
En outre, il y a la question du rapatriement de sans papiers de la république voisine vers Haïti.
Rien que pour le mois de mai 2009, 1316 rapatries ont débarqué aux portes de Belladère. Seulement pour la journée du 22 juin 2009, le nombre était de 205 personnes.
Belladère, centre de rapatriement de sans papiers de la Républlique dominicaine ?
D’après les propos de Techeler Anger, Belladère est l’une des villes frontalières par ou arrivent fréquemment de nombreux sans papiers, y compris des ressortissants étrangers à la peau noire (qui ne sont ni Dominicains ni Haïtiens) rapatriés par la République Dominicaine.
« Ces gens débarquent souvent sans papiers, sans argent, ni aucun contact avec leur famille. A leur arrivée, il leur faut logement, vêtements, mais aussi une prise en charge psychologique. Certains ont parfois été enfermés pendant plusieurs jours, avant leur renvoi en Haïti sans nourriture".
Hommes, femmes, enfants : Belladère en accueille parfois des centaines par jour.
« Lorsque les Dominicains déclarent qu’un Haïtien a assassiné l’un de leur compatriote, ils massacrent des dizaines d’Haïtiens en représailles. Du coup, dans les jours qui suivent, les rapatriés affluent par centaines à la frontière », raconte l’animateur du RFJS.
Il rappelle qu’avant l’accompagnement de la plateforme Garr dans la région, c’est la ville de Belladère et ses habitants qui devaient prendre en charge les rapatriés, sans structure adéquate, et avec les désastres sanitaires que cela implique.
Mais depuis, des efforts ont été accomplis. Ainsi, dès six heures du soir, les convois cessent-ils leurs débarquements. Durant les week-ends, les rapatriements sont suspendus.
Des activités, comme les jeux de la paix et de l’amitié haitiano-dominicaine, s’inscrivent dans le cadre d’une volonté d’accomplir plus d’efforts. A coté des jeux de l’amitié, la foire binationale est une autre activité qui vise le rapprochement haitiano-dominicain.
Conviant les peuples de l’ile d’Haiti à poursuivre cette amitié dans les relations frontalières, le président du comité olympique dominicain donne rendez-vous l’an prochain, en 2009, à Ganthier et à Jimani (à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Port-au-Prince) pour la 4e édition. [kft rc apr 7/07/2009 10 :30]