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Haiti-France : Rapatriements massifs d’Haitiens de France en perspective

Appel du collectif Migrants outre-mer (MOM)

Soumis à AlterPresse le 18 juillet 2009

(…)

Migrants outre-mer (Mom) est un collectif de 13 associations françaises engagées
dans la défense des droits des migrants dans les territoires et départements
d’outre-mer de la France. Mom est préoccupé par la négociation en cours d’un accord
de réadmission vers Haïti de migrants haïtiens résidant en France en situation
irrégulière. La signature d’un tel accord aura des conséquences dramatiques tant
pour les Haïtiens résidant en France sans titre de séjour (dont le renvoi vers Haïti
sera facilité et accéléré) que pour leurs parents recevant en Haïti les transferts
d’argent.

Avec le soutien de la Plate-Forme des Associations Franco-haïtienne (PAFHA) et
l’Union des associations latino-américaines en France , Mom souhaite sensibiliser la
société civile haïtienne aux enjeux d’un tel accord que le gouvernement français
veut conclure en 2009, comme prévu par le document cadre de partenariat France-Haïti
2008-2012 (chapitre « Immigration et codéveloppement »).

L’ambassade de France communique largement sur l’aide au développement qu’elle
apporte à Haïti, mais sans dire que la contrepartie de cette aide est la lutte
contre l’immigration irrégulière et la signature d’un accord de gestion concertée
des flux migratoires (dit « de réadmission »).

La France a déjà signé ce type d’accord, sous des terminologies diverses, avec le
Gabon, la Tunisie, la République du Congo, le Bénin, le Sénégal, le Cap Vert,
Saint-Lucie, la Dominique, le Brésil, le Surinam, etc. Elle négocie actuellement
avec Haïti, le Cameroun, les Philippines et le Mali.

Les accords de gestion « concertée » des flux migratoires comprennent 3 volets :

• Le 1er sur les possibilités de « migration légale » (délivrance de visas : ainsi,
les Saint-Luciens et les Dominiquais sont exemptés de visa pour un séjour
touristique de 15 jours maximum par an dans les départements français d’Amérique),
octroie des titres de séjour temporaires principalement pour des motifs
professionnels, dont la carte « compétences et talents », avec un quota de cartes par
an (150 pour le Congo et le Bénin, 1500 pour la Tunisie).

• Le 2ème sur la lutte contre l’immigration irrégulière, avec des clauses par
lesquelles les Etats s’engagent à réadmettre leurs propres ressortissants en
situation irrégulière voire, pour certains (Congo, Bénin), prévoit d’interdire
l’entrée sur le territoire d’un pays européen des ressortissants de pays tiers ayant
simplement transité par leur territoire.

• Le 3ème volet concerne le co-développement dont les montants investis dans des
microprojets sont largement inférieurs aux transferts envoyés par les migrants à
leurs familles.

Ces accords sont particulièrement inéquitables, car ils prétendent distribuer de
faibles montants d’aide au « codeveloppement » et seulement quelques visas aux jeunes
diplômés en échange du durcissement de lutte contre l’immigration irrégulière et le
renvoi (ou réadmission) des migrants sans autorisation de séjour dans leur pays
d’origine.

L’Italie et l’Espagne ont déjà passé des accords de ce type avec la Libye, la
Tunisie et l’Egypte (pour l’Italie) et avec des pays de l’Afrique subsaharienne
(pour l’Espagne dans le cadre de son « plan Afrique »). Sur cette base, des renvois
massifs ont été opérés dans des conditions dénoncées par des ONG de défense des
droits de l’homme et des réseaux associatifs comme Migreurop . En 2008, Amnesty
international a rendu public un rapport pour médiatiser la situation dramatique de
migrants renvoyés depuis l’Espagne vers la Mauritanie, en exécution d’un accord de
réadmission signé en 2003 . A cette occasion, Amnesty a fait état de pratiques de
détention prolongée, de mauvais traitements, d’absence de procédure équitable du
droit d’asile, de renvoi des mineurs isolés, etc.

En 2007, la France a reconduit à la frontière plus de 50 000 migrants. La moitié de
ces expulsions a eu lieu à partir des départements et territoires d’outre-mer. Or,
les Haïtiens résidant en France sont principalement établis en Guyane, en
Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin. Sur le million d’habitants des
départements français d’Amérique (DFA), 38% des étrangers en situation régulière
sont Haïtiens et les sans-papiers sont évalués à 57 000 personnes. A défaut de
chiffres exacts, on peut évaluer à 21 000 au moins les Haïtiens en situation
irrégulière dans les DFA. Toujours en 2007, 67% des individus expulsés de Guadeloupe
étaient de nationalité haïtienne.

Aussi, la signature entre la France et Haïti d’un accord de réadmission ne peut
qu’accroître davantage le nombre d’Haïtiens expulsés, rendant plus difficile la vie
de leurs familles tant dans les DAF qu’en Haïti.

Il est donc urgent que l’ambassade de France et le gouvernement d’Haïti rendent
publique les négociations de l’accord qui, sous prétexte du codéveloppement, va
précariser la vie de nombreuses familles. Pour ce faire, il est impérieux que les
sociétés civiles haïtienne et française se mobilisent ensemble pour empêcher la
signature d’un tel accord. Elles peuvent interroger les gouvernements français et
haïtien pour les mettre face à leurs responsabilités et informer la population du
gâchis humain qu’impliquent les expulsions de migrants.

Rappelons-nous que grâce à une telle mobilisation, les sociétés civiles malienne et
française ont pu faire obstacle jusqu’à ce jour à la signature de l’accord
franco-malien.

Mom, dont le Collectif Haïti de France fait partie, la PAFHA et l’Union des
associations latino-américaines en France invitent donc la société civile haïtienne
à se mobiliser contre la signature de l’accord de réadmission France-Haïti, à
questionner les autorités haïtiennes et à rester en contact via le Collectif Haïti
de France : contact@collectif-haiti.org.

Migrants outre-mer - www.migrantsoutremer.org

Plate Forme des Associations Franco-haïtienne - http://haitiensenfrance.online.fr

Union d’Associations Latino-américaines en France - www.unionlatinos.org