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Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU examine le rapport sur Haïti

La réforme de la police connait quelques progrès, celle de la justice piétine

P-au-P, 16 juin 2009 [AlterPresse] Michel Forst, l’expert indépendant aux droits de l’Homme pour Haïti, présente ce 16 juin 2009 son rapport à l’examen de la onzième session ordinaire du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genêve. S’il pointe des améliorations liées à la situation sécuritaire ou à des avancées législatives, le rapporteur revient sur des dossiers cruciaux enlisés dans l’inertie, principalement la réforme de la justice.

La onzième session ordinaire du Conseil des droits de l’Homme s’est ouverte le 2 juin 2009 pour une durée de trois semaines durant lesquelles sont examinés les rapports d’une douzaine de rapporteurs spéciaux, dont Michel Forst, expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme en Haïti. Ce dernier y présente son rapport ce 16 juin. AlterPresse a pu prendre connaissance de ce document qui se concentre sur les droits civils et politiques dans le pays et établit une série de recommandations à ce niveau.

PNH : Réforme visible

« Dans le domaine des réformes des deux piliers traditionnels de l’état de droit que sont la police et la justice, l’expert indépendant a été frappé par l’apparente disparité des moyens qui semblent avoir été alloués aux réformes en cours dans le domaine de la police et de la justice ».

Pour Michel Forst, quand bien même la confiance entre la population et la police est loin d’être rétablie, la réforme de la Police Nationale d’Haiti (PNH) est visible, ce qui n’est pas le cas pour la justice. Il insiste sur le fait que « les réformes dans ces deux domaines doivent impérativement aller de pair ».

Par rapport à l’objectif fixé d’atteindre un effectif de 14.000 policiers dans les rangs de la PNH en 2011, l’expert indépendant « a eu le sentiment que les contraintes liées au recrutement et à une formation très courte risquaient de ne remplir que partiellement les objectifs de qualité au profit d’un objectif de quantité, risquant de compromettre l’objectif de restauration de la confiance de la population dans sa police nationale ». Il s’inquiète également du retard pris dans le cadre du processus de certification dans les rangs de la PNH.

La justice piétine

Malgré les avancées que représentent l’adoption du plan de réforme triennal de la justice et les trois lois sur l’indépendance de la justice adoptées en décembre 2007, « le sentiment général domine que la réforme piétine, prend du retard, en partie faute de décision prise sur un élément essentiel » : la nomination attendue depuis 5 ans du Président de la Cour de cassation, également Président de Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et le lancement du programme de certification des magistrats.

Pour Michel Forst, « la nomination du Président de la cour de cassation permettrait de débloquer un certain nombre de situations, favorisant ainsi la marche des réformes, telles que le fonctionnement du CSPJ ».

Selon l’expert indépendant, la mise en oeuvre de la lutte contre la corruption semble tarder malgré les nombreuses déclarations. « En matière de traitement judiciaire, l’expert indépendant souhaite rappeler que la mise en place rapide de chambres spécialisées chargées de traiter de certains crimes graves à connotation politique ainsi que des crimes à caractère économique et financier serait sans aucun doute l’un des moyens de lutter efficacement contre la corruption ».

Au niveau de la détention préventive, la situation est jugée alarmante, car elle concerne 80 % des personnes détenues dans le pays et sa durée moyenne est de 2 ans pour des crimes et de un an à dix-huit mois pour des infractions correctionnelles. Le rapport recommande à ce niveau de « donner à la Commission consultative sur la détention préventive prolongée (CCDPP) un nouveau mandat national lui permettant d’examiner, selon des critères clairs et vérifiables, les cas de délits mineurs ou de détention arbitraire et veiller à ce que les libérations ne puissent être autorisées que par un groupe de travail composé de magistrats, afin d’éviter la libération de criminels dangereux. »

Cette situation, s’ajoutant à la destruction de certains établissements pénitentiaires notamment due aux cyclones, provoque une surpopulation carcérale aigüe où les conditions sanitaires sont déplorables.

Le rapport s’inquiète également du nombre de cas de justice populaire et du manque de sanction de ces derniers, ce qui va à l’encontre de la construction d’un état de droit. La justice des mineurs est une autre préoccupation exprimée dans le document.

L’exploitation des êtres humains, les violences faites aux femmes, la question des déportés figurent également dans le corps du rapport ainsi qu’un rappel de l’importance des droits économiques, sociaux et culturels qui seront l’objet de plus de développement lors de prochains travaux.

A la veille d’un nouveau scrutin en Haïti, l’expert rappelle qu’ « une précédente commission d’experts avait également mis en relief la périodicité rapprochée des élections en Haïti et plaidait implicitement en faveur de compétitions électorales générales tous les cinq ans, permettant d’accroître la stabilité politique, de réduire les possibilités de tension et la dépendance d’Haïti en matière de sécurité et d’aide internationale et de dépenser moins d’argent ». [mm gp apr 16/06/09 0 :30]