Un nouveau cas extrêmement grave de violences sexuelles à l’encontre d’une femme qui souffrait de troubles mentaux vient d’être révélé à AlterPresse. Il s’est produit à Savanette, dans le plateau central, où la victime est décédée des suites de ses blessures. Les organisations de femmes sensibilisent l’opinion publique sur ces cas de violence à l’égard des “folles” et réclament justice.
Par Maude Malengrez
P-au-P, 12 juin 09 [AlterPresse]--- Marjorie Hilaire, 35 ans, a été violée par 14 hommes, le 29 mai dernier, à Savanette-Frontière, dans le département du Centre, selon les informations recueillies par Madame Sylvanie, la représentante du Ministère de la condition féminine pour le bas-plateau central.
La victime souffrait de troubles mentaux. Elle dormait dans la rue. Après avoir été violée, elle a été conduite à l’hôpital pour une prise en charge médicale, selon des précisions obtenues par AlterPresse.
Sans pour l’instant savoir comment s’est ébruité le statut séropositif de Marjorie Hilaire, les auteurs, mis au courant, ont alors organisé des représailles particulièrement violentes. Le 30 mai dans la soirée, alors qu’elle se trouvait dans une maison affermée pour elle par la mairie de Savanette, certains de ses agresseurs se sont introduits dans la maison et l’ont mutilée à l’aide de lames de rasoirs à de nombreux endroits du corps et particulièrement au niveau de l’appareil génital, selon les informations recueillies par l’organisation Fanm Tèt Kole Savanèt.
Le 31 mai, Marjorie Hilaire succombait à ses blessures.
Ce nouveau cas de violences sexuelles met en lumière la vulnérabilité, plus grande encore, des femmes souffrant de troubles mentaux ou de handicap dans la société haïtienne.
“Les gens continuent à considérer des cas, comme celui-là, moins graves, parce que ces personnes souffrent de troubles mentaux”, témoigne Saniece PetitPhat, membre du Comité de droits humains de Savanette.
Vigilance face à l’appareil judiciaire
La police a interpellé l’un des agresseurs supposés de Marjorie Hilaire, qui, jusqu’à présent, nie sa participation au viol. Fanm tèt kole Savanèt, Rezo fanm fontalye et le Comité des droits humains de Savanette interpellent les autorités compétentes afin que justice soit rendue sur ce nouveau cas de violence sexuelle.
La police recherche actuellement les autres auteurs du crime, tandis que la représentation du Ministère à la condition féminine dans la zone mène également ses propres investigations.
“Les juges de paix sont habilités à mener des instructions préliminaires concernant des crimes, car ils ont aussi le statut d’officiers de police judiciaire”, précise Israël Petit-Frère, juriste à l’Unité de recherche et d’action médico-légale (Uramel).
Le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr), dans un rapport sur les violences sexuelles dans le bas-plateau central en 2007 et 2008, rappelle cependant que “le fait que les juges de paix aient souvent beaucoup de fonctions (juges de paix, officiers de police, conciliateurs, etc.) les amène à être trop occupés pour recueillir correctement ces informations préliminaires”.
L’unique prévenu a été transféré à la prison de Mirebalais par des agents de la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation d’Haiti (Minustah) afin d’être traduit en justice devant le Tribunal de Première instance de la zone, seul habilité à juger des cas de viols, qui sont des crimes selon le code pénal haïtien.
C’est un premier pas important.
En effet, “il existe une tradition malheureuse, selon laquelle des tribunaux de paix outrepassent leurs compétences pour juger de cas de viols, alors qu’ils doivent systématiquement transférer ces cas à un tribunal de première instance”, explique Israël Petit-Frère.
“Le plus souvent, les violences à l’encontre des femmes sont considérées comme des infractions et traitées par voie de fait, même si une autre instance judiciaire est habilitée à les qualifier de crimes”, explicite le rapport du Garr.
Lors de l’instruction préliminaire, les juges de paix proposent régulièrement une conciliation aux familles des victimes, ce qui est totalement illégal. Il est du ressort du commissaire du gouvernement d’intervenir pour faire cesser ces pratiques.
Mais le Garr relève de nombreux cas où les agresseurs sont relâchés après avoir versé une certaine somme, et ce également au niveau du parquet.
En septembre 2007, le présumé violeur d’une femme de 26 ans souffrant de troubles mentaux avait été relâché après négociation d’une somme de 20,000 gourdes au niveau du tribunal de paix de Savanette.
Après l’intervention du Garr et du Comité des droits humains, il avait été arrêté à nouveau et transféré au parquet de Mirebalais. Peu après, il était relâché par le parquet sans que la justice ait eu le temps de faire son travail.
Menacées depuis lors, les représentantes de ces organisations de défenses des droits humains n’ont pas oublié ce cas et appellent à la vigilance pour qu’il ne se répète pas. [[mm gp apr 12/06/09 00 :30]