Par Wooldy Edson Louidor
Port-au-Prince, 30 mai 09 [AlterPresse] --- Les descendants de sans papiers, [notamment des Haïtiens], n’auront pas droit à la nationalité dominicaine, approuve le Parlement de la république voisine dans le cadre d’un projet de réforme de la constitution dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Les débats en République Dominicaine, autour de l’article 16 du projet de Réforme Constitutionnelle se référant à la nationalité dominicaine, semblent trouver une issue, du moins dans cette première étape de révision par le Parlement de la nouvelle Charte proposée par l’Exécutif.
L’Assemblée, « qui révise » le nouveau Projet de Réforme Constitutionnelle, soumis en septembre 2008 au Parlement dominicain par l’administration du président Leonel Fernández Reyna, vient de donner, dans la soirée du mardi 26 mai 2009, un vote favorable (166 pour et 27 contre) à l’article 16 de la Nouvelle Constitution du pays voisin.
« Qui sont dominicains et dominicaines ? », selon l’article 16 récemment approuvé par le Parlement
Les deux premiers alinéas de l’article 16 ne posaient pas problème, à savoir : « sont dominicains et dominicaines les enfants nés de pères et de mères dominicaines (alinéa a), ceux et celles qui jouissent déjà de la nationalité avant l’entrée en vigueur de la présente constitution (alinéa b) ».
Mais l’alinéa c du même article 16 vient d’être aussi approuvé, en dépit du fait d’avoir été contesté par les parlementaires considérés comme modérés sur la question de la nationalité dominicaine, notamment ceux et celles du Parti Révolutionnaire Dominicain (PRD).
Cet alinéa-polémique stipule que « sont dominicaines et dominicains ceux qui sont nés sur le territoire national, à l’exception de ceux qui sont fils d’étrangers membres de légations diplomatiques et consulaires ou d’étrangers qui se trouvent en transit ou qui résident illégalement sur le territoire dominicain. »
Par la suite, un paragraphe précise : « est considéré comme en transit tout étranger défini comme tel dans les lois dominicaines ».
Cependant, ce qui appelle le plus l’attention, c’est que l’Assemblée vient d’éliminer l’alinéa d, inclus dans le projet présidentiel de Réforme constitutionnelle, qui ajoutait que « sont dominicains et dominicaines ceux qui sont nés sur le territoire national de pères étrangers si la législation de leur pays d’origine ne leur attribue aucune nationalité ».
Cet alinéa prévoyait d’octroyer la nationalité dominicaine aux enfants nés de pères étrangers pour éviter les cas d’apatridie, si condamnés par les organismes internationaux de droits humains.
Les autres alinéas d, e, f et g de l’article 16 étendent la possibilité d’acquérir la nationalité dominicaine aux « enfants nés à l’étranger de père ou mère dominicain », à ceux et celles « qui se marient à un dominicain ou une dominicaine », aux « descendants directs de dominicains résidant à l’extérieur » et aux « naturalisés ».
Deux grands courants en conflit : le PRD et les Réformistes
L’alinéa c de l’article 16 avait généré, durant ces dernières semaines, beaucoup de débats au Parlement dominicain, sans qu’il ait été possible pour les parlementaires d’arriver à une issue. Une Commission spéciale a été formée au Parlement, le 7 mai 2009, pour réviser en profondeur l’article en question.
Ensuite, le président dominicain Leonel Fernández, initiateur du projet de réforme constitutionnelle, et le leader du PRD, Vargas Maldonado, ont dû conclure, le 14 mai 2009, un pacte politique sur la question.
Dans ce pacte, les deux plus grands leaders du pays voisin se sont engagés à « impulser une modification au régime de la nationalité en vigueur pour consacrer un nouvel ordre qui soumet l’attribution de la nationalité sur la base d’une combinaison entre le jus sanguini et le jus soli ».
D’autre part, le courant ultra nationaliste dominicain ne s’est pas fait attendre.
Dans un rapport, présenté au Parlement le même mardi 26 mai 2009, les parlementaires faisant partie de ce courant, généralement appelés « les réformistes », soutenaient qu’« avec l’invasion pacifique des étrangers illégaux que vit la République Dominicaine, on pourra se sauver seulement par l’établissement du droit du sang comme concept unique, en plus de la naturalisation pour obtenir la nationalité ».
Ce rapport a été immédiatement rejeté par l’Assemblée des parlementaires (172 voix contre, 20 pour).
La tendance prédominante des autorités dominicaines : réduire le jus soli
Cette première victoire, en faveur de l’article 16 du nouveau projet de réforme constitutionnelle, accuse une tendance prédominante en République Dominicaine, où les 3 pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, veulent continuer à adopter le jus sanguini comme principal mode d’acquisition de la nationalité dominicaine, tout en réduisant le jus soli.
Le refus d’octroyer la nationalité dominicaine, aux descendants des migrants irréguliers, fait partie de cette stratégie de réduction du jus soli dans la nouvelle architecture constitutionnelle dominicaine, en dépit de l’opposition des organisations de défense des droits humains (voir notre article : Réforme Constitutionnelle en Rép. Dominicaine : Les implications pour Haïti).
L’image d’Haïti, comme un État en faillite, et celle des migrants haïtiens, comme des envahisseurs pacifiques de la République Dominicaine, sont souvent utilisées par des secteurs officiels et surtout ultra nationalistes pour justifier la réduction du jus soli, ainsi que les multiples violations de droits humains, des abus et même des atrocités dont les Haïtiens et leurs descendants sont souvent victimes dans le pays voisin. [wel rc apr 30/05/2009 4 :48]