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Haiti-Infrastructure : Questions autour du projet de construction de la route Cayes-Jérémie

94 982 895,39 USD pour 81km, soit 1 172 628,33 USD par km

Par Franck Laraque [1]

Soumis à AlterPresse le 27 mai 2009

Coût élevé

Nous apprenons que « Le ministre des Travaux publics, l’ingénieur Jacques Gabriel et le représentant principal de la Firme internationale brésilienne, Construtora OAS Ltd, Cezar Uzeda, ont paraphé jeudi l’accord de construction de l’axe Cayes/Jérémie, la route Nationale #7 (81 km).

D’un coût total en dollars américains 94 982 895, 39, les travaux de construction de cette route débuteront en juillet prochain et dureront 30 mois ». Fonds pour le financement du projet : Canada $ 60 millions ; BID $ 25 millions (don ou prêt ?) et l’Etat haïtien : $ 9 982 895,39.

Le Parlement haïtien a-t-il approuvé ce projet ? Pourquoi le coût élevé de $ 94 982 895,39, soit $ 1 172 628 33 le km ? Rappelons que dans nos contrats de concession ( J.G. White, SHADA, Peligre ODVA, Brown and Root Company, Compania de Industrias Maritimas, les Grands Travaux de Marseille, Plantation Dauphin, Zones franches), environ le tiers du montant global a été absorbé par le matériel et la main-d’œuvre étrangère, les prébendes et pots-de-vin alors que les techniciens et travailleurs haïtiens recevaient des salaires dérisoires et que les paysans dépossédés de leurs terres devenaient des chômeurs. Ainsi « fut construite la route de dix kilomètres le long de Port-au-Prince-Pétionville, à un coût par kilomètre de 400 mille dollars, considéré comme le plus élevé du monde (Gérard Pierre-Charles : L’économie haïtienne et sa voie de développement, page, 149).

Qui recevra quoi ?

La firme Construtora OAS Ltd, Le Centre National des Equipements (CNE) construiront la RN 7 (CNE 13 kilomètres) et la supervision des travaux est confiée à la firme Louis Berger INC (Division caribéenne) basée à Panama et à Tesult International Limitée basée au Canada. Quel montant recevra chacune de ces organisations ? Quel montant sera accordé au matériel, aux experts étrangers et à la main-d’œuvre haïtienne ?

Fiabilité de certaines déclarations et de certains organismes

« Le développement de la Grand’Anse et le Sud par le désenclavement de certaines régions » ? Pourtant de nombreuses régions désenclavées ne sont pas développées ; la prise « de mesures de protection environnementale, notamment dans le département de la Grand’Anse » alors qu’il n’en existe aucune dans les autres parties du territoire ; « la déserte routière en plus de celles maritime et aériennes facilitera la mise en valeur des richesses latentes de la Grand’Anse et ouvrira la voie, grâce au tourisme local, à une meilleure connaissance de la presqu’île du Sud » De quel tourisme local s’agit-il ? Le Centre National des Equipements jouit-il d’une bonne réputation dans le domaine de la gestion ? Le ministère de l’Environnement et le Fonds d’Entretien Routier ont-ils fait leurs preuves dans leurs domaines respectifs ?

Ces questions se posent dans le but, non pas de critiquer, mais de montrer des failles qui méritent corrections ou explications.

Conclusion

Une attente de plus de 50 ans de l’indispensable route Cayes-Jérémie va, semble-t-il, être finalement comblée. Mais à quel prix et au profit de qui ? Compte tenu des mauvais contrats de concession du passé et du présent, des questions pertinentes s’imposent qui méritent des réponses précises pour les éclaircissements nécessaires.

Nous répétons donc les questions posées tout le long de notre exposé :

1. Le parlement haïtien a-t-il approuvé ce projet ?

2. Pourquoi le coût élevé de $ 94 982 895,39, soit $ 1 172 628 33 le km ?

3. Qui recevra quoi ?

4. Quel montant sera accordé au matériel, aux experts étrangers et à la main-d’œuvre haïtienne ?

5. Fiabilité de certaines déclarations et de certaines organisations ?

En dernier lieu, quels dédommagements recevront les paysans si la route traverse leurs propriétés ?

Ceux qui ne posent pas de questions sur de tels contrats, autres investissements ou importantes décisions concernant l’intérêt national encouragent la non-transparence des dirigeants.


[1Professeur émérite, City College, New York
Cette analyse est construite à partir de données fournies par l’article « Haïti : Signature pour la construction de la route Cayes-Jérémie », publié dans le quotidien Le Nouvelliste du 23 avril 2009.