Par Jean Claude Chérubin
Soumis à AlterPresse le 22 mai 2009
Le secrétaire général de l’ONU M. Ban Ki-moon s’est invité chez nous flanqué de l’ancien président américain Bill Clinton. Ils sont officiellement en mission d’évaluation de la capacité de la « communauté internationale » à faire face au défi haïtien. Abordé semble-t-il avec un regain soudain et insolite d’optimisme en pleine crise financière internationale sur fond de récession économique.
Pour cette « expédition » diplomatique, les membres du Conseil de sécurité ne seront pas en reste. Ils viendront examiner d’eux-mêmes cette curiosité des relations internationales que constitue décidément Haïti. Et en même temps évaluer le piétinement de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH) sur le terrain. Dans la foulée des rapports « alarmants » et d’une détérioration évidente de la situation catastrophique du pays et la corruption qui gangrène ce qu’il lui reste d’appareil gouvernemental, qu’est ce qui peut bien raviver l’espoir de la communauté internationale ?
Tout esprit pour le moins lucide est porté à se questionner sinon à s’inquiéter de cette brusque sollicitude et ce changement de vitesse dans le traitement du dossier de cette île des caraïbes. Quand l’ONU et l’oncle Sam se donnent la main, on peut être sur que le laboratoire va soumettre le cobaye haïtien à une de ces expérimentations dont il a le secret. Tel un lapin sorti du chapeau d’un magicien on nous assène de manières récurrentes des fausses sorties de crise dont la seule vertu est de nous rendre plus dépendante, plus déchirée, plus misérable.
Que nous réserve de neuf le quartet « Jan, Obama, Ban, Clinton » ?
Le journaliste canadien Jocely Coulon a découvert, sans rire, dans ce qu’il faudra appeler désormais "le plan Collier" « une lueur d’espoir pour Haïti ». Très sérieusement, qui pourrait avaler que tout ce paquet de puissantes personnalités se soit mis ensemble pour nous indiquer comment exploiter nos mangues et construire des routes !!! Grotesque insulte à l’intelligence, mais bien méritée pour nos pseudos élites qui ont préféré opter pour l’ignominie au lieu d’embrasser la mission historique du peuple. La meute politicienne obnubilée par un os de pouvoir à saliver perd tout sens de l’intérêt national. Elle (s’en) fonce tête baissée, s’entredéchirant, sniffant un poste ministériel ou électif présenté comme un appât par l’internationale et/ou l’équipe locale mise en scelle…
Pendant que se poursuit cette politique spectacle alimentée de scandales en écran de fumée, les décisions sérieuses sont prises en hauts et obscurs lieux à l’insu de la nation. La courageuse gesticulation de notre modélisateur national apparaît comme un baroud d’honneur « kabrit fin pase l ap rele fèmen baryè » (voir sa note de protestation Le Nouvelliste mercredi 4 mars). D’autant que son fameux "PRAIS" s’inscrit lui aussi dans cette dynamique de liquidation de la dignité nationale. Pour ne pas sombrer dans le ridicule en qualifiant ces propositions de plan pour Haïti, il est impératif de découvrir ce qu’il ne dit pas. Sous quel régime juridique international sera-t-il implémenté ? La fameuse question que tout un chacun essaye maladroitement d’occulter et qui est au centre du débat : le statut d’Haïti.
En fait le rapport Collier à regarder de près est un constat d’échec de l’ONU via la MINUSTAH. Après cinq ans de mandat, doté d’énormes moyens techniques, financiers, humains, cette intervention ne peut présenter comme résultat que d’avoir soumis des bandes de bandits armés prêts à tout moment à refaire surface. La situation socioéconomique est de plus en plus alarmante. L’instabilité politique est loin d’être résolue. Les institutions sont plus que jamais défaillantes. La menace migratoire et le trafic de la drogue qui constituent le véritable dada de notre puissant voisin demeurent une grande préoccupation. Même la tenue des élections régulières qui sert à présenter une façade démocratique n’a pu être assurée. Les émeutes de la faim d’une rare violence sont venues ébranler le fameux processus de stabilisation cher au président et emporter le gouvernement qui ne sera remplacé qu’après plusieurs mois de tergiversations.
Le ras le bol envers les troupes onusiennes a franchi à l’occasion une phase sensible. En effet, la MINUSTAH a gagné en discrédit et en hostilité suite à son implication répressive dans les immenses manifestations populaires, ce qui a finit par salir complètement ce qui lui restait d’image dans le pays et confirmer sa posture de force d’occupation. Enfin la nature s’est mise de la partie avec quatre ouragans dévastateurs mettant à nu la situation catastrophique du pays.
Bref tous les indicateurs sont au rouge. Force est de constater que la plupart des facteurs qui militent en faveur d’Haïti en rapport avec les autres états faibles (Collier) sont historiques et non liés à la présence de l’internationale. Proximité avec la république dominicaine ; absence de guerres tribales ou de tensions ethniques, pour ne citer que ceux-là. Ce qui devrait indiquer la capacité des Haïtiens à se prendre en charge en toute souveraineté dans le cadre d’une solidarité internationale bien comprise.
En outre on doit se résoudre en toute probité à reconnaître que toute critique de la situation actuelle d’Haïti s’adresse aussi à l’internationale. Malgré les tentatives maladroites pour l’en dissocier, l’échec est autant imputable à l’ONU qu’aux autorités locales. Les rapports qui font état de la corruption généralisée qui gangrène l’appareil judiciaire par exemple épinglent autant sinon plus des pays étrangers et des institutions internationales que les "dirigeants" haïtiens. Sans même devoir relever l’ingérence des forces extérieures dans le choix de ces derniers qui sont en fait l’instrument de leur politique.
Avec le débarquement de cette énième « commission Civile » on peut augurer qu’une forme ou une autre d’accélération de notre « prise en charge » est décidée dans la foulée de l’arrivée de l’administration Obama - Clinton. Du genre de ce qu’on appelle dans le jargon international actuel, colonialisme de troisième type ou « colonialisme de nécessité » : « C’est-à-dire la prise en charge ou la mise sous tutelle internationale d’États faibles dont le désordre politique ou l’absence de gouvernance interne menacent la stabilité régionale ou tout simplement la vie des populations…. » (Benoit D’Abeville). N’est ce pas ce que suggèrent les fameux rapports précédant comme par hasard l’arrivée de nos chers « amis protecteurs » en plein « welewele » électoral ?
A bon entendeur salut
Restons malgré tout réalistes. Visons l’impossible.
6 Mars 09