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Haiti-Canada : Valoriser l’implication sociale des jeunes Montréalais d’origine haïtienne

Par Nancy Roc

Soumis à AlterPresse le 7 mai 2009

La cérémonie de clôture de l’École de leadership du Conseil National des Citoyens et Citoyennes d’Origine Haïtienne (CONACOH) a eu lieu le 5 mai écoulé dans le salon littéraire de la bibliothèque du Collège Rosemont. Ce projet pilote avait été lancé le 28 février dernier dans le cadre du suivi des états généraux de la communauté haïtienne organisés en 2007 par le CONACOH.

La première édition de l’École de leadership portait sur la valorisation de l’implication sociale de la jeunesse en mettant en exergue les compétences professionnelles et personnelles des jeunes, l’acquisition d’outils et de techniques de leadership, de réseautage et de démarrage de projet ou d’entreprise. Cette démarche éducative non formelle privilégie l’apprentissage dans l’action.

Promotion mai 2009

Cette école accueillait une douzaine d’élèves du Collège de Rosemont et de jeunes d’origine haïtienne sélectionnés par différents organismes communautaires. Ses objectifs étaient les suivants :

• Fournir des outils et des pratiques efficaces à l’exercice du leadership ;

• Favoriser le développement du leadership responsable ;

• Faciliter le réseautage avec les différents secteurs de la vie économique, sociale et politique ;

• Outiller les jeunes afin qu’ils puissent développer l’esprit critique et la capacité de construire leurs savoirs et leurs jugements ;

• Acquérir une bonne connaissance des fondements de la vie démocratique et des chartes de droits ;

• Acquérir des attitudes et des valeurs démocratiques de partage et de solidarité.

« Ces jeunes sont nés ici et certains ne connaissaient pas bien la communauté haïtienne. Grâce à cette école, ils vont pouvoir s’impliquer davantage dans leur propre communauté », déclare Joseph Jean Gilles, coordonnateur du projet pilote de l’école de leadership. « Au niveau du CONACOH, nous allons assurer un suivi en les accompagnant (s) avec des mentors et en créant, d’ici un mois, une « trousse de suivi d’un jeune leader » qui pourra leur servir de guide dans leurs différents projets », ajoute-t-il.

Au cours de sa première année d’opération, l’École de leadership vise à encadrer directement, par des ateliers, 40 jeunes Montréalais d’origine haïtienne âgés de 16 à 30 ans et, indirectement, par des conférences publiques et forums de discussion, 200 jeunes de toutes origines. Ces participants aux différentes activités de l’École de leadership sont recrutés dans différents lieux d’appartenance tels que les organismes communautaires, les groupes sociaux, les milieux éducatifs, religieux etc.

Ninette Piou et Joseph Jean Gilles du CONACOH

« Suite aux états généraux de la communauté haïtienne, nous avons réalisé qu’il fallait assurer la relève et c’est dans le cadre de notre Plan stratégique « Des jeunes en contrôle de leur destin », que nous avons créé cette école », souligne la présidente du CONACOH, Mme Ninette Piou. « Nous souhaitons donner des outils à la génération montante pour que les jeunes puissent avoir une nouvelle lecture et vision de notre communauté », déclare-t-elle en soulignant que bientôt, ce projet pilote sera suivi d’un autre intitulé « l’École des Parents ». Selon Mme Piou, ce dernier « va pouvoir outiller les parents dans la réussite scolaire de leurs enfants » et devrait être lancé en septembre prochain.

Une jeunesse métissée et tournée vers l’avenir

Ce sont des jeunes enthousiastes et dynamiques que nous avons rencontrés mardi dernier, lors de la cérémonie de clôture de l’École de leadership du CONACOH. « Nous aurions voulu que le programme soit plus long car les conférences étaient très intéressantes, tant dans le domaine culturel que dans celui de la fonction publique. La différence entre un leader et un « follower » se retrouve au niveau de l’initiative et cette école nous a montré les différentes possibilités qui existent car, souvent, les jeunes ne savent pas où et comment exercer leur initiative et nous sommes souvent dépassés par le système », déclare Fadjiah Collin-Mazile, 21 ans, dont le père est Haïtien et la mère Française.

Vanessa St-Jean Fadjiah Collin Mazile et Rose Dume Benguy

« Au début, ma conception du leadership était associée aux affaires commerciales alors que, grâce à cette école, je sais désormais qu’on peut devenir un leader dans tous les domaines », relève Vanessa Alexandra St-Jean, 21 ans. « À Montréal, les jeunes ont souvent tendance à prendre le mauvais chemin mais je réalise maintenant que si l’on travaille dur et qu’on persiste dans nos efforts, on peut arriver loin », ajoute-t-elle.

« Même si je n’ai jamais été en Haïti, lorsque je regarde la situation des jeunes là-bas, cela m’attriste. Moi, je veux qu’un jour ma mère soit fière de moi et puisse dire : « ma fille, elle est devenue quelqu’un » et cette école peut m’aider dans ce sens », affirme, de son côté, Rose Dumé Benguy, 17 ans, dont la mère est Haïtienne et le père Angolais.

Pour ces jeunes filles, nées au Québec, elles se sentent beaucoup plus citoyennes du monde que citoyennes du pays d’origine de leurs parents ou de leur société d’accueil. « Je refuse de me faire définir par des éléments externes ; je suis d’abord moi, Fadjiah, ensuite, citoyenne du monde », déclare Fadjiah Collin-Mazile.

Les frères Michel Dimitri Dorsainville et Rivette Bastien Jeoffrey

Les jeunes hommes que nous avons rencontrés se montrent aussi enthousiastes que leurs condisciples féminins. Pour Dimitri Dorsainville, 23 ans, qui travaille dans le secteur communautaire, « la notion de leadership était davantage associée aux hommes d’affaires et à l’entreprenariat alors que (,) maintenant, ma vision a changé », dit-il. Même son de cloche pour les frères Michel : « C’est la même chose pour moi sauf que moi, n’ayant pas d’expérience communautaire, cette école m’a permis de découvrir les ressources de ma communauté et de réaliser qu’il y a non seulement de la place pour nous, mais que nous avons beaucoup de choses à faire », déclare Louisymio Michel, 23 ans. « Être un leader, c’est d’abord être discipliné mais cela permet aussi de mieux s’intégrer dans les autres communautés », a appris Jeoffrey Rivette Bastien, 27 ans.

Louisymio Michel souhaite créer une ligne de vêtements intitulée « 1804 » en hommage à l’histoire d’Haïti, « car, il y a encore beaucoup de jeunes Haïtiens ici qui ne connaissent pas le symbole de cette date qui est très importante pour le peuple haïtien », affirme-t-il. Son frère, Kalynowsky Michel, 22 ans, compte quant à lui « ouvrir le plus grand bistro de Montréal », alors que Jeoffrey Rivette Bastien envisage d’ouvrir une boutique de vêtements pour les hommes Noirs. Il fait déjà le va-et-vient entre Montréal et les États-Unis. Dimitri Dorsainville désire continuer à s’investir dans le domaine communautaire en devenant criminologue : « La jeunesse de Montréal est à la base du Québec de demain ; mais, pour cela, il faut commencer tôt », conclut-il.

Montréal, 7 mai 2009