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Haïti : Vers la dernière Conférence des bailleurs…

Par Ericq Pierre

Soumis à AlterPresse le 10 avril 2009

La Conférence de ce mardi 14 avril 2009 est la première qui sera organisée sous le gouvernement de Mme Michèle Duvivier Pierre-Louis. Elle sera peut-être aussi la dernière. C’est en tout cas la septième ou la huitième depuis l’année 2004. Auparavant, il y a eu la Conférence de Washington (juin 2004) , suivie de Cayenne (mars 2005), Montréal (juin 2005) et de Bruxelles (octobre 2005). C’était, on s’en souvient, l’époque du Cadre de Coopération Intérimaire (CCI), sous le gouvernement de Gérard Latortue [1]. Il y a eu ensuite la Conférence de Port-au-Prince (juillet 2006), suivie de celle de Madrid (novembre 2006), sous le gouvernement de Jacques Edouard Alexis.

Toutes ces rencontres ont été saluées en leur temps comme des succès, comme en font foi les déclarations officielles (parfois euphoriques) approuvées en fin de session par tous les participants et notamment par les représentants d’Haïti. La Conférence du 14 avril n’échappera sans doute pas à cette règle et les signes avant-coureurs apparaissent de bon augure.

Primo. Le Groupe des 10 (le G-10) formé des principales agences présentes sur le terrain a travaillé étroitement avec le gouvernement haïtien dans la préparation de la Conférence, faisant le point à chaque étape, ne ménageant ni son temps, ni ses consultants, encore moins ses opinions. Préparant même des « success stories » pour bien montrer qu’en Haïti, il n’est pas vrai qu’il n’y ait rien qui marche. -

Deuxio. Le Professeur Paul Collier a fait un travail de marketing extraordinaire au nom de l’ONU. Il n’a peut-être pas dit des choses très nouvelles ni même très originales, mais comme dirait Blaise Pascal il a parlé de ces vérités qui sont présentes de tout temps, mais qui semblent n’avoir commencé d’être que du jour où elles ont commencé d’être connues. Il mérite une mention spéciale pour avoir révélé ces vérités et pour la conviction proche de la passion avec laquelle il décrit les possibilités d’Haïti et encourage les investissements. Il lui reste seulement à éviter que le succès de son Rapport ne vienne confirmer la véracité de cette boutade qu’on prête à un très haut fonctionnaire haïtien, à savoir que depuis sa publication « l’on parle plus du rapport du professeur Collier que des problèmes d’Haïti ».

Tercio. En prélude à la Conférence et comme preuve de son intérêt pour Haïti, le Secrétaire Général de l’ONU, M. Ban-Ki Moon, a visité notre pays, en compagnie de Bill Clinton pour inciter les Haïtiens à regarder devant et non derrière, à avoir foi dans leur avenir et dans celui du pays. Ils étaient suivis à un jour d’intervalle par le Conseil de Sécurité au grand complet.

Tous ont rencontré les officiels, le secteur privé, la société civile, sans oublier le pèlerinage habituel à Cité Soleil, aux Gonaïves et à Cabaret, qui constituent depuis quelque temps les hauts lieux symboliques de la détresse haïtienne.
En fait, cette année 2009 qui vient juste de boucler son premier trimestre a déjà battu tous les records de visites de personnalités internationales chez nous. Elles ont beaucoup vu et beaucoup entendu.

Par la suite, Ban-Ki Moon a écrit aux Chefs d’Etat, aux mécènes et aux agences de financement du monde entier pour les encourager à participer à la Conférence et à aider Haïti. Il a aussi publié des articles dans les journaux à grand tirage. Le président de la BID a envoyé des dizaines de lettres et placé autant d’appels téléphoniques à ses collègues. L’OEA aussi s’est mobilisée.

Il faut donc s’attendre à une participation massive et de ce point de vue, la prochaine conférence sera un succès, même si chaque participant aura sa propre définition du mot succès. Pour le gouvernement, il y aura succès si, entre autre, cette participation massive se matérialise en promesses fermes et publiques de financement. Pour les donateurs, la définition de succès sera probablement plus nuancée.

Pour ma part, quel qu’en soit le résultat, je forme le vœu que cette conférence soit la dernière. La raison est très simple. Si c’est un succès, tant mieux, il faudra capitaliser sur les bons résultats obtenus. Si c’est un échec, tant pis, il faudra tirer les leçons qui s’imposent. Le voudrons-nous ? Le pourrons-nous ? A chacun sa réponse.

P. Ericq Pierre.
10 avril 2009
Rochasse091@yahoo.com


[1A bien considérer, le gouvernement de Gérard Latortue continue de marquer l’Administration haïtienne dans la mesure où à part les Ministres et Secrétaires d’Etat, la plupart des fonctionnaires qu’il avait nommés sont encore en place. Sans le vouloir peut-être, le Président Préval a ainsi rendu hommage au leadership et à la sagacité de Gérard Latortue dans le choix des fonctionnaires publics. Eloquent exemple de continuité de l’Etat.